Databac

Hegel: Absolu

Absolu

• L’absolu, « en tant qu’il doit exprimer Dieu dans le sens et dans la forme de la pensée » (E, SL, § 85, p. 348), ne peut cependant pas être saisi comme étant en rapport avec ce qui serait radicalement autre que lui, ainsi que la religion se représente parfois Dieu. Car il désigne ce qui est absous, délié, sans lien ou relation avec quoi que ce soit d’autre qui le limiterait ou délimiterait. Il ne peut donc pas être déterminé, fixé ou rivé, à une détermination ; mais pas non plus être indéterminé, ce qui le déterminerait face aux déterminations, lesquelles, même en tant qu’apparences, seraient alors quelque chose d’autre que lui. Il n’est donc lui-même que s’il a en lui les déterminations, et toutes les déterminations, qu’il totalise activement en lui en les maîtrisant, en les relativisant. •• L’absolu, qui n’est pas autre que le relatif puisqu’il pose bien plutôt en lui comme son contenu la totalité du relatif, est donc le sujet de toutes les déterminations idéelles (logiques) et réelles (naturelles et spirituelles), de la plus pauvre et abstraite : l’être (qui peut être dit de tout), à la plus riche et concrète : l’esprit pleinement transparent à lui-même dans le savoir philosophique achevé (qui ne peut être dit que du tout). Si l’absolu, l’un qui est le tout, n’est pas pris dans une différence d’avec autre chose, il se différencie ou détermine en lui-même. Il affirme par là son identité à soi dans les différences ou déterminations ainsi à la fois posées et niées comme telles en lui par lui-même : elles ont la réalité irréelle ou idéale de simples « moments » (aspects) de lui-même. La dernière d’entre elles est telle qu’elle ne renvoie pas à une autre, mais à elle-même, le contenu alors totalisé des précédentes, et qu’elle est donc l’absolu lui-même posé comme tel, l’absolu présent à lui-même dans le savoir absolu de lui-même. ••• Alors que Kant affirmait que la connaissance humaine ne saisissait que du relatif, l’absolu lui échappant définitivement comme une « chose en soi », Hegel installe d’emblée, de même que tout être, l’homme connaissant au sein de l’absolu. Et cela, à la place privilégiée qui lui est impartie, car il est déterminé comme participant au savoir de soi de l’absolu. Le savoir a toujours pour contenu l’absolu, mais qui se manifeste d’abord selon les moments, en tant que tels, relatifs, de lui-même — la Phénoménologie de l’esprit en expose la progression —, avant de se manifester comme l’absolu se manifestant dans la philosophie spéculative accomplie par Hegel comme Encyclopédie des sciences philosophiques. Contre toutes les théories rabaissant la connaissance à un simple intermédiaire (instrument ou milieu) déformant extérieurement l’absolu, Hegel en fait un moment de celui-ci, la présence à soi où il est vraiment lui-même. Comme le souligne l’introduction de la Phénoménologie de l’esprit, nous ne saurions rien, même de relatif, de l’absolu, « s’il n’était pas et ne voulait pas être, en et pour lui-même, déjà auprès de nous » (Phgie, Introduction, p. 181). L’absolu, identité à soi qui se différencie d’avec elle-même et s’identifie à elle-même dans les différences ainsi posées, en se faisant par là totalité, n’est donc que par ce moment médian de lui-même en lequel il s’oppose à sa massivité comme relation à soi. Certes, parce qu’il est fondamentalement identité, il est exprimé essentiellement par son premier et son troisième moment, le moment d’entendement et le moment spéculatif, tandis que son deuxième moment, le moment dialectique, le fait paraître comme son Autre, mais c’est par ce moment de la relativité dialectique qu’il est vraiment ce qu’il est (l’Un qui est Tout), de même que, pour Hegel, le vrai Dieu est celui qui, dans la « religion absolue » du christianisme, assume en lui sa propre mort.

Liens utiles