GÉNOCIDE RWANDAIS
GÉNOCIDE RWANDAIS
La guerre civile rwandaise d’avril-juillet 1994 figure parmi les événements majeurs de l’histoire du monde contemporain. Certes, depuis la période des indépendances, la région des Grands Lacs a été marquée par de nombreux épisodes meurtriers (1959, 1963, 1973, pour le Rwanda ; 1965, 1972, 1988, 1993 pour le Burundi), qui firent au total des centaines de milliers de morts et entre un et deux millions de réfugiés, mais les massacres des opposants rwandais et le génocide des Tutsi prirent une dimension sans précédent.
Au terme de quatre années de guerre civile, le régime du président Juvénal Habyarimana (au pouvoir depuis 1973) sortait très affaibli des négociations d’Arusha (août 1993) qui accordaient au Front patriotique rwandais (FPR, composé majoritairement d’exilés tutsi réfugiés en Ouganda entre 1959 et 1973) un poids politique et militaire décisif dans les nouvelles institutions. La logique de la révolution de 1959 qui accordait l’ensemble du pouvoir au « peuple hutu », soit 85 % de la population, était définitivement rejetée. La mobilisation ethnique et la violence, systématiquement entretenues depuis le début de la guerre, demeuraient donc la première arme politique du pouvoir. Lors de la reprise de la guerre civile en avril 1994, après l’attentat qui coûta la vie au président Habyarimana, et parallèlement au conflit entre les deux armées - FAR (Forces armées rwandaises, gouvernementales) et FPR (insurgé) -, un plan visant à l’élimination physique de l’opposition démocratique et des populations tutsi de l’intérieur fut mis en œuvre de manière systématique par les proches du clan présidentiel (civils et militaires) et par le gouvernement intérimaire. Ils s’appuyèrent principalement sur la Garde présidentielle et sur les dizaines de milliers de miliciens de l’ex-parti unique (Mouvement révolutionnaire national pour le développement), organisés et entraînés à partir de 1993 et notamment le mouvement des jeunesses interahamwe (littéralement « ceux qui conjuguent leurs efforts »).
Une campagne d’extermination méticuleusement organisée.
La campagne d’extermination débuta dès le 7 avril à Kigali et dans les préfectures contrôlées par le pouvoir (qui avaient déjà connu pour la plupart des pogromes au cours des années précédentes), et s’étendit une dizaine de jours plus tard à l’ensemble du pays après l’élimination des autorités administratives ou militaires hostiles. L’essentiel des tueries (vraisemblablement plus de 500 000 personnes) eut lieu en avril et mai, avec un regain dans les dernières semaines de la guerre alors que la victoire du FPR (en juillet) apparaissait certaine. Les principales caractéristiques de ce génocide (dont de nombreux aspects demeuraient mal connus à la mi-2000) furent son organisation méticuleuse par les autorités au niveau central (en utilisant systématiquement la radio) et au niveau des collines et l’implication directe d’une partie de la population.
Sur le plan international, malgré les rapports accablants du juriste ivoirien René Degni-Segui devant la Commission des droits de l’homme des Nations unies, le Conseil de sécurité refusa de qualifier de génocide les massacres, du fait du blocage des États-Unis. Le 22 juin, le Conseil de sécurité votait la résolution 929, prévoyant la mise en place d’une opération humanitaire multinationale d’assistance aux civils, autorisée à recourir à la force. Sous commandement français, l’opération Turquoise fut mise sur pied pour durer deux mois, le temps que l’ONU déploie les 5 500 hommes de la Minuar II (Mission des Nations unies d’assistance au Rwanda), dont l’envoi avait été décidé le 17 mai (résolution 918). Le 5 juillet, après la chute de Kigali et Butare, passées aux mains du FPR, les forces françaises établirent dans le quart sud-ouest du pays une « zone humanitaire sûre ». Très vite, des centaines de milliers de civils s’y réfugièrent, accompagnés de quelques milliers de miliciens et militaires accusés de « génocide programmé et systématique » par le rapport de la Commission des droits de l’homme de l’ONU publié le 30 juin, qui dénonça tout aussi explicitement la responsabilité de plusieurs États étrangers dans le conflit (la France, notamment, ayant armé et encadré, au cours des années précédentes, les forces gouvernementales). À la mi-juillet, la victoire du FPR mit fin au génocide.
Banalisation des pratiques génocidaires.
Les conséquences du génocide sont demeurées au cœur des destinées des quelque 500 000 rescapés, tous obligés de faire face individuellement à la double nécessité d’assumer les traumatismes vécus et d’entretenir la mémoire des victimes de la barbarie. Confrontées au devoir de justice et à la nécessité de mettre fin à la tradition d’impunité, les nouvelles autorités devaient d’abord reconstruire un appareil judiciaire décimé : à la mi-2000, plus de 100 000 prisonniers attendaient encore de comparaître devant la justice. Problème plus lourd de conséquences, elles se sont révélées largement incapables de surmonter la nouvelle exclusive ethnique qui faisait de tous les Hutu des coupables avérés ou complices du génocide et des massacres. Quant aux acteurs publics et privés de la communauté internationale, ils ont tenté de faire oublier, au travers des politiques d’aide à la reconstruction et de prévention des conflits, l’impuissance et la démission collectives d’alors.
Le génocide des Rwandais tutsi n’a pas pour autant mis fin au cycle des massacres dans la région. Des centaines de milliers de nouvelles victimes pouvaient être recensées au Burundi, au Rwanda et surtout au Congo-Zaïre en 1996. Massacres dans lesquels l’appartenance ethnique a continué de jouer un rôle prépondérant : d’une certaine façon, les pratiques génocidaires ont semblé se banaliser, bénéficiant, si ce n’est de l’impunité assumée des États mis en cause et du silence de la communauté internationale, du moins d’une justice ou d’une indignation sélectives.
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