HOBBES (vie et oeuvre)
En essayant d'appliquer à l'homme les mêmes méthodes qui président à l'étude de la nature, Hobbes cherchera à définir les conditions de la connaissance vraie, la nature du pouvoir politique, le rôle et le statut de la religion au sein de l'État. Il se montrera un ardent défenseur de la monarchie.
VIE
La guerre civile anglaise contraint Hobbes à s'exiler pendant onze ans en France. On l'accusera injustement d'avoir pris le parti de Cromwell. Charles Il ne tiendra pas compte de cette accusation. A la fin de sa vie, il sera honoré aussi bien en France qu'en Angleterre.
Précepteur d'un roi en exil
- Naissance en 1588 dans le village de Westport. Négligé par son père pasteur, c'est à un oncle qu'il doit de faire ses études à Oxford.
- Dès l'âge de vingt ans, Hobbes devient précepteur de William Cavendish, futur comte de Devonshire.
- 1640-1651: la guerre civile anglaise l'oblige à s'exiler en France.
- Il enseigne les mathématiques au prince de Galles, le futur Charles II, lui-même exilé à Paris.
L'auteur du Léviathan
- 1651: retour d'exil. Parution, à Londres, de son plus grand livre: Le "Léviathan", rédigé pendant son long séjour en France. -1658: publication du De homine. Hobbes considère que son oeuvre est achevée.
-1679: mort dans le château des Cavendish.
OEUVRES
Après s'être intéressé à la géométrie d'Euclide et à la philosophie naturelle, Hobbes conçoit le plan général d'une oeuvre divisée en trois grandes parties: «Du corps», «De l'homme», «Du citoyen». Ce qui l'intéresse d'abord, c'est la philosophie morale et politique.
Du citoyen (1642)
Les idées sont en gros les mêmes que celles qui sont développées dans les "Éléments du droit naturel et politique". Toutefois, on remarque dans ce livre une certaine maturation de la pensée du philosophe.
Le Léviathan (1651)
C'est l'oeuvre maîtresse de Hobbes. La première partie commence par l'étude des sensations et des passions. La troisième partie soutient l'idée que le pouvoir ecclésiastique doit être soumis au pouvoir politique. La quatrième partie est une attaque violente contre l'Église catholique. Quant à la deuxième partie («De la république»), elle expose les thèses célèbres qui conduisent Hobbes à soutenir le pouvoir absolu du souverain. Ces thèses peuvent être ainsi résumées: a) L'état de nature est un état de guerre de tous contre tous. b) Les hommes pactisent et renoncent à faire usage de la violence. c) Seul un souverain qui possède le pouvoir absolu peut forcer les contractants à respecter leurs engagements.
De la liberté et de la nécessité (1654)
Ce texte sera à l'origine d'une polémique entre Hobbes et l'évêque Bramhall. Hobbes aura à montrer que ses idées sur la nécessité (pour lui, la volonté humaine n'est pas libre) ne conduisent pas à l'impiété.
Du corps (1655)
Ce livre aborde des questions de logique, de géométrie, de physique pour s'achever sur un exposé des conceptions anthropologiques de Hobbes.
De l'homme (1658)
Hobbes consacre la moitié du livre à parler d'optique en laissant de côté l'homme. Toutefois, cet ouvrage contient d'importants passages traitant des passions.
EPOQUE
Un attachement au pouvoir royal
Fidèle aux idées exposées dans Le Léviathan, Hobbes, dès le début de la crise politico-religieuse qui secoue l'Angleterre du XVIIe siècle, soutient Charles Ier. Le conflit qui oppose ce dernier au Parlement prenant un tour inquiétant, Hobbes choisit l'exil. Préférant la plume aux armes, il s'attachera à fonder de manière rigoureuse le droit absolu du souverain, seul à pouvoir garantir la paix et la sécurité du citoyen.
Un retour d'exil contesté
Peu de temps après la Restauration anglaise, en 1660, certains monarchistes accuseront Hobbes d'avoir pris parti pour Cromwell et d'avoir écrit Le "Léviathan" en pensant à lui Hobbes rejettera cette accusation. Il fut le premier à quitter l'Angleterre avants la victoire de Cromwell sur Charles Ier en 1645. La soumission de Hobbes à Cromwell n'ayant rien eu d'excessif, Charles II ne tiendra pas compte de l'engagement passé du philosophe.
