Hegel: Le vrai n'est pas le contraire du faux
Contre la tradition qui distingue la pensée et son objet, Hegel s'attaque à cette pensée de la scission pour montrer que jugement et objet doivent être saisis comme éléments d'un moment de l'évolution de l'Esprit. Ce que l'entendement prend pour un jugement faux sera une vérité intelligible pour la raison philosophique.
Problématique
Le vrai et le faux ne doivent pas être opposés, mais pensés l'un par rapport à l'autre. Si le faux est le négatif du vrai, le vrai comporte en lui la possibilité de cette négation : il n'y a pas de vrai sans faux, comme il n'y a pas de bien sans mal. La vérité philosophique ne comporte plus l'opposition sans mélange du vrai et du faux, elle les dépasse en les intégrant.
Enjeux
Une conception qui maintient l'opposition entre jugements vrais et jugements faux est une pensée dogmatique, qui croit avoir affaire à des objets isolés, alors que la pensée philosophique vise l'unité du Tout.
Le vrai n'est pas le contraire du faux
Le vrai et le faux appartiennent à ces pensées déterminées qui, privées de mouvement, valent comme des essences particulières, dont l'une est d'un côté quand l'autre est de l'autre côté, et qui se posent et s'isolent dans leur rigidité sans aucune communication l'une avec l'autre. À l'encontre de cette conception, on doit affirmer au contraire que la vérité n'est pas une monnaie frappée qui, telle quelle, est prête à être dépensée et encaissée. [...] Le faux (car il ne s'agit ici que de lui) serait l'Autre, le négatif de la substance, substance qui, comme contenu du savoir, est le vrai. Mais la substance est elle-même essentiellement le négatif, en partie comme distinction et détermination du contenu, en partie comme acte simple de distinguer [...]. On peut bien savoir d'une façon fausse. Savoir quelque chose d'une façon fausse signifie que le savoir est dans un état d'inégalité avec sa substance. Mais cette inégalité est justement l'acte de distinguer en général qui est moment essentiel. De cette distinction dérive bien ensuite l'égalité des termes distingués, et cette égalité devenue est la vérité. Mais elle n'est pas la vérité dans un sens qui impliquerait l'élimination de l'inégalité, [...] la vérité n'est pas comme le produit dans lequel on ne trouve plus trace de l'outil ; mais l'inégalité est encore immédiatement présente dans le vrai comme tel [...]. Dans la locution "dans tout ce qui est faux, il y a quelque chose de vrai ", les deux termes sont pris comme l'huile et l'eau, qui sans se mélanger sont assemblées seulement extérieurement l'une avec l'autre. [...] De la même façon, les expressions : unité du sujet et de l'objet, du fini et de l'infini, [...] présentent cet inconvénient que les termes d'objet et de sujet désignent ce qu'ils sont en dehors de leur unité ; dans leur unité ils n'ont donc plus le sens que leur expression énonce ; c'est justement ainsi que le faux n'est plus comme faux un moment de la vérité.
- esprit : l'ensemble des idées, pensées, représentations, ainsi que la logique de la réalité elle-même,
- négatif: ce qui s'oppose, ce qui est contraire à une réalité, par rapport à laquelle on le pense. Une réalité constitue le "négatif" d'une autre lorsqu'elle ne peut pas être pensée en elle-même sans référence à ce à quoi elle s'oppose. Ainsi, le faux n'a de sens que si l'on peut penser le vrai : sans l'idée de vérité, l'erreur n'est qu'un mot vide de sens.
- substance : l'objet considéré en lui-même, et non pas dans son rapport avec l'esprit qui le pense.
- dogmatique : caractère d'une pensée qui applique strictement les catégories kantiennes de l'entendement à des objets, et qui considère avoir atteint ainsi leur vérité. S'oppose ici à la pensée philosophique.
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