Hélène Cixous
Née à Oran en 1937 de parents juifs, sa mère étant originaire d’Allemagne et son père d’Afrique du Nord, Hélène Cixous fait ses études à Alger puis à Sceaux, est agrégée d’anglais à vingt-deux ans, enseignante à Bordeaux et à Paris, soutient une thèse sur l’Exil de Joyce ou l’Art du remplacement, travail minutieux et ponctuel dans lequel elle montre que Joyce a « choisi » d’être exilé et est mort pour que vive le livre. L’aveu d’Hélène Cixous est sans ambages : «Personne, à ma connaissance, n’a jamais réussi à mettre un doigt sur moi. » (Dedans). On peut lire l’œuvre, aujourd’hui imposante, d’Hélène Cixous : il n’est pas dit qu’on en trouvera les clefs, tant sont nombreux les recoins mystérieux, tant les chemins diffèrent, tant son écriture trouble et fascine. Sa carrière d’auteur de fiction, Hélène Cixous l’a entreprise avec un recueil de sept nouvelles, le Prénom de Dieu, étrangement retiré, depuis, de ses bibliographies. Dans ce livre où elle forme une théologie négative à partir de l’idée d’un « Dieu mort », sinon d’un Dieu absent, Hélène Cixous donne d’emblée le ton de son œuvre à venir : incisif, original, audacieux, onirique, véhément, décidé. La phrase qui clôt le recueil en dit long : «£t tout avait déjà été dit depuis longtemps. » Il s’agit donc de dire autrement.
D’assumer une nouvelle façon de prononcer les êtres, les choses et leurs interactions. Dedans obtient en 1969 le prix Médicis : le scandale de la mort y est dépeint sous les traits d’une petite fille qui refuse le départ de son père. Le « dedans », c’est la récusation du terme. Un an plus tard, deux romans (le Troisième Corps, les Commencements) disent les jeux infinis des rapports familiaux au cœur de pages où résonnent, au lointain, la Gradiva de Jensen et deux textes de Kleist : la Marquise d’O et Tremblement de terre au Chili. Il y a toujours, chez Hélène Cixous, une méditation sur l’origine, la référence, la citation : Neutre fait figure, en cela, d’opéra textuel, sorte d’immense réflexion sur l’écrit, sur la naissance, traversée de métaphores et d’images mystiques. Depuis, d’autres fictions ont parfait le grand art sibyllin et fabuleux d’Hélène Cixous, et accompli son écriture de femme « célébrant » la libération.
► Principaux titres
Chez Grasset : l'Exil de Joyce ou l'Art du remplacement, 1969 ; le Prénom de Dieu, 1967 ; Dedans, 1969 ; le Troisième Corps, 1970 ; les Commencements, 1970 ; Neutre, 1972. Chez Gallimard : La, 1976; Aux éditions des Femmes : Souffles, 1976; Parties, 1976 ; Angst, 1977.
Romancière et auteur dramatique, née à Oran. 11 y a deux versants dans son œuvre ; il y a deux Cixous : La première, imprégnée de Joyce (sur qui elle avait rédigé naguère une thèse) ; un peu ambiguë, sibylline même, sur le plan de l’écriture, un peu secrète et, sur le plan du « ton », assez volontiers amère (ou plutôt acide) : Le Prénom de Dieu, recueil de nouvelles, 1967 ; en matière de romans : Le Troisième Corps, 1970 ; ou Les Commencements, 1972. Très vite (on pourrait dire dès le début, en fait), son thème, explicite ou non, sera la femme : Dedans, 1969 ; Là, 1976 ; Manne, 1988 ; et surtout Le Livre de Prométhéa, 1983. Dans La Venue de l’écriture (1977), elle s’interroge sur la condition de l’« écrivain femme », lorsqu’elle est à la fois « poète », ce qui est son cas, et, mettons, « prophète ». Tu peux désirer. Tu peux lire, adorer, être envahie. Mais écrire ne t’est pas accordé. Écrire était réservé aux élus. Cela devait se passer dans un espace inaccessible aux petits, aux humbles, aux femmes. Dans l’intimité d’un sacré. L’écriture parlait à ses prophètes depuis un buisson ardent. Mais il avait dû être décidé que les buissons ne dialogueraient pas avec les femmes. Dès 1976, elle donne une bonne part de ses livres aux courageuses Éditions Des femmes : Souffles, Parties, Angst (l’Angoisse). Mais, pis encore (et ici nous sommes sur l’autre « versant » annoncé plus haut, l’autre face de l’œuvre) : Hélène Cixous nous apparaît comme un écrivain qui croit en la lutte, pour l’identité, pour l’indépendance - la lutte « en soi » et, pourquoi pas? victorieuse ; car la lutte, ce n’est pas seulement quelque chose à faire, mais quelque chose de faisable. De possible à l’homme. Et cette fois, il ne s’agit plus seulement d’un drame intérieur, intime (« intimiste ») ; il s’agit des êtres humains, observés dans leur totalité. Cette métamorphose, c’est le théâtre, le phénomène théâtre, qui l’a opérée. Mais c’est, aussi, la décision de travailler avec Ariane Mnouchkine et son Théâtre du Soleil : en 1985, L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge ; et, en 1987, L’Indiade.