expolition

Une expolition est une figure macrostructurale. La tradition l’a quelquefois distinguée de la polyonymie, avec laquelle on propose de la confondre. Il s’agit en effet d’une redondance dans le discours : une unique information est véhiculée tout au long d’un développement, au cours d’une phrase ou dans un enchaînement de phrases, par des groupes de mots qui en varient l’expression. Il n’est pas question, comme dans la paraphrase, de donner des renseignements particuliers sur un thème central, mais de déployer celui-ci, tel quel, dans un flot étendu. Le caractère macrostructural vient de l’impossibilité où l’on est d’isoler sur quelque segment que ce soit la figure : tous ceux qui sont concernés sont pleinement et non figurément significatifs de soi, c’est l’étalement discursif qui, rapporté à la réflexion des lecteurs ou des auditeurs, est recevable comme une expolition. Voici un exemple dans un texte de Rebatet (Les Deux Étendards, éd. Gallimard) :

Le repentir! «Repentez-vous!» Et j’ai encaissé ça. Lâche! Flanelle ! Imbécile ! Je devais me lever : « Le repentir, monsieur? Qu ’est-ce que c’est que cette pleurnicherie de fille engrossée? Le repentir? Je ne connais pas. Je n ’ai jamais connu, je ne veux pas connaître. On corrige, on surcharge. Mais vouloir effacer avec des larmes ce qui a été ! Ça peut peut-être réussir sur les petits cœurs de beurre. Sur le mien, non, monsieur ! Le remords est une sécrétion des chiffes, des hongres, des vaincus, des malades. À nous, qui sommes entiers et droits, vous voudriez nous injecter cette cochonnerie dans les veines, pour nous défaire, et pour nous avoir par morceaux, salopards ! Bas les pattes, les curés ! Pas pour nous, vos pharmacies» Ah! nom de Dieu! quel coup! Le refus, en pleine gueule, à la dernière seconde. Le « non» sous le signe de la croix de l’absolution. Comme le « non » devant le maire et toute la noce rangée.

On peut commencer par des séries d’équivalences lexicales : Lâche ! Flanelle ! Imbécile ! - On corrige, on surcharge - des chiffes, des hongres, des vaincus, des malades- entiers et droits-pour nous défaire, et pour nous avoir par morceaux - en pleine gueule, à la dernière seconde- le « non» sous le signe de la croix de l’absolution. Comme le « non» devant le maire. Aucun de ces éléments n’est, de soi, expolitoire : seule, leur insertion dans le cours des phrases les fait fonctionner les uns par rapport aux autres comme expolition. Et encore, la manipulation est extrêmement macrostructurale, dans la mesure où c’est aussi par la seule insertion contextuelle que chacun prend la nuance de pure redondance à l’égard des autres, au détriment de sa spécificité lexicale. Mais on a aussi, transphrastiquement, les trois relations : une sécrétion — nous injecter cette cochonnerie dans les veines - vos pharmacies, Bas les pattes !- Pas pour nous, et fille engrossée - petits cœurs de beurre. Si l’on réunit à ces faits l’anaphore, la figure dérivative et le polyptote du début, on reconnaîtra que cette page est essentiellement composée de plusieurs mouvements expolitoires, d’autant plus nets qu’ils se renforcent par le tour général redondant. Ici liée à l’expression de la passion colérique, l’expolition représente la plus puissante figure d’amplification, plus radicale que la paraphrase, encore plus matériellement constitutive, si l’on peut dire, des effets de l’art oratoire comme de la littérature. Mais - et c’est sa dignité - c’est une figure macrostructurale, inséparable de la culture des auditeurs ou des lecteurs. Le terme s’est aussi employé pour désigner la période parfaite, qui réunit dans une même unité, quelle que soit sa forme syntaxique matérielle, la totalité des composantes logico-discursives nécessaires à l’exposé du raisonnement, depuis la proposition jusqu’à la conclusion. Le déroulement nécessaire peut s’agrémenter de diverses amplifications, comme l’exemple, les variétés d’opposition ou le parallèle. L’expolition désigne ainsi une sorte d’idéal de totalisation, comme un chef-d’œuvre du discours dans l’intégration d’une période-texte.

=> Figure, macrostructurale, amplification, paraphrase; exemple, parallèle, emphase, éloquence, oratoire, abondance; proposition, période, épichérème; instruire; passions; répétition, anaphore, figure dérivative, polyptote.