GAUTIER Théophile
GAUTIER Théophile 1811-1872
Né à Tarbes, il grandit à Paris. Condisciple de Nerval à Charlemagne, il restera son ami fidèle. Il se passionne pour la littérature, déteste les poètes classiques et cherche, avant Malherbe, où porter son admiration: Villon, Saint-Amant... La rencontre avec Hugo est décisive: il sera poète lui aussi. En attendant il mène les «flamboyants» en gilet rouge à la première d’Hernani et publie ses premiers vers dans des revues (1830). La préface de Mademoiselle de Maupin (1835) affirme les droits de l’artiste à la vie débordante, à la volupté, à l’impudeur. On imagine la réaction de la France louis-philipparde. En même temps, il affirme sa religion de l'esthétisme, de ce que l'on appellera plus tard l’art pour l’art. Gautier gagne sa vie en faisant, comme beaucoup d’auteurs de l’époque, du journalisme. Il écrit aussi des romans promis à un bel avenir: le Capitaine Fracasse, largement inspiré de Scarron, qui paraîtra en 1863 et le Roman de la Momie (1858). Mais, entre-temps, il a mis en pratique ses théories esthétiques dans Emaux et Camées (1852), un recueil important puisqu’il marque les débuts d’un art nouveau — sans le vouloir ni le savoir — et sera fondateur du Parnasse: élimination de tous les élans personnels, objectivité maximale, perfection de la forme. La voie est ouverte pour Banville, Leconte de Lisle et Flaubert ainsi que pour Baudelaire qui d’ailleurs dédiera à Gautier ses Fleurs du Mal.
GAUTIER Théophile
1811-1872 Conteur, romancier et poète, né à Tarbes. Les manuels scolaires nous font connaître avant tout le théoricien un peu tardif et gourmé de l’école « parnassienne », et le poète volontairement bref (et parfois glacial) d'Émaux et camées, tandis que le fantasque auteur de Mademoiselle de Maupin, ou de Spirite, reste à découvrir par le grand public. Et « Théo » (tel était son surnom) le savait de reste ; n’a-t-il pas déclaré aux frères Concourt (qui le rapportent dans leur Journal) : Critiques et louanges m’abîment et me louent sans comprendre un mot de mon talent. Toute ma valeur [.. . ] est que je suis un homme pour qui le monde extérieur existe. À vingt ans, il se croit peintre. Le plus voyant des romantiques, le plus bruyant des « bousingots » (ainsi nommait-on les jeunes artistes révolutionnaires de l’époque), il rompt des lances en faveur de son ami Hugo ; et, lors de la « bataille » d'Hernani, les guerriers se rallieront à son gilet rouge. Dans un de ses premiers poèmes, il assimile l’écrivain au Pin des Landes, écorché, offert en sacrifice à l’humanité tout entière. Mais déjà, la gravité du cénacle romantique le décourage ; dans la préface d’Albertus, roman en vers (1832), il prend à partie la morale et l’art utilitaire : Dès qu’une chose devient utile, elle cesse d’être belle. Il fait même profession d’immoralité: Du reste, j’en préviens les mères de familles, / Ce que j’écris n’est pas pour les petites filles /Dont on coupe le pain en tartines. À contre-courant du siècle, qui s’abandonne alors, non sans complaisance, à son « tourment », il publie Mademoiselle de Maupin (1835) — son chef-d’œuvre -, roman résolument sensuel, et, qui pis est, décousu, futile jusqu’à la provocation : Son héroïne (qui exista, vraiment ; fut cantatrice à l’Opéra vers la fin du XVIIe siècle et escrimeuse redoutée des hommes; enleva une jeune fille d’un couvent, et fit d’ailleurs une fin édifiante) n’emprunte au personnage réel que ce qui lui plaît : elle se travestit volontiers en homme ; fait naître une violente passion chez une dame de qualité, Rosette ; hésite entre cette dernière et son amant, D’Albert ; les néglige et les console tour à tour; et s’attarde - comme l’auteur lui-même - à mille fantaisies et digressions, s’enthousiasme, oublie, lance une boutade ou cueille un plaisir au passage, se bat en duel à mort, et, surtout, refuse à jamais de se prendre au sérieux. Par malheur c’est Théophile Gautier lui-même qui va se prendre au sérieux bientôt ; dès 1852, il se fera théoricien, « doctrinaire de l’anti-romantisme » dans le recueil de poèmes Émaux et camées : la dernière pièce, intitulée L’Art, proclame son amour exclusif pour la Beauté. Bien aventureuse profession de foi, car ces morceaux de rythme invariable lassent vite ; beaux, mais dénués de caractère, de feu. (Parfois, il semble qu’on reconnaisse au passage l’auteur de Mademoiselle de Maupin ; par exemple dans la pièce intitulée Carmen.) On retrouve davantage le vrai Théophile Gautier dans les récits de voyage, en particulier Le Voyage en Espagne, 1843 ; en outre, certains articles recueillis de son vivant dans Les Grotesques firent découvrir au public français les poètes préclassiques, que l’on appelle aujourd’hui « baroques » : Théophile, Saint-Amant, etc. À son tour, la critique contemporaine, en particulier depuis l’exposition commémorative à la Bibliothèque nationale en 1959, redécouvre Théophile Gautier qui avait — comme on dit, bien à tort — « sombré » dans la littérature enfantine (Le Roman de la momie, 1858 ; Le Capitaine Fracasse, 1863), et ne surnageait dans les programmes scolaires qu’à la faveur d’un malentendu (le poète « impeccable » d’Émaux et camées, « précurseur » de l’école parnassienne). Voici par bonheur qu’on réédite ses contes (Arria Marcella, Une nuit de Cléopâtre ; et, surtout Spirite, 1866, où l’on voit, comme dans le Second Faust de Goethe, « l’Éternel féminin » faire accéder l’homme, degré par degré, jusqu’au monde mystique), tandis que Mademoiselle de Maupin, chef-d’œuvre de désinvolture et d’insolente gratuité, prend place peu à peu, mais sûrement, parmi les classiques de la littérature extra-scolaire.
