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Friedrich HEGEL: En se bornant à dérouler le tableau des passions...

« En se bornant à dérouler le tableau des passions, l'art, alors même qu'il les flatte, le fait pour montrer à l'homme ce qu'il est, pour l'en rendre conscient. C'est déjà en cela que consiste son action adoucissante, car il met ainsi l'homme en présence de ses instincts, comme s'ils étaient en dehors de lui, et lui confère de ce fait une certaine liberté à leur égard. Sous ce rapport, on peut dire de l'art qu'il est un libérateur. Les passions perdent leur force, du fait même qu'elles sont devenues objets de représentations, objets tout court. L'objectivation des sentiments a justement pour effet de leur enlever leur intensité et de nous les rendre exté­rieurs, plus ou moins étrangers. Par son passage dans la représentation, le sentiment sort de l'état de concentration dans lequel il se trouvait en nous et s'offre à notre libre jugement. Il en est des passions comme de la douleur : le premier moyen que la nature met à notre disposition pour obtenir un soulagement d'une douleur qui nous accable, sont les larmes; pleurer, c'est déjà être consolé.

En s'épanchant dans des poésies et des chants, l'âme se dégage du sentiment concentré; le contenu douleur ou joie, qui était auparavant ramassé sur lui-même, subit une détente; grâce à sa représentation, sa concentration est rompue et l'âme a retrouvé sa liberté à son égard. On commence à se rendre attentif à ce qui est susceptible de consoler et aux conseils insistant sur la nécessité de garder le calme et la sérénité. Telle est la base sur laquelle repose l'action formelle que l'art exerce sur les sentiments et les passions. »

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