FEMMES (émancipation des)
FEMMES (émancipation des)
Quand s’ouvre le xxe siècle, des femmes luttent pour leurs droits dans tous les pays où les filles ont accès à l’éducation, clef de toute émancipation : en Occident, où l’instruction primaire féminine est généralisée (aux États-Unis, les filles représentent déjà un tiers des étudiants, ce qui explique l’avance des féministes américaines), en Amérique latine et en Asie, où elle est accessible aux classes aisées.
Sur le plan social, les ouvrières sont de plus en plus nombreuses dans les pays industrialisés, mais le mouvement ouvrier renâcle à intégrer les droits des travailleuses, malgré l’action de féministes socialistes - comme l’Allemande Clara Zetkin (1857-1933), qui lance en 1910 la Journée internationale des femmes, plus tard fixée au 8 mars. Des femmes créent leurs propres organisations, telle la Women’s Trade Union League aux États-Unis en 1911 ; des pionnières forcent l’entrée des professions libérales et les employées investissent le secteur tertiaire naissant.
Sur le plan politique, des féministes militent pour le droit de vote sur tous les continents (sauf dans les colonies), surtout aux États-Unis et au Royaume-Uni, où Emmeline Pankhurst (1858-1929) crée en 1903 l’Union sociale et politique des femmes et où les suffragettes vont jusqu’à faire la grève de la faim. Elles réclament aussi l’abrogation de leur statut de mineures légales.
La guerre fait naître des vocations de pacifistes : en plein conflit (1915), elles sont mille, dont certaines venues de pays belligérants, à assister à La Haye au Congrès pacifiste des femmes qui donne naissance à la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, présidée par l’Américaine Jane Addams (1860-1935), qui recevra le prix Nobel de la Paix en 1931.
La Révolution russe va apparaître comme un bouleversement : elle décrète l’égalité des sexes, autorise le divorce et l’avortement et accorde le suffrage universel. Des féministes révolutionnaires comme Alexandra Kollontaï entendent faire changer les comportements. Mais les mentalités ne suivent pas, et les femmes soviétiques gagnent surtout le droit de travailler à égalité dans les secteurs les plus pénibles de la production, en plus des tâches domestiques.
Les effets de la Première Guerre mondiale.
La Première Guerre mondiale a fortement contribué à légitimer le droit au travail des femmes, qui ont remplacé les hommes partis au front, et l’obtention du suffrage féminin s’accélère. Au début du siècle, il est déjà acquis en Australie et en Nouvelle-Zélande. Dans les années 1910 et 1920, il s’étend à tous les pays nordiques et anglo-saxons, à l’Europe centrale et aux pays baltes, puis aux pays d’Europe occidentale au cours des deux décennies suivantes.
Dans les pays industriels principalement, la guerre a opéré une rupture radicale avec l’ordre moral du xixe siècle. Dans les années 1920, le corps féminin acquiert une liberté de mouvement sans précédent : abandon du corset, jupes raccourcies et fluides, cheveux coupés court. Le modernisme des « garçonnes » de Paris, Berlin et New York s’exporte, via le cinéma, en Amérique latine, Égypte, Liban, Asie, et des lesbiennes s’affichent. Mustafa Kemal laïcise la Turquie et la dote d’un Code civil égalitaire en 1926. L’information sur la contraception se diffuse en Occident, excepté en France où elle est réprimée par la loi « scélérate » de 1920. Elle est légalisée en 1921 en Grande-Bretagne et en 1936 aux États-Unis.
La crise de 1929 stoppe net cet élan. Les années 1930 revalorisent le modèle de la femme soumise à l’autorité de l’homme et mère au foyer, qui est exalté par le nazisme et les fascismes. Le franquisme retire aux Espagnoles les nombreux droits accordés par le Front populaire (1936-1939) et sonne le glas du mouvement des anarchistes indépendantes Mujeres libres (Femmes libres).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les femmes remplacent massivement (18 millions aux États-Unis) les hommes au travail, mais une pression très forte contraindra la plupart à « rentrer à la maison », où elles élèvent les enfants du baby boom.
Le « deuxième sexe ».
« À travail égal, salaire égal » déclare l’ONU en 1945, qui proclame l’égalité entre les sexes en 1948 (dans les articles 1, 2, 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’élaboration de laquelle Eleanor Roosevelt prend une part active).