Fils d'un fonctionnaire en poste à Tarbes, Théophile, Gautier y voit le jour en 1811. Trois ans plus tard, la famille monte à Paris. Au lycée, Théophile Gautier a pour condisciple Gérard de Nerval ; ils resteront amis jusqu'à la mort tragique du second. Avec lui il découvre les écrivains anglais, Shakespeare, Byron, Walter Scott, et fréquente les ateliers des peintres. Théophile a décidé d'être artiste et hésite entre la peinture et la poésie. Sa rencontre, en 1829, avec Victor Hugo le fait opter pour la poésie. En 1830, il fait paraître, à compte d'auteur, ses premières Poésies et fait, dans les salons et les théâtres, où ses cheveux longs et son gilet rouge vermillon ne passent pas inaperçus, ses débuts de dandy. En 1836, son premier roman, Mademoiselle de Maupin, fait scandale à cause de sa préface, où il s'en prend violemment aux critiques littéraires qu'il traite de « crétins, d'imbéciles et de goitreux », tout en affirmant que « tout ce qui est utile est laid ». Pour gagner de l'argent et entretenir famille et maîtresses, il collabore à La Presse, le premier grand journal populaire français fondé par Émile de Girardin ; toute sa vie, pour tenir son train de vie, il devra « tirer à la ligne » dans divers journaux, comme grand reporter, critique d'art ou de théâtre. C'est en écrivant des livrets d'opéra qu'il tombe amoureux de la danseuse Carlotta Grisi, mais c'est avec la sœur de cette dernière qu'il aura deux filles, qui toutes deux épouseront des poètes (Judith, qui sera elle aussi romancière et dont la beauté inspirera, entre autres, Victor Hugo et Wagner, sera la première femme à siéger à l'académie Goncourt). Grand voyageur, il visite l'Espagne, l'Algérie, la Grèce, l'Italie, la Russie, tirant de ses périples reportages et récits. Son recueil de poèmes Émaux et camées, publié en 1852, est un succès': de nombreux poètes, parmi lesquels les parnassiens et Baudelaire (qui lui dédiera Les Fleurs du mal) se réclameront de cet ouvrage. Mais son renom ne suffit pas pour rembourser ses créanciers... En 1858, année de la parution du Roman de la momie, il s'installe, en bordure de Paris, dans une villa qui deviendra le point de ralliement de tous les artistes de son temps : les romanciers Flaubert et Dumas fils, les poètes Heredia et Théodore de Banville, le dessinateur Gustave Doré... Son Capitaine Fracasse, publié en feuilleton en 1863, est un succès public. Pourtant Théophile Gautier, dont l'érudition et le talent sont unanimement reconnus, voit à plusieurs reprises sa candidature à l'Académie française repoussée. Le révolutionnaire littéraire s'est assagi, le « bon Théo », ainsi surnommé à cause de sa générosité proverbiale, est devenu un notable des lettres. La princesse Mathilde Bonaparte l'a nommé son bibliothécaire personnel pour le seul plaisir de sa conversation... Avec la chute de l'Empire, en 1870, il perd la pension qui le faisait vivre. Sa compagne l'a quitté, ses filles se sont mariées. C'est désormais un vieil homme malade, ayant du mal à se déplacer et assisté de ses deux sœurs, mais toujours cigare aux lèvres, que les jeunes poètes vont visiter. Il a entrepris une Histoire du romantisme (qui restera inachevée) quand il s'éteint, le 23 octobre 1872, cinq ans après son ami et admirateur Baudelaire, qui l'avait désigné comme le « parfait magicien ès lettres françaises ». C'est en lisant Les Grotesques, où Gautier réhabilite des poètes de l'époque de Louis XIII, qu'Edmond Rostand aura l'idée de son Cyrano de Bergerac.