Frank CASSENTI
Après deux courts métrages (Flash-parc, 1968; Histoire du futur antérieur, 1970) et un peu d’assista-nat, Frank Cassenti débute par un petit film policier au ton très personnel, où les héros sont plus des inadaptés que de simples truands. C'est par l’émergence de préoccupations sociales que le romantisme de la fiction se trouvait transcendé. Dans ses deux films majeurs, L'Affiche rouge et La Chanson de Roland, son approche devenait plus complexe, s’ouvrant à une réflexion sur l’Histoire et plus encore sur les modes de représentation. D’où le reproche d’intellectualisme qui leur a été adressé, d’autant plus justifié aux yeux de certains critiques que la réalisation a recours à des procédés en usage à la scène plutôt qu’à l’écran. Le théâtre y est d’ailleurs intégré explicitement au cœur du récit.
L'Affiche rouge évoque le groupe de résistants immigrés dirigé par Manouchian. Il se compose de moments narratifs, de reconstitutions, de prises de vues qui se présentent comme la relation de témoignages, et on assiste aux efforts de comédiens pour présenter par divers moyens la Résistance, le nazisme, les personnalités du groupe. Très diverses, ces représentations sont toutefois dominées par des procédés qu’on ne peut que qualifier de brechtiens. Cette tentation est plus vive encore dans La Chanson de Roland puisque le sujet n’en est pas la chanson de geste elle-même mais l’odyssée d une troupe qui l’interprète quelques siècles plus tard. La volonté (didactique) d’exprimer un certain sens de l’Histoire est aussi manifeste que dans le film précédent: le principal comédien décide de quitter le sud de l’Europe pour les Flandres, où une économie nouvelle se développe. Passionné de musique, Frank Cassenti a réalisé ensuite une série de films consacrés à des musiciens de jazz français et américains. Conçus essentiellement pour la diffusion sur les chaînes de télévision, ces œuvres sont plus conventionnelles. Le réalisateur y perd largement sa volonté de distanciation, ce qui nuit particulièrement au moyen métrage sur Sun Râ et son «Myth-Science Orchestra», dont les problèmes de mise en spectacle de la musique ne sont pas le moindre souci. Cassenti a présenté en 1987 un nouveau film de fiction, adapté du fameux livre d’Elie Wiesel Le Testament d’un poète juif assassiné. Le filtre de la mémoire remplace cette fois la mise à distance par les arts du spectacle à propos, là encore, d un grand sujet.
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