Existence (Existenz) - Schelling
Existence (Existenz)
• Ne se confond pas avec le simple fait d’être ou de se trouver là, ni à être purement et simplement (dans ce que Schelling appelle Lauterkeit, ou limpidité), mais à avoir l’être, c’est-à-dire à se dissocier d’un fond obscur par une sorte d’arrachement, à être hors de soi (ex-) ce que l’on est en soi. Être ou avoir l’être, pourrait-on dire, voilà la question.
•• L’existence, « dont le nom ne signifie rien d’autre qu’extase », prolonge et radicalise dans cette mesure ce qui s’était d’abord exprimé, au fil des premiers écrits, dans le lexique de l’intuition intellectuelle. Schelling a accentué la dimension extatique de l’existence, comme exposition, sortie hors de soi, arrachement, être-posé-hors-de-soi. Existenz se distingue par là de Dasein, qui indique l’être {Sein) en tant que conditionné (da). Dieu ne se contente pas d’être, il existe, autrement dit : il lui faut se dissocier d’un fond, remporter une victoire sur soi. Toute existence est ainsi travaillée de l’intérieur par un conflit qui, dès lors qu’il éclate, la fait précisément accéder à la dimension propre de l’existence, la tire de sa torpeur et de sa réclusion pour l’amener à la lumière. Toute existence est crise, mise sous tension des puissances. « Ce qui est urgent pour l’homme, ce n’est pas de rentrer en soi, mais d’être exposé hors de soi » (O. M, 290). La philosophie n’invite pas à l’introspection, si cela signifie « s’enfoncer toujours plus avant en son propre être-borné » (ibid.), elle est exhortation à l’existence, qui implique renoncement à soi, désaisissement de soi, voire sacrifice, toutes dimensions qu’il est possible de repérer dans le thaumazein ou étonnement platonicien.
••• Schelling aura ainsi amorcé, au sein de la philosophie moderne, un mouvement qui peut sembler annoncer à certains égards Kierkegaard, auditeur de Schelling à Berlin, et Heidegger, c’est-à-dire la promotion de l’existence en notion clef de la philosophie et de la théologie (le « comment » être chrétien chez Kierkegaard), et la mise en évidence, avec l’analytique existentiale élaborée par Heidegger dans Etre et temps, de la manière spécifique qu’a l’être humain de déployer son être. La problématisation du rapport fond / existence ne vise pas toutefois à dégager une dimension spécifique de l’existence comme humaine, mais à penser l’Existant (au neutre : das Existierende) comme cet étant qui, à ses risques et périls, a surmonté ce qu’il est au fond, conquérant par là ce fond auquel il cesse de s’identifier, et qui lui devient passé ou encore nature. Schelling n’a eu de cesse d’affirmer, contre Hegel, « la nature extra-logique de l’existence ». « Peut-être fut-il réservé au seul Schelling de soupçonner, à travers sans doute une méditation de Böhme, quelle vérité s’abritait dans le mot Existenz, qui transposait littéralement en allemand l’existentia latine. »
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