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HEIDEGGER (vie et oeuvre)


Heidegger est l'homme d'une question fondamentale formulée déjà par Leibniz: «Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?». Il se demande alors «qu'est-ce que l'être?» et, contrairement à la tradition, il accorde la priorité au temps et non pas à l'éternité pour l'expliquer.

Heidegger est considéré à juste titre comme l'un des plus grands philosophes du XXe siècle et pourtant il s'est laissé entraîner dans l'ignominie politique du nazisme. On se demande comment un penseur aussi profond a pu céder à un tel aveuglement.

Le professeur
-Né à Messkirch, Heidegger étudie la théologie à l'université de Fribourg-en-Brisgau avant de s'orienter vers la philosophie.


L'inspirateur de l'existentialisme


Le centre autour duquel la pensée de Heidegger se déploie depuis la parution de "Être et temps", c'est la question de l'être. L'édition de ses oeuvres complètes, en préparation, ne comptera pas moins d'une centaine de tomes!

Être et temps (1927)
Dédié à Husserl et publié dans les "Annales de phénoménologie" que celui-ci dirigeait, c'est l'ouvrage fondamental d'Heidegger. Il pose la question du sens de l'être et de son interprétation dans le temps. Avant de dire ce qu'est l'être, il convient de dire ce qu'il n'est pas: l'être ne doit pas être confondu avec l'étant, c'est-à-dire avec ce qui existe concrètement, les objets, le monde, les hommes. Étant parmi les étants, l'homme est dans le monde, mais il est aussi capable de s'arracher au monde et de penser ce qui n'est pas. L'homme est aussi temporalité, c'est-à-dire sortie hors de soi vers ce qui n'est plus ou n'est pas encore.

Qu'est-ce que la métaphysique ? (1929)
La métaphysique se caractérise par «l'oubli de l'être». Ceci ne veut pas dire que Platon, Aristote et leurs successeurs aient commis une quelconque erreur. La grandeur de la métaphysique tient à la richesse des perspectives qu'elle ouvre sur l'étant, notamment les perspectives de la technique et de la science qu'elle seule a rendues possibles. C'est en méditant sur la manière dont s'accomplit «l'oubli de l'être» que nous retrouverons le chemin de la question de l'être.

Qu'appelle-t-on penser ? (1952)
Nous apprenons la pensée en prêtant attention à ce qui exige d'être gardé dans la pensée. La science ne pense pas, bien qu'elle ait toujours quelque chose à voir avec la pensée. C'est dans la philosophie que se joue la pensée. Nous ne pouvons apprendre la pensée que si nous désapprenons radicalement son essence traditionnelle. Ce qui donne le plus à penser est, que nous ne pensons pas encore.

Essais et conférences (1954)
Rassemblement de textes fondamentaux sur la question de la technique, ce recueil montre que la technique occupe une place importante chez le penseur de l'être. Elle est, dit-il, le dernier visage de «la métaphysique de la subjectivité». Elle hérite de ce mouvement qui prend son essor avec Descartes et vise à rendre les hommes «maîtres et possesseurs de la nature». Elle signale le triomphe du sujet.

EPOQUE

Le national-socialisme
L'ouvrage de Victor Farias, "Heidegger et le nazisme", montre bien que l'adhésion du philosophe au national-socialisme ne relève pas d'un opportunisme momentané, mais de l'expression publique de convictions qui ont fait de Heidegger un des intellectuels les mieux considérés par le parti nazi. Même en privé, Heidegger a toujours refusé de critiquer le régime déchu et d'expliquer ses propres prises de position.

L'existentialisme
Lecteur de Heidegger, Sartre a cru pouvoir reprendre à son compte les analyses du philosophe et leur donner un achèvement dans l'existentialisme. Mais, selon Heidegger lui-même, c'est au prix d'un contresens et d'une trahison. L'existentialisme affirme que l'homme est le fondement de tout être puisque l'existence précède l'essence alors que pour Heidegger l'homme est le «berger de l'être». Ce n'est pas l'homme qui fait advenir l'être, c'est l'être qui interpelle l'homme.

APPORTS

L'apport décisif d'Heidegger à la pensée consiste à avoir mis en évidence qu'il est impossible de penser l'être sans avoir préalablement pensé le temps et que, par conséquent, toute pensée de l'être présuppose une pensée du temps.

La question de l'être. Il faut distinguer entre les choses qui sont ceci ou cela (les étants) et ce d'où proviennent ces choses et qui n'est ni ceci, ni cela (l'être). Heidegger aborde la différence ontologique entre l'être et l'étant sous l'angle de la différence entre l'être et le temps parce que, selon lui, le temps a en commun avec l'être d'échapper à l'étant (il n'est ni ceci, ni cela) tout en offrant aux étants la possibilité de se déployer.


Il ne faut pas confondre l'Être et Dieu. Heidegger veut échapper à l'erreur commise par tous les philosophes qui ont confondu l'être et l'étant et se sont mis en quête d'un étant suprême en faisant déraper la philosophie dans la théologie, l'étant suprême se trouvant assimilé à un Dieu éternel. Il montre que le temps est ce qui révèle l'être à lui-même.


