HISTOIRE ET MEMOIRE
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Similitudes entre histoire et mémoire :
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Le refus d'oublier.
Les historiens connaissent souvent beaucoup de dates, de noms, etc. L'histoire comme la mémoire lutte contre l'oubli du passé. L'histoire commence lorsqu'un peuple contrecarre le processus naturel d'oubli permanent du passé et veut en conserver le souvenir mémoriel de façon exacte et écrite.
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La mémoire et l'histoire visent l'exhaustivité.
À cela s'ajoute un aspect quantitatif : l'histoire tend souvent vers l'érudition. L'augmentation et la précision de la mémoire semblent être le tout de l'activité de l'historien. L'historien n'a jamais fini d'enrichir ou d'explore le passé, en allant vers des détails de plus en plus minutieux.
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Différences entre histoire et mémoire :
HISTOIRE
MEMOIRE
(1) Être historien revient à construire des ensembles articulés où les fragments du passé viennent s'insérer. Connaître le passé, c'est parvenir à établir des relations de causalité entre les différentes traces déposées par les hommes.
Elle est constituée de souvenirs plus ou moins épars, parcellaires. La mémoire pleine de « manques », de « vides ». La mémoire isole un événement de son contexte.
(2) L'histoire est en quête d'objectivité, d'impartialité. Elle a une prétention scientifique. Elle véhicule des idées, des concepts.
La mémoire est subjective, affective, fluctuante. Elle se remémore le vécu du passé ou le passé du vécu.
(3) L'histoire est plus durable que la mémoire car elle est écrite. Elle est comme une « surmémoire ».
La mémoire est oublieuse, souvent orale.
(4) Les historiens sont des enquêteurs (c'est le sens étymologique du mot « histoire »), des chercheurs, des critiques.
Elle est collective. C'est l'affaire de tous les citoyens. Elle témoigne d'une mentalité commune, d'un habitus.
(5) Elle essaie de comprendre la complexité de ce qui s'est passé, en étudiant les détails et les contradictions de la réalité. Elle vise l'exactitude.
Elle simplifie la réalité pour être davantage collective. Elle néglige les détails et les contradictions de la réalité. Evoquer le passé, ce n'est pas le connaître.
(6) Elle sert à expliquer le passé.
Elle sert à comprendre le présent.
(7) Elle cherche à étudier tous les aspects d'événement, d'une époque du passé. Elle est exhaustive.
Elle est basée sur l'oubli d'une partie de la réalité. La mémoire est sélective.
(8) Elle aboutit à des travaux scientifiques, des thèses universitaires, des livres d'histoire, des manuels scolaires.
Elle aboutit à des commémorations, à des "journées du souvenir" (11 novembre), des fêtes (14 juillet)
(9) L'histoire ne juge pas : elle décrit, elle explique le passé.
La mémoire contient un jugement collectif sur les faits. Elle crée des mythes pétris par les désirs ou les phantasmes du groupe (le « roman national », « mythe résistancialiste » Henry Rousso).
(10) MAIS LA MEMOIRE INFLUENCE L'HISTOIRE : le travail des historiens peut être influencé par la mémoire collective : certains sujets seront davantage travaillés à certaines époques.
MAIS L'HISTOIRE INFLUENCE LA MEMOIRE : la mémoire a besoin de l'histoire car elle doit reposer sur des faits établis, sinon il s'agirait de rumeurs plus que de mémoire.
Nous connaissons le passé grâce au fonctionnement de notre mémoire. Ces souvenirs sont souvent parcellaires, désordonnés, partiaux et partiels. Ils se modifient, évoluent au fil du temps de notre vie. Notre mémoire est plus une évocation qu'une connaissance du passé.
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Dialectique entre histoire et mémoire :
HISTOIRE
MEMOIRE
(10)
LA MEMOIRE INFLUENCE L'HISTOIRE : le travail des historiens peut être influencé par la mémoire collective : certains sujets seront davantage travaillés à certaines époques.
L'HISTOIRE INFLUENCE LA MEMOIRE : la mémoire a besoin de l'histoire car elle doit reposer sur des faits établis, sinon il s'agirait de rumeurs plus que de mémoire.
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Notes et approfondissements :
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L'Histoire ne se contente pas d'un simple récit factuel et chronologique. Son but ultime est de nous fournir une explication, cad de démontrer le mécanisme des causes et des effets d'où à chaque moment est sorti un état nouveau de la société humaine. L'histoire prétend expliquer les faits et, par suite, en déterminer les causes. L'établissement de relations de causalité est d'ailleurs nécessaire au groupement des faits, qui ne peut être purement chronologique : « En fait, les historiens usent souvent de la notion de cause, indispensable pour formuler les événements et construire les périodes » (Langlois & Seignobos).
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Fénelon (fin du XVIIe) : « Le bon historien n'est d'aucun temps ni d'aucun pays ».
(6) L'explication vise à connaître les causes d'un fait, à déterminer objectivement la ou les raisons d'un phénomène, pour parvenir à mettre en évidence les conditions nécessaires de leur apparition ou de leur manifestation. Qu'est-ce que comprendre ? C'est appréhender une signification immanente à la réalité humaine, c'est ressaisir, de l'intérieur, le sens de l'expérience vécue propre à un sujet.