APPORTS
La pensée de Hobbes occupe dans le domaine de la philosophie politique une place aussi importante qu'originale. Hobbes est, comme Machiavel, un penseur d'une étonnante modernité. Tout comme ce dernier, il place au coeur même de la réflexion politique le problème de la violence.
La nature de l'homme est foncièrement mauvaise. Contrairement à Rousseau qui, un siècle plus tard, partira de l'idée que l'homme dans l'état de nature est bon, Hobbes, bien plus réaliste, dira que l'homme, dans l'état de nature, est un être calculateur, égoïste, violent. Seul un pouvoir politique, aussi fort et absolu que sage, peut assurer la paix et la sécurité au sein de la société.
Hobbes n'a rien d'un idéaliste. Même s'il croit qu'un jour le pouvoir ne sera plus associé aux luttes mesquines et à la sottise, Hobbes n'est pas un idéaliste. Ne se faisant aucune illusion sur la nature humaine, il conçoit une philosophie politique très réaliste, dont la finalité n'est pas de transformer la nature de l'homme, mais de faire en sorte que les hommes, tout en servant leurs intérêts égoïstes, en viennent malgré tout à vivre en paix dans un État qui leur garantisse la sécurité.
Postérité-Actualité. Le "Léviathan" reste un des plus grands livres de toute l'histoire de la philosophie politique. Nul mieux que Hobbes n'a compris combien le problème de la violence est au centre de toute réflexion sur l'État, le pouvoir, la société. En effet, Hobbes montre bien que si les hommes étaient naturellement amis, il n'y aurait même plus à réfléchir sur l'essence de l'État; celui-ci n'ayant pas d'autre fonction que de garantir les citoyens contre leur propre violence, leur propre désir de préserver leurs intérêts aux dépens de ceux d'autrui.
CITATION A RETENIR
« L’homme est un loup pour l’homme. »
Pour Hobbes, appartenant en cela à une tradition intellectuelle britannique, qui aura avec Locke et Hume d’autres représentants, toute connaissance a son origine dans la sensation et dans l'expérience. « À l’origine de toutes nos pensées se trouve ce que nous appelons la sensation (car il n’y a pas de conception dans l’esprit humain qui n ait pas d'abord, tout à la fois ou par partie, été engendrée au sein des organes de la sensation). Toutes les autres dérivent de cette origine » ('Léviathan' I,1). Cet empirisme se double chez lui d’une conception matérialiste et mécaniste, qui l’a conduit à expliquer les comportements humains à partir d’un instinct de conservation matériellement et mécaniquement déterminé. Ainsi, tous les hommes agissent sous l'emprise de la passion de s’affirmer et du désir de se conserver. Il en déduit une théorie politique que l’on peut voir comme une légitimation du despotisme. Contrairement à une tradition d’origine aristotélicienne, pour Hobbes, l’homme n’est pas fait pour vivre en société, il n’est pas un animal politique. L’état naturel de l'homme est plutôt celui dans lequel chacun est en guerre contre chacun, où, selon le mot de Plaute que Hobbes fait sien, « l’homme est un loup pour l’homme ». C’est le règne du droit naturel, c est-à-dire de la liberté que chacun possède d’exercer sa puissance propre dans la mesure de ses possibilités, un monde où s’affrontent les diverses libertés individuelles. Cet état de rivalité permanente est renforcé, selon Hobbes, par la relative égalité entre les hommes qui attise les convoitises et les prétentions de chacun. Mais cet égoïsme radical de l’homme dans l’état de nature rend la vie humaine insupportable. C’est une condition radicalement angoissée, où la mort est à brève échéance le sort inévitable de chacun. Cela génère un besoin de sécurité grâce auquel un changement de condition est rendu possible. Les mêmes conditions qui font des hommes des loups pour l’homme, vont les conduire à passer un pacte volontaire, à conclure une sorte de convention ou de contrat par lequel tous renoncent collectivement à l’exercice de leur puissance propre et décident de soumettre au pouvoir absolu d’un tiers, qui devient le seul souverain. Ainsi, d’un même geste s instaure à la fois la société et l’état. L’homme fait ainsi le deuil de sa liberté naturelle en se soumettant à l’autorité absolue du pouvoir du Souverain qui seul décide de la loi. Ce pouvoir despotique est en droit d’exiger une obéissance totale. Un tel pouvoir est légitime, car lui seul peut, selon Hobbes, mettre un terme à la guerre civile destructrice de l’humanité .
