Hegel: Système
Système
• « La figure vraie dans laquelle existe la vérité ne peut être que le système scientifique de celle-ci » (Phgie, Préface, p. 47), si bien qu’« une démarche philosophique sans système ne peut rien être de scientifique » (E, SL, § 14, p. 180). Pour Hegel, comme pour Kant, Fichte et Schelling, la philosophie doit s’élever à la scientificité, et elle ne peut y réussir qu’en se systématisant. Or, le système est un tout, une identité de différences, mais, un tout déterminé, une identité en elle-même différenciée des différences en elles-mêmes identifiées. Il est ainsi l’œuvre de la raison, laquelle est bien l’identification de l’identification des différences et de la différenciation de l’identité, dans une égale reconnaissance de l’identité et de la différence comme moments nécessaires de leur tout. Un tel système nie alors aussi bien la pensée intuitive, par exemple romantisante, qui tend à dissoudre les différences dans l’identité riche, mais confuse, d’un tout syncrétique et non pas proprement synthétique ou systématique, que la pensée d'entendement qui, lors même que, comme chez Kant, elle veut se faire raison et systématiser, fixe à elles-mêmes des différences simplement rassemblées « sous » l’identité d’une Idée elle-même non affectée par elles. Le système est, chez Hegel, un tout strictement organisé, qui se déploie dans l’Encyclopédie des sciences philosophiques.
•• Pour Hegel, comme pour ses prédécesseurs dans l’idéalisme allemand, le système, en tant que tout déterminé, ne peut être que fermé, la progression de sa constitution ne pouvant consister à lui ajouter par extension des déterminations de même niveau (dont le lien aux antérieures empêcherait celles-ci de jamais se lier par elles-mêmes en un tout), mais seulement à enrichir la compréhension des déterminations déjà posées, comme le disait Kant dans l’« Architectonique de la raison pure ». Or, ce tout fermé sur soi peut l’être comme une machine totalisée de l’extérieur par son inventeur, tel l’architectonicien kantien, ou comme un organisme vivant se totalisant lui-même de façon immanente : ainsi Hegel veut laisser se construire le système pensé dans sa pensée, qui se veut et sait la pensée de soi de ce système. L’immanence du tout à ses parties, de l’identité à ses différences, fait de chacune de celles-ci l’identité elle-même qui se différencie et, âme omniprésente dans son corps, en enchaîne les parties les unes avec les autres en agissant en son identité à travers elles. Chaque détermination, restant identique à soi dans sa différence interne, se réalise comme un cercle, qui s’enchaîne lui-même avec le cercle de la différence prochaine. Le système est de la sorte un enchaînement de cercles se liant successivement les uns aux autres en différenciant leur identité totale, mais celle-ci se présente aussi à même eux en tant que telle, faisant alors de leur enchaînement lui-même un cercle : « Le tout se présente [...] comme un cercle de cercles, dont chacun est un moment nécessaire, de telle sorte que le système de leurs éléments propres constitue l’idée tout entière, qui apparaît aussi bien en chaque élément singulier » (E, SL, § 15, p. 181). Cette circularité du système fermé du savoir spéculatif signifie que, dans son exposition successive, celui-ci aboutit à une ultime proposition, telle parce qu’elle recouvre la première. Cette proposition terminale a pour contenu la position du contenu de la proposition initiale, dont la position, œuvre du sujet (philosophant) du savoir, est seulement présupposée par son objet : le premier contenu du cercle, du cycle, de l’Encyclopédie hégélienne est l’être, posé par l’esprit absolu œuvrant dans le philosophe, et son dernier contenu est cet esprit absolu lui-même posant l’être en tant qu’il spécule philosophiquement. Faisant ainsi retour, en sa fin, à son commencement, le système s’englobe en lui-même dans la réunion absolue de son dire et de ce qui est dit par lui.
••• Une telle identification, propre au système hégélien, de son objet et de son sujet, de son contenu et de sa méthode, l’objet se révélant comme l’objectivation de soi du sujet, le contenu comme le dépôt de la méthode, en fait un système vivant. Auto-déploiement de la pensée à chaque fois strictement déterminée par l’entendement dans ses moments engendrés par la raison dialectico-spéculative, le système hégélien est, de part en part, en toute sa rigueur, fondamentalement vie et activité. Car, bien loin d’être mû seulement de l’extérieur par l’agir arbitraire d’une pensée qui ne serait pas la pensée de soi d’un contenu reposant, mort, en son identité à soi, et n’autorisant dès lors, comme discours nécessaire sur lui-même, que le formalisme piétinant de la déduction, il vit de la dialectique nécessitante de son contenu, œuvre en celui-ci, pleinement identique à sa forme, de sa négativité, c’est-à-dire de son activité absolument réactivée par la spéculation. Et l’on sait (voir article Spéculatif) que cette dialectique est, à chaque fois, portée par la liberté qu’est l’auto-position de la synthèse résolvant l’antithèse motrice. À l’opposé d’un ordre sclérosant contraignant les contenus idéaux ou réels arrachés à la vie de la raison et de l’expérience, le système exprime, chez Hegel, la vie libre de l’esprit absolu, qui vivifie en les justifiant toutes les données de l’expérience et de l’existence en lesquelles il se manifeste. Le système hégélien est bien la libre effectuation de soi, en toute sa vérité, de l’absolu.
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