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FITZGERALD Francis Scott

FITZGERALD Francis Scott. Romancier et nouvelliste américain. Né à Saint Paul (Minnesota) le 24 septembre 1896, mort à Hollywood (Californie) le 21 décembre 1940. A mesure que la seconde moitié du XXe siècle redécouvre avec nostalgie le charme scintillant des années vingt, il semble que la réputation de Fitzgerald ne cesse de grandir, sans qu'on sache toujours bien séparer, dans l'image qu'on se fait de sa carrière, la vérité de l'écrivain de la légende du couple qu'il forma avec Zelda. Cette carrière ne commence guère, pour nous, qu'au moment où il commence à écrire, c'est-à-dire à Princeton, où il entre en 1913, et où il connaîtra la triple frustration de n'être ni riche, ni athlétique, ni brillant étudiant en vérité. Il quittera l'université une première fois en 1915, puis définitivement en 1917, sans avoir obtenu son diplôme. C'est à Camp Sheridan (Ala-bama), lieu de sa deuxième garnison, qu'il rencontre Zelda Sayre (18 ans). Le 18 février 1919, il est renvoyé dans ses foyers (sans avoir été au front, comme Faulkner) et, après un court séjour dans une agence de publicité, de retour à Saint Paul, il se met sérieusement à réviser un premier roman, au titre parfaitement choisi, The Romantic Egoist, lequel deviendra De ce côté du paradis — et non L'Envers du paradis - [This Side of Paradise], qui paraît chez Scribner's le 26 mars 1920. Huit jours plus tard, le 3 avril, alors que le livre fait sensation et que son rêve de gloire s'accomplit, il épouse Zelda Sayre à la cathédrale de New York. Alors commence la carrière bien connue, peut-être trop connue, brillante, exhibitionniste, fragile et fondamentalement instable : les premières nouvelles oubliées dans le Saturday Evening Post (le magazine qui payait le mieux) et dans Scribner's, puis recueillies dans Flappers and Philosophers (1920), et dans Les Enfants du jazz [Tales of the Jazz Age, 1922]; le premier séjour en Europe (mai-juillet 1921); retour à Saint Paul, où naît une fille, Frances (26 octobre 1921) ; un second roman, Les Heureux et les damnés [The Beautiful and the Damned, 1922] , très autobiographique; une pièce de théâtre, Le Légume [The Vegetable, 1923], qui échoue lamentablement à New York, où les Fitzgerald se sont installés. De 1924 à 1926, deuxième séjour en Europe : Côte d'Azur, Italie et surtout Paris, où il fait la connaissance d'Ernest Hemingway (voir le portrait rien moins que tendre que celui-ci trace de Fitzgerald dans Paris est une fête) . Mais c'est surtout, le 10 avril 1925, la publication de Gatsby le Magnifique , incontestablement le chef-d'oeuvre de Fitzgerald comme Citizen Kane est celui d'Orson Welles, mais qui n'eut guère de succès immédiat, malgré les louanges de T.S. Eliot et d'Edmund Wilson. Désormais, Fitzgerald était prisonnier d'un malentendu qui n'était, comme d'habitude, qu'un « trop bien entendu » : derrière le brillant de la vitrine, il percevait l'ombre et le vide; mais le public, lui, ne voulait pas entendre parler de. la « terre gaste ». La fuite en avant, essentiellement provoquée par un perpétuel besoin d'argent, continue avec le retour aux Etats-Unis (1926) et le premier séjour à Hollywood (1927). Mais Zelda veut danser : aussi Paris reverra-t-il le couple pendant l'été de 1928, puis, pour un second long séjour, de mars 1929 à septembre 1931. Entre-temps, Zelda est entrée dans le tunnel de la folie qui, de clinique en clinique, la mènera au tragique incendie du 10 mars 1948 en Caroline du Nord, où elle devait trouver la mort. C'est, donc, d'abord la Suisse — et le début du travail de Scott sur ce qui devait être son deuxième grand roman, Tendre est la nuit (12 avnl 1934), puis le retour définitif aux Etats-Unis en septembre 1931, et un deuxième contrat à Hollywood, où Fitzgerald pas plus que d'autres, dont William Faulkner, ne sera jamais un grand scénariste. Après la publication — et l'échec — de Tendre est la nuit, c'est la « fêlure », la maladie, l'alcoolisme, l'instabilité accrue — et l'écriture de moins en moins facile. On dit que Sheilah Graham, qu'il connut à Hollywood en 1937, « aurait pu le sauver » — mais il était déjà trop tard. Il travaillait à son dernier roman, Le Dernier Nabab [The Last Tycoon, 1941], lorsqu'une seconde attaque cardiaque le terrassa peu avant la Noël de 1940. Apprécier Fitzgerald à sa « juste valeur » n'est pas chose facile, surtout si l'on cherche à la fois la justesse et la justice; car il y va tout simplement de ce qu'on attend de la littérature; et, d'abord, de qui, ou de quoi parle-t-on ? Malgré la critique désormais surabondante, ne continue-t-on pas, comme le dit Sergio Perosa, à « transformer la légende en réputation littéraire » ? Mieux vaut sans doute, comme le fait ce critique en s'appuyant sur l'idée de T.S. Eliot (qui vit dans Gatsby « le premier pas qu'ait fait le roman américain depuis Henry James »), selon laquelle « aucun artiste n a seul toute sa signification », le placer sur la carte du roman américain. Il apparaît alors, incontestablement, comme l'un de ceux qui ont tenté d'embrasser l'expérience américaine : ni plus ni moins que cela. Comme l'écrit Perosa, « il enregistre l'échec et la frustration tout en réaffirmant constamment la pureté du rêve de ses personnages... Le niveau « représentatif » de ce qu'il .écrit n'est donc pas limité au siècle du jazz : on y trouve l'horreur et la gloire de l'expérience américaine en général ». C'est, en effet, face au grand thème du « rêve américain » que Fitzgerald paraît le plus grand. En ce sens, ses ancêtres spirituels seraient Hawthorne et Melville; mais, plus sûrement encore, il apparaît que son père putatif est et ne peut être que Henry James. Quant à ses contemporains de la génération née juste avant le siècle, il dépasse sans conteste Caldwell et Steinbeck, qui n'ont pas grand-chose de commun avec lui. Il s'élève sans mal à la hauteur de Hemingway : en effet, même s'il a moins innové sur le plan formel, se contentant d'adapter et d'affiner un art somme toute assez traditionnel (puisqu'à travers James et Conrad on peut le faire remonter à la « grande tradition » éthico-sociale du roman anglais), il a connu — faut-il dire, dans son cas, il a subi ? — une véritable « mutation » (le mot est d'André Le Vot). Hemingway, au contraire, après ses premières oeuvres, les meilleures, s'est trop contenté de s'imiter lui-même. Reste Faulkner : c'est sans doute le seul romancier du XXe siècle américain qui, notamment par les dimensions de l'oeuvre produite et par l'universalité des thèmes qui la nourrissent, dépasse largement Fitzgerald. Il reste que celui-ci (la légende autant que l'oeuvre ?) a engendré, chez ses admirateurs inconditionnels, une sorte de culte qui est en lui-même un fait de l'histoire littéraire du XXe siècle. Faut-il, malicieusement, pour finir, proposer à leur réflexion ce mot, plein de justesse mais aussi d'injustice, de Leslie Fiedler qui, en 1960, voyait dans l'oeuvre de Fitzgerald le « portrait de l'artiste en jeune fille » ? MICHEL GRESSET. ? * C'est presque trop beau que Scott ait choisi de mourir l'année où il est mort : car il est tout à fait pertinent que sa carrière ait commencé avec la fin d'une guerre et se soit achevée avec le début d'une autre. Il a parlé pour une génération qui a souffert des bombes sans aller au front. Il a été l'un de nos meilleurs historiens de ce « no man's time », l'entre-deux-guerres. Il est faux de dire qu'il était destiné par tempérament à être désabusé, de même que les mendiants qui errent par les nuits glacées ne sont pas nés pour avoir froid. Mais Scott a fait du désabusé un portrait poétique et beau — presque un idéal. » Budd Schul-berg. ? « Fitzgerald se trouve en possession d'un joyau dont il ne sait trop que faire. Il a reçu l'imagination sans avoir les moyens intellectuels requis pour la dominer; il a reçu le désir du Beau sans avoir un idéal esthétique; et il a reçu un don d'expression sans avoir beaucoup d'idées à exprimer. » Edmund Wilson. ? « La majeure partie de l'oeuvre de Fitzgerald est une perpétuelle recherche du temps perdu, une quête toujours renouvelée de l'extase des jours passés. La nostalgie de l'illusion que le temps détruit et que la mémoire fait revivre occupe une position privilégiée au coeur de cette oeuvre. » André Le Vot. ? « Il est vrai que nous autres écrivains sommes condamnés à nous répéter. Nous connaissons, dans notre vie, deux ou trois moments grands et bouleversants, si grands et si bouleversants qu 'il ne semble pas que quiconque les ait jamais saisis... Puis nous apprenons notre métier, plus ou moins bien, et nous racontons nos deux ou trois histoires, chaque fois sous un voile différent, peut-être dix fois, peut-être cent, aussi longtemps que les gens veulent bien écouter. S'il en allait autrement, il faudrait reconnaître qu'on n'a pas d'individualité du tout. Et chaque fois je me prends à croire sincèrement que, parce que j'ai trouvé un nouveau décor et une nouvelle idée d'intrigue, je me suis enfin débarrassé des deux ou trois histoires que j'ai à raconter. » Francis Scott Fitzgerald.

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