Hegel et l'oeuvre artistique entre spiritualité et sensibilité
Dégager l’intérêt philosophique du texte suivant à partir de son étude ordonnée :
« L’œuvre artistique tient le milieu entre le sensible immédiat et la pensée pure ; ce n’est pas encore de la pensée pure, mais en dépit de son caractère sensible ce n’est plus une réalité purement matérielle, comme sont les pierres, les plantes, et la vie organique. Le sensible dans l’œuvre artistique participe de l’idée, mais à la différence des idées de la pensée pure, cet élément idéal doit en même temps se manifester extérieurement comme une chose... C’est pourquoi le sensible dans l’art ne concerne que ceux de nos sens qui sont intellectualisés : la vue, et l’ouïe, à l’exclusion de l’odorat, du goût et du toucher. Car l’odorat, le goût et le toucher n’ont affaire qu’à des éléments matériels et à leurs qualités immédiatement sensibles, l’odorat à l’évaporation de particules matérielles dans l’air, le goût à la dissolution de particules matérielles, le toucher au froid, au chaud, au lisse, etc. Ces sens n’ont rien à faire avec les objets de l’art qui doivent se maintenir dans une réelle indépendance et ne pas se borner à offrir des relations sensibles. Ce que ces sens trouvent agréable n’est pas le beau que connaît l’art. C’est donc à dessein que l’art crée un royaume d’ombres, de formes, de tonalités, d’intuitions et il ne saurait être question de taxer d’impuissance et d’insuffisance l’artiste qui appelle une œuvre à l’existence, sous prétexte qu’il ne nous offre qu’un aspect superficiel du sensible, que des sortes de schèmes. Car ces formes et ces tonalités sensibles, l'art ne les fait pas seulement intervenir pour elles-mêmes et sous leur apparence immédiate, mais encore afin de satisfaire des intérêts spirituels supérieurs, parce qu’ils sont capables de faire naître une résonance dans les profondeurs de la conscience, un écho dans l’esprit. Ainsi, dans l’art, le sensible est spiritualisé, puisque l’esprit y apparaît sous une forme sensible. »
■ HEGEL
DIRECTIONS DE RECHERCHE
• Pourquoi l’œuvre artistique n’est-elle « pas encore de la pensée pure »? . • Pourquoi l’œuvre d’art n’est-elle « plus une réalité purement matérielle » ? • Que signifie « se manifester extérieurement comme une chose » ? • Pourquoi « le sensible dans l’art ne concerne que ceux de nos sens qui sont intellectualisés » ? Que signifie ici « intellectualisé » ? • En raison de quoi est-il affirmé que seulement la vue et l’ouïe sont intellectualisées ? • Que signifie « se maintenir dans une réelle indépendance et ne pas se borner à offrir des relations sensibles » ? • Pourquoi ce que « l’odorat, le goût et le toucher » « trouvent agréable » « n’est pas le beau que connaît l’art ? » • Pourquoi ne saurait-il « être question de taxer d’impuissance et d’insuffisance l’artiste... sous prétexte qu’il ne nous offre qu’un aspect superficiel du sensible »? Que signifie ici « superficiel »? • Que signifient « sensible immédiat » et « l’art ne les fait pas seulement intervenir pour elles-mêmes et sous leur apparence immédiate » ? • En raison de ce questionnement et de ses résultats ainsi que de la constatation que le texte commence par : « L’œuvre artistique tient le milieu entre le sensible immédiat et la pensée pure... » et se termine par « Ainsi, dans l’art, le sensible est spiritualisé, puisque l’esprit y apparaît sous une forme sensible », peut-on dire que la problématique du texte est : — « Quels sont les sens intellectualisés ? » ou « Quels sont les sens concernés par l'art ? ». — « L’artiste est-il impuissant parce qu’il ne nous offre qu’un aspect superficiel du sensible ? ou une autre problématique ? Dans le cas où l’on répond positivement à la dernière question, en quoi les deux questions précédentes (traitées dans le texte) contribuent-elles à la problématique du texte ? • A partir de là, dégager l’intérêt philosophique propre au texte (en son objet, en sa démarche) et l’apprécier.
Liens utiles
- « Toute oeuvre d'art est un beau mensonge. » En quoi ces propos permettent-ils d'éclairer les mécanismes de toute création artistique ?
- Selon Stendhal, « Toute oeuvre d'art est un beau mensonge. » Vous illustrerez et, au besoin, commenterez cet aphorisme en fondant votre argumentation sur des exemples précis tirés de votre culture littéraire et artistique ?
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