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Gil Blas de Santillane (Histoire de) d'Alain-René LESAGE

Gil Blas de Santillane (Histoire de) d'Alain-René LESAGE, 1715-1735, Folio, G.-F.

• Ce roman est construit par juxtaposition d’épisodes, à la façon des récits picaresques espagnols, et se déroule entièrement en Espagne entre 1607 et 1650 environ, mais il se rattache à l'esprit des moralistes et satiriques français. Sa rédaction s’est échelonnée sur plus de vingt ans à la faveur de son mode de développement.

• À dix-sept ans, Gil Blas quitte sa famille pour aller étudier à l’université de Salamanque et, dès lors, devient le jouet de la fortune, se prenant à aimer l’aventure tout en rêvant d’une vie calme qu’il mettra quarante ans à atteindre. Livré aux hasards des routes et des auberges, enrôlé de force par des brigands, emprisonné par la justice, couvert de présents par une dame qu’il a sauvée des voleurs, volé par une autre qui l’a ébloui, il adopte, après ces premières mésaventures, le métier de laquais (I,17). Passant de maître en maître et de ville en ville, il acquiert en dix ans une incomparable expérience du monde et commence son ascension sociale (ll-VII). Quand il entre au service du duc de Lerme, Premier ministre de Philippe III, c’est comme secrétaire (VIII, 2). On pénètre dans un nouveau domaine, celui de la cour et de l’intrigue. (Lesage vise en réalité la France de la Régence.) Gil Blas s’enrichit, se corrompt, devient un personnage et goûte à la prison quand le duc de Lerme est disgracié (VIII-IX). Il cherche une terre pour faire retraite, reçoit justement celle de Lirias d’une riche famille qu'il a autrefois servie (IX,10), se marie et semble se résoudre à mener une vie sage (X). Mais ce n’est qu’une pause. Il perd sa femme; puis Philippe III meurt (1621); et le voici qui retourne à la cour où il devient le favori du nouveau Premier Ministre, le duc d'OIivarès, et connaît une grande fortune pendant vingt ans. Fidèle au duc après sa disgrâce, il le suit dans sa retraite, puis se retire lui-même dans sa seigneurie de Lirias (XII, 12). Le roman est peuplé de plus de mille personnages de toutes conditions : muletiers, voleurs, barbiers, aubergistes, valets, soubrettes, comédiens, auteurs, ecclésiastiques, dévotes, grands seigneurs, pauvres gentilshommes, etc. Beaucoup sont seulement l’objet de portraits rapides à la manière de La Bruyère et de Montesquieu. D’autres sont les héros d’épisodes sans lien avec la vie de Gil Blas. La destinée de quelques-uns, comme Rolando, Fabrice, Scipion, se développe parallèlement à la sienne. Enfin des personnages historiques se mêlent aux fictifs : Philippe III, Philippe IV, le duc de Lerme, Olivarès.

• La psychologie et les actions sont dans la tradition railleuse et pessimiste de la comédie et du conte réaliste. La conclusion est toutefois rassurante puisque Gil Blas, renonçant à l’ambition, découvre la sagesse. L’intérêt du livre est à la fois dans la satire de la comédie humaine et dans cette conquête de soi grâce à l’expérience.

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