Gaston Bachelard : une conception nouvelle de la science
L’œuvre de Gaston Bachelard (1884-1962) est à la fois originale et très importante pour l’épistémologie française. Elle développe deux orientations majeures. Bachelard s’est consacré à l’œuvre humaine qu’il admire : la pensée scientifique ("Le Nouvel Esprit scientifique", 1934 ; La Formation de l’esprit scientifique, 1938 ; Le Rationalisme appliqué, 1949). Il a également consacré de nombreux travaux à l’imaginaire poétique. Bachelard est attentif aux bouleversements qui secouent les sciences au début du siècle et qui requièrent selon lui une nouvelle épistémologie. Il est ainsi conduit à récuser la conception de la science qui se représente le travail du savant comme une simple observation passive de la réalité. La science, selon lui, ne fonctionne pas de manière cumulative mais problématique. Elle progresse par sa capacité à formuler des problèmes et à dépasser des obstacles :
« Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas seulement de considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens de l’esprit humain : c’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. » Gaston Bachelard, "La Formation de l’esprit scientifique".
« Rien n’est donné, tout est construit »
La science parvient à ses résultats en luttant contre les images de l’opinion spontanée, les représentations inconscientes et non réfléchies, les intuitions erronées. Elle procède en produisant des concepts qui permettent de mettre en place des expérimentations. Ainsi, il n’y a pas de faits bruts mais des faits construits, pas d’expériences clairement lisibles mais des expérimentations élaborées. Ce que nous imaginons naïvement être des “faits” résulte en fait d’une construction rationnelle et technique. Le savant n’est pas en face de la réalité, mais il reconstruit dans son laboratoire des fragments artificiels de réalité qu’il observe par le biais d’instruments techniques et qu’il interprète à partir d’une théorie. Le rationalisme de la science moderne est donc un rationalisme ouvert et dynamique. Le travail scientifique est un travail permanent de rectification, une connaissance approchée et non la possession de vérités absolues et certaines.
« Il ne saurait y avoir de vérité première. Il n’y a que des erreurs premières. » Bachelard, Études
« On connaît contre une connaissance antérieure en détruisant des connaissances mal faites [...]. Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés. » Bachelard, "La Formation de l’esprit scientifique".
La science, une affaire de doute et de rigueur
L’histoire des sciences “progresse” de manière discontinue par des crises qu’il faut surmonter en reformulant les problèmes scientifiques qui s’imposent aux savants. La science est finalement une œuvre de la pensée et la pensée consiste toujours à avoir le courage de remettre en question les certitudes toutes faites et les acquis paresseux. « La culture scientifique nous demande de vivre un effort de la pensée. » Bachelard, "Le Rationalisme appliqué".
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