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Hegel: Logique

Logique

• La logique hégélienne, exposée de façon indépendante dans la Science de la Logique (dite « Grande Logique ») et, au sein de l’Encyclopédie des sciences philosophiques, comme la première partie de celle-ci, avant la « Philosophie de la nature » puis la « Philosophie de l’esprit », n’a rien de commun avec la Logique formelle, surtout en sa forme contemporaine (symbolico-algorithmique). Elle est la « science de l’idée » ou, selon la signification que Hegel, après Kant, donne à ce terme, de la totalité pensée de l’être, et, spécifiquement, de « l’idée pure, c’est-à-dire de l’idée dans l’élément abstrait de la pensée » (E, SL, § 19, p. 283), dans son sens exprimé comme tel et non pas à travers sa réalisation sensible naturelle ou spirituelle. Ce sens de l’être, le sens comme être ou l’être comme sens, n’est donc pas à entendre en un sens purement subjectif ou formel, comme s’il s’agissait de la pensée simplement pensante, mais aussi objectif, car désignant l’être qui est pensé. La Logique est ontologique. Plus généralement, elle « coïncide avec la métaphysique, la science des choses, saisies en des pensées qui passaient pour exprimer les essentialités des choses » (ibid., § 24, p. 290). Elle a ainsi un contenu, à savoir l’être pris en ses déterminations universelles, qui sont des pensées, même quand elles se donnent comme objectives : qualité, quantité, substance, cause, objet..., et disent l’être, même lorsqu’elles semblent être de simples formes pensantes : concept, jugement, syllogisme, méthode... L’identité logique du subjectif et de l’objectif se différencie pourtant dans un processus qui fait passer de son contenu objectif à son contenu subjectif, de la Logique objective à la Logique subjective. •• Puisque seul le sens total est identique à soi sans renvoyer, contradictoirement, à autre chose, donc, à proprement parler, est, au lieu de se renverser dans un non-être, tandis que le sens élémentaire, présent dans tout sens, à savoir le sens « être », est, en tant que tel, en tant que détermination ayant pour contenu l’indéterminé, prototypique, par une telle contradiction, du mouvement même d’aller au-delà de soi, le contenu de la Logique est un processus qui, de lui-même, de façon pleinement immanente, se déploie en des déterminations de plus en plus complexes ou concrètes. La Logique se développe alors d’abord dans des déterminations dont le sens ne s’inclut pas lui-même, mais est comme tel présent seulement dans le sujet de la Logique, le philosophie logicien qui réalise en lui d’emblée le sens total saisi par lui en sa nécessité au terme du développement de son objet. La « Logique objective » expose pour commencer les déterminations de l’être comme être, qui, extérieures les unes aux autres, sont immédiatement ce qu’elles sont (qualité, quantité, mesure), et dont l’enchaînement ne peut donc être opéré que par le logicien. Puis les déterminations de l’être comme essence s’enchaînent ou médiatisent les unes avec les autres du dedans de chacune d’elles, grâce à leur contenu objectif devenu relationnel dans cette intériorisation essentielle de l’être (la substance se définit comme ce qui produit ses accidents, la cause comme ce qui a un effet...). Mais c’est seulement lorsque l’être a et n’est plus sa médiation intérieure, lorsque, comme concept, il se fait lui-même le sujet créateur de son développement, que — dans la « Logique [ainsi devenue] subjective » — le sujet et l’objet de la Logique s’identifient dans l’être comme sens total de lui-même, dans ce que Hegel appelle l’idée, totalisation pensante de l’être pensé. ••• Si le logique en sa vérité, l’idée comme auto-totalisation présente à soi du sens de l’être, commande toute sa réalisation, d’abord naturelle puis spirituelle, qui culmine dans la Logique fondant le savoir de soi encyclopédique de cet être, c’est à titre de moment, certes prioritaire, de l’être, mais d’un moment qui, en tant que tel, n’épuise pas l’être et n’est pas, pris pour lui-même, celui-ci en son absoluité. Cela, en raison même de son contenu achevé, qui n’est autre que l’auto-négation de l’idée s’aliénant en une nature avant de s’y réconcilier avec elle-même comme esprit. En sorte que l’idée est véritablement par l’esprit absolu s’achevant spéculativement en tant que Logique vérifiée encyclopédiquement ; elle n’a d’être que pour autant que cet esprit se présuppose lui-même comme son sens avant de se poser, à travers la nature, comme esprit. On ne saurait donc parler d’un panlogisme hégélien, qui supprimerait toute originalité des développements rationnels de la nature et de l’esprit. Bien loin d’être un simple revêtement sensible du logique alors clos sur lui-même comme seul lieu du sens, le contenu naturel et le contenu spirituel sont régis par une dialectique pleinement immanente à eux, assurément conditionnée par la dialectique logique, mais non pas abstraitement déterminée par elle. La nécessité logique, qui se dit en elle-même portée par la liberté absolue (à l’égard de soi) de l’idée, n'est bien aussi elle-même qu’un moment, même prioritaire, de celle-ci.

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