En 1949 paraît Le Deuxième Sexe qui inspire le féminisme moderne. Simone de Beauvoir y affirme que l’« infériorité » féminine n’est pas biologique mais sociale, et prône l’indépendance économique. Le succès est phénoménal, mondial et durable. En Amérique latine et en Asie, le droit de vote des femmes est acquis dans les années 1950, et à partir des années 1960 dans les pays arabes. En Afrique noire, il se généralise avec les indépendances, mais le droit coutumier continue de régir la vie des Africaines, limitant leur accès à la terre et à l’héritage.
En 1963, dans La Femme mystifiée, l’Américaine Betty Friedan (1924-2006) analyse le malaise des femmes au foyer, rivées à leurs appareils ménagers, et la culpabilisation des salariées. Le mari, « chef de famille », détient toujours l’autorité alors que les femmes étudient, travaillent, fument et conduisent et, surtout, ont accès à la contraception. La pilule est commercialisée à partir de 1960 aux États-Unis, permettant enfin aux femmes de maîtriser leur destin par le contrôle de leur fécondité.
Dans l’Amérique et l’Europe contestataires des années 1960 et dans les mouvements anti-impérialistes au Nord et au Sud, les militantes poussent jusqu’au bout la logique de libération et dénoncent l’oppression patriarcale derrière le capitalisme. Elles créent des « groupes femmes », et le mouvement de libération des femmes (MLF, Women’s lib en anglais) explose en 1968.
La nouvelle vague féministe.
D’emblée, le mouvement féministe moderne est mondial. La parole des femmes s’exprime en une foisonnante production philosophique, littéraire et artistique. La Politique du mâle de l’Américaine Kate Millett (1934-) en 1970 donne le ton. La domination masculine passant par le contrôle de la sexualité des femmes, les luttes portent d’abord, en Occident, sur le droit à disposer de son corps et l’homosexualité est revendiquée. La contraception et l’avortement sont peu à peu autorisés et l’union libre transforme les rapports de couple. Le divorce est peu à peu légalisé, sauf dans les pays musulmans et dans certains pays catholiques, comme l’Irlande et dans les pays d’Amérique latine.
En organisant une Décennie pour les femmes (1976-1985) et quatre conférences mondiales, l’ONU (Organisation des Nations unies) institutionnalise le féminisme et légitime les combats des femmes, renforçant leurs innombrables réseaux internationaux, comme Femmes sous lois musulmanes, la Coalition contre le trafic sexuel des femmes, Women’s Environment and Development Organization ou le Réseau sur les droits reproductifs, parmi des milliers d’autres. L’action militante s’appuie sur la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations contre les femmes (CEDAW), adoptée par l’ONU en 1979 (ratifiée par 98 pays à l’automne 2000). La procréation assistée repousse les limites de la reproduction, posant des problèmes éthiques inédits, tandis que le développement alarmant de l’industrie du sexe ouvre un nouveau front de lutte.
Femmes du tiers monde.
Les priorités des groupes de femmes dans le tiers monde apparaissent spécifiques. Ils luttent pour l’accès à l’éducation et à la santé, y compris reproductive (600 000 femmes meurent chaque année de causes liées à la grossesse et à l’accouchement, dont 99 % dans les pays du Sud), contre la stérilisation obligatoire (Brésil) et contre l’analphabétisme et la pauvreté dont les victimes sont pour 70 % des femmes. Des Africaines obtiennent petit à petit l’interdiction des mutilations sexuelles (excision, infibulation). Des Indiennes luttent contre l’élimination des fœtus féminins par avortement et contre les meurtres de jeunes femmes pour insuffisance de dot. En 1979, le puissant mouvement féministe iranien est anéanti par la révolution khomeyniste. L’islamisme, en conquête dans les années 1980, s’oppose à l’émancipation des femmes. En Afghanistan, à la fin du xxe siècle, elles sont exclues par les taliban de l’éducation et de toute vie sociale et publique, y compris professionnelle.
À partir des années 1980, dans le monde entier les chercheuses féministes et les « women’s studies » (études sur les femmes, universitaires ou non) utilisent le concept de « genre » pour décrire la construction des rapports sociaux de sexe. Dans les années 1990, les féministes donnent la priorité aux revendications d’égalité en politique. Des pays prennent des mesures en faveur d’un rééquilibrage de la représentation politique, soit par l’instauration de quotas d’élues (comme en Inde) ou de la parité (comme en France).
Au tournant du siècle, les droits des femmes, bien que formellement reconnus (sauf dans les pays islamistes et dans certains pays africains), n’étaient toujours pas acquis. Depuis 1980, l’ONU publie régulièrement les mêmes chiffres : sur la Terre, les femmes sont la moitié de l’humanité, mais accomplissent les deux tiers du travail, gagnent 10 % des revenus et possèdent 1 % des biens.
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