Textes importants de Hobbes
- Sur l’égalité naturelle attisant la convoitise, Léviathan (livre I, chap. 13 ).
- Sur l’état de nature et la guerre de chacun contre chacun, Léviathan (livre I, chap. 13).
- Sur le contrat ou pacte hobbien, Léviathan (livre I, chap. 17).
- Sur la liberté de désobéir et la possibilité de reprendre sa liberté naturelle, Léviathan (livre II, chap. 21).
HOBBES (Thomas) : 1588-1679 Philosophe anglais. Né à Malmesbury, il entra à 14 ans à l'université d'Oxford. A dix-neuf ans il devint précepteur dans la maison du comte de Devonshire. De 1640 à 1653, il séjourna à Paris où il se lia avec le père Mersenne. Il retourna ensuite à Londres, puis, en 1674, se retira à la campagne et passa dans la solitude les cinq dernières années de sa vie. Empiriste et nominaliste, Hobbes développe une philosophie de la nature matérialiste et mécaniste en rejetant le problème de Dieu hors du domaine de la science. Sa morale est utilitaire, et sa pensée politique, qui constitue la partie la plus importante de son oeuvre, affirme l'insociabilité originaire de l'homme et fonde le droit sur la face. • Œuvres principales : Du citoyen (1642), Le Léviathan (1651). Un auteur mal compris de son vivant Thomas Hobbes (1588-1679) fait ses études à Oxford et devient, en 1608, le précepteur du fils du comte de Devonshire, famille à laquelle il restera attaché jusqu'à la fin de sa vie. Il fait de longs voyages sur le continent, en 1629-1631 et en 1634-1636 : au cours de ce dernier il rencontre, en particulier, Gassendi et Mersenne, ce véritable secrétaire de l'Europe savante et scientifique de l'époque. Il revient en France en 1640, en raison des guerres civiles et restera en exil jusqu'en 1651, lors de la restauration de Charles II. C'est en 1642 qu'est publié le De cive (Du citoyen) et, en 1651, le Léviathan, qui tente de répondre à ces questions décisives : pourquoi l'État ? pour quelles raisons lui obéir ? Le De homine (De l'homme) verra le jour en 1658. Hobbes est suspecté comme philosophe et doit se défendre contre le soupçon d'athéisme. Il meurt, en 1679, et sa réputation, longtemps scandaleuse, cède aujourd'hui à une réévaluation positive. Loin d'avoir construit et célébré une mystique de l'État, une vision pré-totalitaire du pouvoir, Hobbes a jeté, avec Machiavel, les bases de la science politique moderne, en établissant une théorie rationnelle du pouvoir. Une construction rationnelle du pouvoir politique À partir d'une philosophie rigoureusement mécaniste, Hobbes développe une description d'une nature humaine partagée entre un état de nature sans droit, où l'homme, possesseur de toutes choses, est source et objet d'une violence sans limite, et la nécessité d'échapper à la mort, de disposer d'une certaine sécurité. Cette contradiction irrationnelle, Hobbes la résout dans la création, par le pacte social, d'un État, d'un pouvoir régulateur rationnel et absolu. Appuyer la science politique sur des bases matérialistes La philosophie de Hobbes est matérialiste : une chose qui pense est, selon lui, quelque chose de corporel : « Par le mot Esprit, nous entendons un corps naturel d'une telle subtilité qu'il n'agit point sur les sens, mais qui remplit une place, comme pourrait la remplir l'image d'un corps visible [...] Il me paraît [...] que l'Ecriture est plus favorable à ceux qui prétendent que les Anges et les Esprits sont corporels qu'à ceux qui soutiennent le contraire » (Thomas Hobbes, De la nature humaine, chap. XI, § 4-5). Ainsi, Hobbes s'oppose à Descartes, pour lequel la chose pensante est un irréductible. Dès lors, l'homme est soumis à un comportement déterministe induit par ce matérialisme mécaniste. Ce mécanisme est empiriste : la sensation est le principe de la