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HEGEL: L'HISTOIRE

« [L'histoire] n'est que l'image et l'acte de la raison. » Hegel, "La Raison dans l'histoire" (1830).
Pour Hegel, l'histoire humaine est un processus rationnel dont il est possible de donner une vision systématique. Ainsi, chaque peuple exprime une étape du déploiement de l'Esprit du monde, dans un vaste mouvement qui va de l'Est (Babylone, La Grèce antique) à l'Ouest (l'Europe moderne). Ce processus est dialectique: de la rencontre et de la confrontation entre les cultures adviennent de nouvelles cultures qui dépassent les oppositions de l'époque précédente. C'est un processus téléologique (c'est-à-dire orienté vers un but) qui mène, selon Hegel, à la prise de conscience de soi de l'Esprit du monde.
Le travail de l'historien-philosophe, c'est donc, pour Hegel, la saisie des processus rationnels à l'oeuvre dans l'histoire de l'humanité, en insérant tous les événements dans un processus censé être nécessaire et ordonné par une fin prédéterminée.


Les grandes lignes du système: La pensée de Hegel est une philosophie systématique qui vise à englober non seulement la pensée de ses prédécesseurs, mais aussi l'Histoire dans sa totalité. Hegel conçoit la réalité comme un tout, qui n'est pas sans rappeler la Substance unique de Spinoza, comprise cette fois dans son développement historique. Son système tente de définir la structure de cette totalité qu'il appelle l'Absolu, pour en analyser le devenir et les différentes manifestations, ordonnées suivant une téléologie dialectique qui, de la Logique, s'extériorise dans la philosophie de la Nature, pour finalement se concrétiser dans la troisième grande partie du système qui se déploie dans l' "Encyclopédie": la philosophie de l'Esprit, dans laquelle s'inscrivent la morale et le droit, l'art, la religion et la philosophie elle-même. La dialectique hégélienne: Selon Hegel, "tout ce qui est réel est rationnel, et tout ce qui est rationnel est réel". Le développement de l'Absolu se structure ainsi suivant le "moteur" même de la rationalité hégélienne: la dialectique. Toute évolution, naturelle ou historique, est le fruit d'un conflit entre opposés, qui amène un dépassement. Le développement dialectique a une structure tripartite: toute thèse (qu'il s'agisse par exemple de l'être, ou encore de l'Esprit subjectif), de par son immédiateté abstraite, entraîne la création de son opposé, ou antithèse (le non-être, l'esprit objectif). La tension provoquée par cette opposition entre thèse et antithèse fait émerger un troisième terme, la synthèse, qui dépasse le conflit entre les deux moments précédents, en les englobant et en révélant leur vérité et leur identité concrètes (la substance, l'Esprit absolu). Toute synthèse devient elle même une thèse et génère ainsi une nouvelle antithèse et une nouvelle synthèse, à une échelle supérieure: la dialectique forme ainsi le véritable moteur de l'histoire, dont elle construit indéfiniment le sens. Outre le système même de l' "Encyclopédie", la dialectique permet à Hegel de faire l'histoire de la raison: c'est l'objet de la "Phénoménologie de l'Esprit" dans laquelle il décrit les différents moments de l'esprit humain, à travers l'émergence de la conscience de soi puis l'avènement de la raison. La connaissance de soi et l'Absolu: La finalité de la dialectique, c'est la compréhension. En passant de l'abstrait au concret, de l'immédiat au médiat, la raison évolue vers sa vérité, et l'Absolu s'achemine vers la connaissance de soi. C'est en l'homme que s'incarne le dernier moment de ce développement dialectique: l'Art, la Religion et la Philosophie constituent ainsi les trois moments de l'Esprit absolu. L'Art donne à l'Absolu des formes matérielles; il interprète le réel en lui donnant des formes extérieures. La Religion, notamment sous sa forme chrétienne dont Hegel considère qu'elle est la plus haute, donne de l'Absolu des images et des symboles. Mais ce n'est que dans la Philosophie que l'Absolu peut acquérir une pleine connaissance de soi et atteindre sa vérité concrète. L'Absolu peut alors être assimilé à Dieu: "Dieu n'est Dieu que jusqu'au point où il se connaît lui-même". La philosophie de l'histoire: Pour Hegel, "la seule Pensée que la philosophie apporte à la contemplation de l'histoire est la conception de la raison. La raison dirige le monde puisqu'elle nous donne un procédé rationnel pour comprendre l'histoire du monde". Ethique et politique: Hegel distingue nettement moralité (Moralität) et éthique sociale (Sittlichkeit). Du point de vue de la moralité, le partage du juste et de l'injuste relève de la conscience individuelle; l'homme est cependant amené à dépasser cette éthique purement subjective, dans la mesure où le devoir ne résulte pas uniquement de jugements individuels. Hegel considère que le principal devoir d'un citoyen est de faire partie de l'Etat, car l'Etat reflète la volonté générale, en dépassant la somme des intérêts particuliers que représente la société civile. A la fin de la section de l' "Encyclopédie" consacrée à l'Esprit objectif, Hegel se livre à une analyse dialectique des relations entre Etats, fondée sur l'idée de l'exportation des contradictions politiques et économiques internes d'une nation dans un système d'exploitation international qui lui permet de résoudre momentanément ses contradictions internes (par exemple, le système de l'esclavage); ces analyses ébauchées par Hegel formeront la trame de départ de l'oeuvre de Karl Marx et du matérialisme dialectique. L'influence de Hegel: A sa mort, Hegel est considéré comme le plus grand représentant de la philosophie allemande. Son oeuvre est largement diffusée en Allemagne, et fait l'objet d'un enseignement. Très vite, ses disciples se divisent en "hégéliens de gauche" et en "hégéliens de droite". Ces derniers mettent en avant le lien entre la philosophie de Hegel et le christianisme, alors que les hégéliens de gauche prônent l'athéisme et la révolution: parmi eux, on compte principalement Ludwig Feuerbach, Bruno Bauer, Friedrich Engels et Karl Marx.


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