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GUÉRIN Raymond. Romancier français

GUÉRIN Raymond. Romancier français. Né à Paris le 2 août 1905, à la Taverne Daumesnil, que gérait son père; mort le 12 septembre 1955 à Bordeaux. Raymond Guérin a vécu à Paris jusqu'en 1914, avant de faire ses études à Poitiers jusqu'en 1925. Il revient alors à Paris où son père lui fait faire un stage dans plusieurs grands palaces. Expérience d'où il tirera son roman L'Apprenti (1946). De 1932 à 1939, il voyage, surtout dans le Bassin méditerranéen. Il passe ensuite vingt ans comme agent d'assurances à Bordeaux, coupés par cinq ans de guerre et de captivité en camp de représailles dans le pays de Bade. Ce dont s'inspire son roman Les Poulpes (1953). L'oeuvre de Raymond Guérin fit scandale en son temps. Après Zobain (1936), un récit classique, il publie Quand vient la fin (1941) suivi de Après la fin (1946). C'est l'histoire de son père, assujetti aux exigences de ses maîtres avant de succomber d'un cancer à l'anus. Le fils se souvient alors et déroule toute une vie à la manière dont l'entomologiste Fabre observait les insectes. Dès ce premier roman, Raymond Guérin définit sa recherche : procéder à « l'ébauche d'une mythologie de la réalité ». L'Apprenti évoque l'adolescence de Monsieur Hermès, garçon d'hôtel en proie à l'obsession de la masturbation. Avec La Confession de Diogène (1947), on a affaire à un autoportrait dont le philosophe grec est le prétexte. C'est une mise à mal des illusions modernes, des honneurs à la morale. Une seule possibilité : se retirer du monde pour n'être que « l'humble serviteur de la condition humaine ». Dans La Main passe, Patrick Beaurepaire déclare : « La créature n'est rien que par les viscères qui la mènent... » Parmi tant d'autres feux (1949) voit ressurgir Monsieur Hermès, à l'âge de vingt-trois ans. Dans ce roman d'apprentissage, l'antihéros affronte les Minotaures que sont la Société et le Monde, toute une faune mythologique dont les principales figures sont l'Amour, l'Argent, lArt, les Autres. A travers Empé-docle (1950), Raymond Guérin fixe quelques-unes des raisons minimales d'espérer. Le philosophe grec a connu « les mêmes convulsions cosmiques et les mêmes extravagances sociales » que notre époque. C'est lui qui, le premier, « osa, face aux folies de l'engagement, signifier sa révolte et inscrire son destin dans un refus qui ne fut pas moins tragique qu'exemplaire». Les Poulpes retrace la vie larvaire des prisonniers de guerre. Mais encore une fois, Raymond Guérin élève son roman à la hauteur d'un mythe moderne. Ces hommes réunis dans un camp constituent une société. Us portent des surnoms qui les caractérisent tout en les dépersonnalisant. Ainsi, sous le sobriquet du Grand Dab réapparaît Monsieur Hermès et sans doute l'auteur lui-même. C'est le dernier livre de Raymond Guérin avant sa mort prématurée, c'est peut-être aussi le plus désespéré de tous ceux qu'il a écrits puisqu'il constitue le bilan d'une destinée placée sous le signe du cauchemar et qui illustre la fantasmagorie criminelle d'une société policière, soumise aux exigences de la faim, à la tyrannie des geôliers, aux sottises de la propagande. Comme le déclara Raymond Guérin lui-même : « Il s'agit avant tout d'un livre de dérision. » Terme qui pourrait s'appliquer à l'ensemble de cette oeuvre où semblent se refléter par avance quelques-unes des réalités les plus terribles de notre époque. Raymond Guérin est venu trop tôt. C'est un écrivain à découvrir.

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