EXISTENCE
EXISTENCE (lat. existere, sortir de, s'élever de)
Gén. Le fait d'être. En ce sens existence s'oppose à néant (il y a quelque chose plutôt que rien) et à essence.
Exist. L'opposition de l'existence et de l'essence est, pour l'existentialisme, fondamentale. En effet, ek-sistere, c'est être en dehors de soi-même, en quête de soi. C'est précisément, selon Sartre, ne pas avoir de nature a priori , ne pas savoir à l'avance ce qu'on est, chercher ce que l'on veut être. Alors que les choses sont conçues avant d'exister, ont une essence avant d'avoir une existence, l'Homme est libre de se choisir (en lui « l'existence précède l'essence »). L'angoisse fondamentale de l'existence n'est donc pas celle du néant qui s'exprime dans Hamlet (« être ou ne pas être »). Elle est plutôt pour chacun celle du sens qu'il lui revient de donner à sa vie, d'une essence à construire sans aide et sans appui.
L'existence de l'homme s'articule autour de trois axes: les besoins, les désirs, la connaissance. L'homme a en commun avec l'animal d'être soumis à des besoins. Ce sont ses désirs et sa volonté de connaissance qui font que son existence ne peut jamais se ramener à de simples considérations biologiques.
Dans le langage courant, l'existence désigne le fait d'être réellement, c'est-à-dire, d'exister effectivement. Sous ce rapport, par exemple, les Japonais existent mais pas les fées ou les dragons. Philosophiquement, l'existence ne se limite cependant pas à cette acception convenue. Elle renvoie à la position spécifique que l'homme occupe dans le monde en tant qu'être conscient, face aux animaux ou aux choses intégralement déterminés par une nature qui les fige. À ce titre, l'existence s'oppose à l'essence. Biologiquement et physiquement, nous avons bien sûr une essence animale (par exemple, nous sommes des mammifères, nous respirons, nous nous nourrissons, etc.), mais en tant que nous sommes doués de conscience, rien ne permet de nous réduire à une définition close dans laquelle nous nous enfermerions.
Une table existe matériellement, mais en tant que table, elle n'est que ce pour quoi on l'a prévue, c'est-à-dire, une fonction. L'homme est au contraire le seul être à ne pas pouvoir se résumer à une situation, un usage, une fonction ou un trait de caractère, parce qu'il est un sujet sans cesse projeté hors de lui-même. C'est dans cette perspective que l'on retrouve l'étymologie latine de l'existence formée par ex (« hors de ») et sistere (« être placé », « se tenir »).
Existence
Quand nous disons que : « La table est », l'être ainsi affirmé de la table s'oppose au non-être qui caractérise les chimères. L'être n'est donc pas ici son essence (ce qu'elle est), mais son existence qui s'oppose à son inexistence. L'existence s'oppose donc tout autant à l'essence qu'au néant. L'existence est dès lors une pure position, qui s'éprouve sans jamais se prouver. Kant l'explique dans la Critique de la raison pure, en disant que l'existence ne peut être le prédicat d'aucun concept, autrement dit que « L'existence n'est pas un prédicat réel » : si nous pouvons déduire les propriétés d'un triangle à partir de sa définition, si nous pouvons encore déduire du concept de table que la table ne peut pas être en même temps un stylo ou une souris, nous sommes dans l'incapacité de déduire d'aucun concept l'existence d'un objet correspondant à ce que définit ce concept. L'existence est donc irréductible au concept, et elle n'ajoute rien au concept. Le terme « existence » prend une valeur plus cruciale encore lorsqu'il s'agit de celle de l'homme, et non de celle d'une table ou d'un stylo : elle est alors le lieu d'une interrogation sur le sens de cette existence, ce qui n'est évidemment pas le cas de la part de la table ou du stylo.
EXISTER (v.) 1. — (Lato) Être au sens 2 ; qualifie le fait d’appartenir à un ordre quelconque de réalité même abstrait (il existe des cygnes noirs, il existe des fonctions continues sans dérivées) ; opposé à essence au sens 2. 2. — Etre réellement, constituer une partie du monde sensible. 3. — Existence : a) le fait exister aux sens 1 ou 2 ; Heidegger emploie en ce sens l’expression être subsistant, par opposition au sens 3 b. b) Pour Heidegger, détermination d’être qui ne convient qu’au Dasein : « l’essence du Dasein réside dans son existence », parce que les caractères de l’être-là ne sont pas des propriétés subsistantes, mais des modes possibles d’être (cf. Sartre : « l'existence de l'homme précède son essence ») ; les existentialistes en général restreignent l’emploi du terme au cas de l’homme : existence est alors Syn. non plus d'être mais de subjectivité ; ces mêmes penseurs donnent pour signification étym. à existence : ex-sis tere, être-hors-de-soi. c) (Sens vulg.) Vie. 4. —Existential (n. m.) chez Heidegger, caractère d’être de l’être-là, opposé à catégorie, caractère d’être de l’être-subsistant (« Les existentiaux et les catégories sont les deux formes fondamentales des caractères possibles de l’Être »). 5. — Existant : a) Syn. étant, b) Ce qui possède de l’existence au sens b. 6. —Existentiel : qui concerne l’existence ; philosophie existentielle est parfois synonyme existentialisme. 7. —Existentialisme. a) (Lato) Toute philosophie qui s’attache à l’expérience humaine de l’existence vécue, et prétend par là qu’il y a des vues sur la réalité qui, non seulement ne peuvent être réduites aux explications scientifiques, mais encore sont plus fondamentales, b) (Stricto) Désigne les doctrines de Jaspers et de Sartre.