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Frank Venaille

Né à Paris en 1936. En 1956, service militaire en Algérie pendant trente mois dont on retrouve de longs et pénibles échos dans tous ses livres et d ’où il reviendra « communiste et désespéré ». Puis au fil des années, le premier terme disparaît pour ne laisser place qu ’au second. S’affirme comme l’un des plus brillants représentants du « réalisme urbain » avant de se tourner vers une écriture plus « intérieure » dont le récit Caballero Hôtel sera l’aboutissement Parallèlement, il suivra un itinéraire collectif et théorique au sein de la revue Chorus. Au début, à l’époque du Journal de bord, écrire pour Venaille c’est crier. Le livre charnière, ce sera l’Apprenti foudroyé, avec le passage d’une écriture innocente à une écriture consciente. L’auteur ne dit plus «je», les mots se dérobent sous l’opacité de multiples écrans. «Maintenant, dit Venaille, j’utilise l'écriture comme s’il s’agissait d’un système de caches » : Écrire est lié à l’aventure mentale, au vécu et au travail sur le texte. Les références deviennent Jouve et Bataille. Pourquoi tu pleures s’organise autour des mots-clés : sexe, sang, sperme, anus. Après la nostalgie de la tendresse égarée, Venaille répond à la nostalgie de la violence par le nécessaire exutoire qu’est l’écriture, véritable activité thérapeutique. « On vit toujours sa propre guerre civile ». Fasciné par les faits-divers, dont il récrit sans cesse le message, Venaille s’intéresse aux fantasmes,au souvenir de l’enfance, au mystère du vécu quotidien. Aux «constats» jazziques de L’apprenti foudroyé ( «seule la rugosité de Coltrane atténuait ses hurlements »), succèdent le dépassement de la poésie absolue et individuelle, la nécessité d’organiser un « livre » (travail avec le peintre Monory), l’écriture « dépossédée » de Caballero Hôtel. Les manques (blancs, italiques) restituent la fluidité du vécu. L’utilisation des « encadrés » précise le caractère équivoque du texte. Après la « messe de baby-foot et de ricards », le jeu des questions-réponses demeure troué de silence. Quel que soit, dès lors, l’itinéraire futur de Franck Venaille, cet écrivain de la génération des 40 ans restera symptomatique de la mauvaise conscience d’une époque. Claude Delmas, qui appartient à la même génération, a pu écrire : « Ce que nous dit Venaille (...), c’est que nous avons honte de ce que nous sommes, et surtout des enfants que nous avons été. »