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Hegel: Être

Être

• Premier prédicat, le plus simple, le moins différencié, donc indéterminé, comme tel attribuable à tout (même le non-être peut être dit, en un sens, être !), l’être ne peut cependant être attribué pleinement, absolument, à un sujet que si celui-ci est, non pas une détermination (car toute détermination est négation), mais la totalisation des déterminations. Or, selon Hegel, cette totalisation des déterminations se montre, se démontre, n’être elle-même que si elle se comprend ou conçoit comme le sujet d’elle-même, la réalisation concrète d’un tel concept étant l'esprit. La philosophie spéculative de Hegel, et d’abord en tant qu’elle établit en son sens pur le sujet de l’être, ou qu’elle se fonde dans la Science de la logique, est donc la détermination progressive rigoureuse de ce dont on peut dire l'être absolument et qui fait ainsi s’avérer l'ontologie. Accomplissement rationnel développé de l’argument ontologique mobilisé par l’entendement métaphysique traditionnel, l'Encyclopédie hégélienne s’emploie à prouver dialectiquement que l’être, la détermination la plus pauvre, ne peut pleinement se dire que de la détermination la plus riche de l’absolu, qui est, envisagée par la Science de la logique en son sens pur, celle du concept achevé en l'Idée, et, envisagée par la philosophie de l’esprit en son sens réalisé, celle de ce que la religion appelle Dieu et la spéculation qui la rationalise Y esprit absolu. •• L’établissement dialectique du sens (logique) de ce qui est s’opère en trois étapes, où cet être est saisi selon un sens de plus en plus totalisant : d’abord comme être qui n’est qu’être, puis comme essence, enfin comme concept. En son emploi ambigu, le terme être, qui désigne d’abord l’être en son sens général, exprimant l’identité à soi, l’immédiateté, le désigne aussi en son sens particulier, à savoir l’être en tant qu’être, cet « en tant que » le particularisant précisément relativement à l’être en tant qu’autre que pur être (il est tout). La Logique de l’être montre que l’être en tant qu’être, qui n’est que lui-même, est, par son indétermination, bien plutôt identique à son Autre, le non-être, lequel, inversement, pris pour lui seul, est, de sorte que ce qui est, c’est la négation de ce qui fait s’écrouler l’être, de son indétermination ou abstraction, donc sa relation à son Autre, le non-être : une telle relation est le devenir (ce qui, à la fois, est et n’est pas). Cependant, le devenir et toutes les déterminations ultérieures de l’être : qualité, quantité, mesure, restent, même en étant déterminées, identiques à elles-mêmes en tant qu’elles n’indiquent pas en leur contenu leur rapport à d’autres (le sens « qualité » n’indique pas en lui le sens « quantité »). De sorte que la dialectique qui fait passer de l’une à l’autre procède du sujet de la Logique (qui pense déjà leur tout et les y insère), bien loin d’être imposée à chaque fois par l’objet de celle-ci. Le devenir des déterminations de l’être leur est ainsi extérieur, tel un destin que l’être, à chaque fois, subit, dans une différence d’avec lui-même qui détruit son identité immédiatement revendiquée. C’est pourquoi l’être, pour être, doit être plus que simple être ; il doit intérioriser en lui sa différence, se faire médiation avec lui-même. Telle est alors l’essence, dont les déterminations, en leur identité à soi, indiquent leur différence entre elles : par exemple, la cause, en sa définition même, pose son Autre, l’effet. Par la suite, la contradiction de l’essence — une détermination s’unit en elle-même à son Autre maintenu comme tel (l’effet nie la cause qui est sa liaison avec lui), donc diffère de ce à quoi elle s’identifie — la fera se nier dans le concept, dont les déterminations, en elles-mêmes, s’identifient en leurs différences mêmes (l’universel, ainsi, s’affirme comme tel dans le particulier), et se posent donc à chaque fois comme la totalité se reflétant en tant que telle dans chacun de ses moments. L’être n’est bien que comme concept. ••• Puisqu’il n’y a d’être, absolument, que de l’antipode de l’être pur, à savoir du concept, quant au sens de l’être vrai, et, quant à sa réalisation elle-même vraie, de l’esprit, le développement de l’ontologie la révèle être finalement une noologie. L'Encyclopédie hégélienne expose bien la détermination progressive de l’être comme sa régression fondatrice au concept, puis à l’esprit. L’être est en soi le concept ou l’esprit ; il n’est, comme être, que parce qu’il y a le concept et l’esprit. En ce sens, la philosophie de Hegel achève le mouvement inauguré par Kant, faisant de l’être le dépôt de l’acte. Et, que le concept soit ce qui pose l’être, relation qui est en soi dans lui, c’est ce qui se vérifie et devient pour le concept lui-même dans la mesure où, s’étant posé comme ce qui, seul, est, le concept accompli en l’idée révèle son être, l’être du sens achevé, comme l’acte de poser ce qui est pour lui son Autre, l’être sensible de la nature ; cette création de la nature se confirme et accomplit elle-même pour autant que l’idée se réalise pleinement comme l’esprit absolu, qui pose, à titre de présupposition de lui-même, d’une part l’être pur idéal ou du sens, objet de la Logique, d’autre part l’être réel ou sensible, objet de la Philosophie de la nature. Double position qui, pour l’idée ou l’esprit absolu, est — comme la religion chrétienne, dont le hégélianisme a voulu être la rationalisation, se le représente dans la mort de Dieu sauvant le monde — d’abord un sacrifice ou une négation de soi. Ainsi, loin d’être en sa vérité l’immédiat ou le positif, l’être est doublement médiatisé ou négatif : par lui seul il n’est pas, et il n’est par le tout conceptuel-spirituel qu’autant que celui-ci se nie.

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