Gérard BLAIN
Né le 23 octobre 1930 à Paris.
Qui eût cru que cet interprète de Chabrol et de Hawks aux allures de sous-James Dean (de 1955 à 1969, Blain interprète, au cinéma et au théâtre, une trentaine de rôles principaux) possédait une telle sensibilité et un pareil regard cinématographique? Et pourtant, en 1970, Les Amis prouvaient que derrière cet être bourru en quête de tendresse se cachait un cinéaste, certes sous influence, mais à l’univers certain. Admirateur de Bresson, Blain tend vers la pureté stylistique. Aucune fioriture dans ses réalisations. Une sobriété d’expression totale, entièrement au service des scénarios qu’il écrit, ou coécrit. Ses plans sont souvent longs et fixes, ses cadres soigneusement exécutés et vides de toute composante à effet esthétique. Blain ne recherche pas le beau. Il n’offre que le reflet pictural épuré d’une profonde démarche intérieure. Ses personnages sont pratiquement tous à la recherche d’une forme d’affection. Ils sont seuls, font des rencontres qui présentent des espoirs de nouvelle vie (Les Amis, Un second souffle, Pierre et Djemila). Ils demandent un peu de gentillesse, qu’ils trouvent parfois chez des marginaux homosexuels (Les Amis, Un enfant dans la foule), chez des extrémistes destructeurs ou chez une sœur (Le Rebelle). Blain se penche sur son enfance triste (Un enfant dans la foule), regarde l’avenir avec angoisse (Un second souffle) et déplore le présent qui le déchire (Le Pélican). Tout chez lui est émotion, cris anarchiques violents (Le Rebelle), soif d’innocence inextinguible (Pierre et Djemila). Blain nous met face à son monde en instance d’implosion. Filmée avec excès, cette thématique sombrerait dans le mélodrame populaire. Sublimés à force de pudeur, les films de Gérard Blain sont la parfaite synthèse d’un cinéma grand public et d’un art pour «happy few». Seul aspect qui étonne dans cet ensemble si rigoureux : sa direction d’acteurs. Ni entraînés vers une mécanique de jeu spirituel à la manière de son maître, ni réalistes ou naturels selon les codes cinématographiques plus traditionnels, ses interprètes flottent entre un jeu classique et un style distancié. On retrouve l’exigence et la sincérité de Gérard Blain d’un bout à l’autre de Pierre et Djemila, film qui fut scandaleusement incompris lors de sa projection à Cannes en mai 1987. Taxé de racisme primaire par une critique aveugle et blasée, ce sixième film de Blain est peut-être son plus achevé, son plus beau, certainement son plus émouvant. Sur un thème simple, voire éculé — les amours contrariées de deux adolescents, un Français et une Arabe —, Blain tisse une frêle toile fixée sur le quotidien, les regards incertains, la pureté du découpage, l’importance prémonitoire des sorties de champ, le rejet du moindre effet dramatique. Soucieux de tolérance («Et nous, on s’est gêné pour construire des églises en Algérie?», signale un Français après le saccage de la mosquée dans le sous-sol d’une HLM) et de fraternité interraciale (le père de Pierre précise à son fils qu il y a autant de cons en Algérie que chez nous), Gérard Blain profite de ce sujet, depuis trop longtemps épineux, pour élargir son champ d'amour en direction d’une humanité qu’il ressent fort justement comme étant de plus en plus desséchée.