GENET Jean
GENET Jean 1910-1986
S’il est surtout connu pour son théâtre, qui fit scandale et fait maintenant partie du répertoire de la Comédie-Française, et par ses romans très largement autobiographiques, il a aussi laissé deux recueils de poèmes : Le Condamné à Mort et Un Chant d’Amour. Poésie gracieuse et élégante, volontiers lyrique, qui traite des thèmes qui lui sont chers: l’amour et la mort.
Poète, auteur dramatique et romancier, né à Paris. C’est une pièce de théâtre, Les Bonnes, montée par Jouvet en 1947, qui, tout en révélant Genet aux lettrés, lui vaut son premier mais assez bref scandale. Et c’est encore le scandale qui lui apportera la gloire plénière auprès d’un immense public, lorsque commence à sortir librement en 1949 le Journal du voleur, puis magistralement préfacée par Jean-Paul Sartre en 1952, la série complète de ses romans (Notre-Dame des Fleurs, écrit et déjà publié en 1944 ; Miracle de la rose, écrit en 1946 ; Pompes funèbres, 1947 ; Querelle de Brest, 1947) et certains de ses poèmes (Le Condamné à mort, écrit à Fresnes en 1942 ; Un chant d’amour et Le Pêcheur du Suquet, publiés en 1948 aux Éditions de l’Arbalète). Sartre a affirmé que Jean Genet ne se révoltait pas tant ici contre sa misère morale que contre la condition humaine tout entière : « Il est notre vérité comme nous sommes la sienne... L’homme est pédéraste, voleur et traître. (Il est aussi, bien sûr, hétérosexuel, honnête et fidèle [...] Pour la pensée contemporaine l’humanité concrète est la totalité de ses contradictions.) » En fait, avant de vouloir prouver quoi que ce soit, Genet est un poète et qui se veut absous par la beauté de son œuvre. Bien plus encore qu’absous : sauvé (au sens religieux de la « salvation »). C’est-à-dire vainqueur de ses monstres, de tous les maléfices qui l’avaient assailli depuis toujours : Ma victoire est verbale, et je la dois à la somptuosité des termes. Notons pourtant que dans l’œuvre de ce poète, ce ne sont pas les vers ou les textes proprement lyriques qui constituent la part la plus réussie. (Du recueil de Poèmes publié en 1948, certains seront repris dans les Œuvres complètes.) Et c’est sans doute l’œuvre du dramaturge - ou disons, plutôt, du poète dramatique - qui donne l’idée la plus complète des possibilités de Jean Genet : alors que l’auteur de Miracle de la rose et du Pêcheur du Suquet ne nous avait donné, sous le nom de roman ou de poème, que de simples Mémoires, la scène lui a permis de sortir de ces curieuses confidences. Du même coup, la preuve est faite que le plus surprenant chez lui n’était pas sa matière, mais sa manière, son art : Les Bonnes, éditées en 1954; Les Nègres, 1959; Le Balcon, 1956, joué en 1960; et aussi Les Paravents (1961, qui suscitèrent un scandale encore, mais d’un caractère bien différent, ici, dans la presse favorable au colonialisme -sans parler du vacarme dans la salle). Ne nous y trompons pas cependant : l’œuvre littéraire de Jean Genet, considérée dans son ensemble, est d’une portée qui dépasse singulièrement les buts bien fixés et bien précis que vise l’écrivain « engagé », quoique Jean Genet, quant à lui, dans sa vie de « citoyen », n’hésite pas à soutenir les causes les plus hardies (celle des Black Panthers, par exemple) et à intervenir même, personnellement, en faveur de toutes les victimes de la discrimination («marginaux», quels qu’ils soient), de l’oppression, de la répression surtout. Et ce, jusqu’à ses dernières années (ainsi dans Un captif amoureux, posthume, 1986).
L’opposition, voire les refus, cessent peu à peu : la représentation d’une nouvelle pièce, Haute surveillance - déjà publiée en 1949 -, a été autorisée après un interminable « purgatoire » ; Les Paravents sont repris vingt ans après et sans tumulte cette fois (1983), et la gloire de Genet en sort encore grandie. Au total, avec Audiberti et Beckett, c’est là sans doute le plus grand poète dramatique de notre littérature en cette seconde moitié du XXe siècle.