Postérité-actualité. Heidegger a reformulé la question philosophique fondamentale en demandant à l'homme: «Que fais-tu de ta vie, toi qui est condamné à mort?». La mort est l'horizon de l'homme et c'est cet horizon qui fait de l'angoisse une réalité qu'il ne peut fuir que dans l'inauthenticité d'une vie ordonnée selon la banalité du quotidien. C'est pourquoi il n'est rien de plus important aujourd'hui que de «penser la technique» parce que c'est avec elle qu'on saisira le mieux l'oubli de l'être dont est responsable la métaphysique.

CITATION A RETENIR

« La question de l’être est aujourd’hui tombée dans l’oubli. »

Il a été l’élève puis l'assistant de Husserl. Toutefois, sa vision et sa pratique de la phénoménologie l’ont progressivement éloigné des conceptions husserliennes qu’il considère comme relevant d’un idéal irréalisable et historiquement déterminé, celui de l’accomplissement de la philosophie comme science rigoureuse. Le souci de réinstaller la phénoménologie dans la dimension traditionnelle de la philosophie l’a progressivement conduit à rompre avec la terminologie et les principes de Husserl : pour Heidegger, la conscience réduite ou non, naturelle ou transcendantale (c’est-à-dire en tant qu’elle structure ses horizons d’objectivité) n’est pas le domaine d’études ultime du phénoménologie. Ce que Husserl n’a pas vu, selon Heidegger, n’est autre que le rôle cardinal de la question de l’être. Celle-ci est, en effet, le point de départ et le point d’arrivée de toute philosophie. Néanmoins, il ne s’agit pas de proposer à la manière des ontologies traditionnelles une nouvelle et plus véridique détermination de l’être. Heidegger ne cherche pas tant à dire ce qu'est l'être, ni même ce qui dans l’être est réellement et qui en, en retour, déterminerait la teneur d’être des étants (c’est-à-dire de l’ensemble de la réalité). Non, son but est de montrer comment l’être apparaît et de quelle manière il prend sens.

Reprenant le mot d’ordre de Husserl, « droit aux choses même », Heidegger cherche à évaluer une nouvelle manière d’entendre la question, et dans son œuvre majeure, "Être et Temps", à déterminer les conditions de possibilité de sa position. Ainsi, il faut distinguer entre une question directrice de la métaphysique, la question de l’être au sens traditionnel et dont Leibniz a donné une formulation explicite : « pourquoi y a-t-il de l’être et non pas plutôt rien ? » et la question fondamentale de la métaphysique qui est la question du sens de l’être : « à qui et dans quelles conditions peut-on donner un sens à l’être ? » La phénoménologie prend ainsi un tour radicalement interprétatif, l’idéal humain d’absence de présupposition cède la place à la réalité de la situation herméneutique , qui veut que toute pensée se meuve en cercle à partir de présupposés au départ inaperçus mais qu’elle se doit de mettre à jour. Du coup, le sens même de la phénoménalité change et, pour Heidegger, est phénomène, non pas ce qui se montre en personne dans les limites d’une intuition donatrice originaire, mais ce qui « de lui-même ne se montre pas mais donne sens et fondement à ce qui se montre » ("Être et Temps", §7).

L’analyse de la question de l’être conduit Heidegger à mettre en lumière la structure spécifique du seul être pour lequel l’être peut avoir un sens : l’être humain (ce que Sartre appellera la "réalité humaine"). L’être humain n’est pas à analyser pour lui-même, mais uniquement en tant qu’il est celui-là même à qui seul la question peut se poser. Heidegger le nomme "Dasein", terme qui en allemand désigne l’existence, et que Heidegger comprend comme Da-sein, le « là-de-l’être », ce qui en nous est susceptible d’une certaine compréhension de l’être, auquel l’être se manifeste et pour lequel il peut prendre sens. Ce qui caractérise le "Dasein", l’être-au-monde heideggerien, est d’être dans une certaine expérience de la vérité. D’emblée, le "Dasein", en tant qu’ouverture à l’être, pré-suppose la vérité, entendue comme manifestation, dévoilement originaire de l’être et non plus comme adéquation du jugement et de la chose. L’une des avancées majeures d' "Être et Temps" est d’avoir mis en lumière le caractère temporel de toute détermination de l’être, le fait que l’être doit être pensé et questionné dans l’horizon du temps.

Ainsi l’être se manifeste diversement au cours de l’histoire, et ce trait appartient en propre à l’être, ce que Heidegger appelle son caractère « historial ». Ainsi vivons-nous à l’époque où l’essence de la technique déploie son règne : cela veut dire que nous envisageons l’ensemble de ce qui est dans la dimension du calcul et de la planification. Il ne s’agit donc pas de savoir si l’homme est maître de la technique ou si la technique fait de l’homme son esclave, mais bien de penser ce nouveau mode de manifestation de la réalité où le fleuve n’est plus un fleuve mais une source d’énergie, l’homme une force de production, etc. Le monde, des machines, de l’automation, de l’énergie atomique et de la planification universelle résulte selon lui d’une certaine compréhension de l’être qui répond, in fine, au développement historial de l’être.

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