connaissance. Elle demeure dans l'esprit sous la forme d'une image. Quant aux émotions, volontés, instincts, passions, etc., ils sont déterminés mécaniquement. L'ensemble de la vie psychique de l'homme exclut tout libre arbitre. Hobbes incline donc naturellement vers une doctrine nominaliste, doctrine selon laquelle il y a seulement des mots et des signes, selon laquelle les essences se ramènent à des mots. Il s'attache à la parole, aux signes du langage permettant la communication sociale : ces signes représentent directement la réalité, ils ne se réfèrent à aucune idée générale, à aucune substance métaphysique présente derrière eux. Dans ce contexte, la raison est simplement un système de calcul capable d'assembler ces signes. Hobbes accorde une grande importance à la rigueur du raisonnement humain et du langage. La nature humaine, contradiction irrationnelle La conduite de l'homme résulte donc d'un jeu de forces mécaniques et d'une soumission aux passions. D'où, à l'état de nature, la guerre naturelle de chacun contre tous : les hommes recherchent, en effet, la plus haute reconnaissance d'autrui ; leur goût de la supériorité les mène à la rivalité, à la méfiance, lesquelles entraînent la guerre. L'état de nature est un état de guerre, contraignant l'homme à une vie quasi animale. Ici règne le droit de nature qui est le droit de tout homme sur tous et sur toutes choses. Mais, dès lors, l'homme est exposé en permanence au pire de tous les maux, c'est-à-dire à la mort violente du fait d'autrui. Ainsi, la nature humaine est soumise à deux passions contradictoires : dominer l'autre et préserver son existence de la mort. Cette situation est irrationnelle. L'État, construction humaine rationnelle La raison va substituer au droit de nature une loi de nature, qui consiste à préserver la vie, en inspirant aux hommes un contrat qui fonde la société civile et l'État. Puisque de la défiance et de l'appétit de domination des hommes procède la violence, et par conséquent la peur de la mort violente, les hommes doivent quitter l'état de nature. L'homme raisonnable, qui recherche la paix, deviendra citoyen d'un État. Les hommes se dessaisissent alors de leur droit de nature sur toutes choses, et ce par un consentement mutuel et général. Ils le confèrent à un souverain (homme ou assemblée), qui exerce dès lors le pouvoir politique en leur nom, par délégation. L'Etat ou République est donc une construction rationnelle et artificielle des hommes, et non un prolongement de la nature comme chez Aristote. La souveraineté de l'État est absolue et légitime, puisqu'elle résulte d'une libre délégation. L'État assure la sécurité et l'ordre ; il est la source unique de la loi Conclusion Hobbes établit une théorie rationnelle du pouvoir politique, qui a pour seule origine la nature humaine : il rompt ainsi avec la théorie de la souveraineté d'origine théologique, jusque-là régnante. Avec Machiavel, il a jeté les bases de la science politique moderne.
[…] « engins qui se meuvent eux-mêmes, comme le fait une montre, par des ressorts et des roues » (Hobbes, “Léviathan“, 1651). « Car qu’est-ce que le cœur, demande Hobbes, sinon […]
Liens utiles
- Présentation de la vie et de l'oeuvre poétique de Gérard de NERVAL
- Vie et oeuvre de ROUSSEAU
- FONTENELLE: sa vie, son oeuvre.
- En janvier 1976, lors de la parution de son roman, La Valse aux adieux, l'écrivain tchèque Milan Kundera déclarait : « Dans la vie, l'homme est continuellement coupé de son propre passé et de celui de l'humanité. Le roman permet de soigner cette blessure. » L'opinion de Kundera sur la fonction de l'oeuvre romanesque rejoint-elle votre expérience personnelle de lecteur ?
- Connaître la vie d'un auteur apporte-t-il des éclairages sur l'oeuvre ?