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ÉTAT DE DROIT

ÉTAT DE DROIT

Le concept d’État de droit est né à la fin du xixe siècle dans la pensée juridique allemande (Rechtstaat) puis française : il répond alors au besoin de fondation du droit public, par l’affirmation du principe d’assujettissement de l’État au droit. Pour la doctrine de l’époque, l’État de droit est un État qui, dans ses rapports avec ses sujets, se soumet à un « régime de droit » : dans un tel État, le pouvoir ne peut user que des moyens autorisés par l’ordre juridique en vigueur, tandis que les citoyens disposent de voies de recours juridictionnelles contre les abus qu’il est susceptible de commettre. Au cœur de la théorie de l’État de droit, il y a donc le principe selon lequel les divers organes de l’État ne peuvent agir qu’en vertu d’une habilitation juridique.

La hiérarchie des normes.

Dans la mesure où les organes de l’État sont ainsi tenus au respect de normes juridiques supérieures, l’État de droit se présente sous l’aspect formel de la hiérarchie des normes. La théorie de l’État postule d’abord la soumission de l’administration au droit : l’administration doit obéir aux normes qui constituent à la fois le fondement, le cadre et les limites de son action et cette soumission doit être garantie par l’existence d’un contrôle juridictionnel exercé, soit par le juge ordinaire, soit par des tribunaux spéciaux. Mais la théorie postule aussi la subordination de la loi à la Constitution le Parlement doit exercer ses attributions dans le cadre fixé par la Constitution et, là encore, l’intervention d’un juge - constitutionnel celui-ci - apparaît indispensable pour faire respecter cette primauté. À la différence du Rule of Law britannique, la théorie de l’État de droit est donc conçue à l’origine comme d’ordre purement formel et ne comportant pas de caractère « substantiel » ou « procédural ».

Au-delà de considérations propres au champ juridique, la théorie comporte d’évidentes implications politiques. La promotion du thème de l’État de droit s’inscrit dans une problématique plus générale d’adaptation des régimes libéraux corrodés par la poussée démocratique : il conviendrait de contrebalancer l’omnipotence des parlementaires, exposés à la pression des intérêts particuliers ; la théorie de l’État de droit apporte une caution théorique et offre une voie pratique (le contrôle de constitutionnalité) à la réévaluation nécessaire du rôle des assemblées. Alors que le Rule of Law privilégie les garanties politiques offertes par le système représentatif, l’État de droit mise sur les contrôles juridiques pour limiter la toute-puissance des représentants. Néanmoins, la théorie ne sera qu’imparfaitement traduite en droit positif, notamment en France, du fait de l’absence d’introduction du contrôle de constitutionnalité des lois.

Les évolutions du xxe siècle.

Au cours du xxe siècle, l’État de droit a connu deux types d’évolutions. D’une part, la conception traditionnelle s’est traduite dans le droit positif par une rigueur plus grande dans la construction de l’ordre juridique et par le renforcement des mécanismes de contrôle : la montée en puissance de l’exécutif, traduite par un mouvement d’émancipation vis-à-vis de la loi, a été contenue par le recours à une conception élargie de la légalité et un élargissement du contrôle exercé par le juge sur l’action administrative. Parallèlement, aux étages supérieurs de l’ordre juridique, tandis que les contraintes de la coopération internationale et surtout de la construction européenne amenaient à intégrer des sources de droit externes dans la hiérarchie des normes, la suprématie constitutionnelle s’est trouvée garantie par l’introduction d’un contrôle de constitutionnalité des lois.

D'autre part, cette conception formelle s’est trouvée relayée par une conception substantielle, qui l’englobe et la dépasse. Ce basculement s’est produit après 1945 à la faveur de l’effondrement du fascisme et du national-socialisme : on se rend compte alors des impasses d’un formalisme abstrait qui aboutirait à considérer les États totalitaires comme d’authentiques États de droit ; la théorie de l’État de droit est en réalité indissociable d’un ensemble de valeurs et de représentations, avec lesquelles elle entre en résonance et qui lui donnent sa véritable signification. Ce n’est évidemment pas le fait du hasard si ce tournant capital a été pris en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale : les droits de l’homme constituent pour la République fédérale une référence incontournable, un fondement nécessaire, marquant la rupture radicale avec le régime national-socialiste ; elle se traduit par la consécration d’un « État de droit », non plus seulement formel mais intégrant la protection des droits et libertés.

Parallèlement, on assistera à l’internationalisation de ces droits : la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée le 10 décembre 1948 par l’assemblée générale des Nations unies, sera le point de départ d’un mouvement international de reconnaissance, qui fera entrer les droits de l’homme dans le droit international positif. Par-delà la hiérarchie des normes, l’État de droit suppose désormais la reconnaissance d’un ensemble de droits fondamentaux, inscrits dans des textes de valeur juridique supérieure (constitutionnels et internationaux) et assortis de mécanismes de protection appropriés.

Une figure désormais imposée du discours politique.

L’État de droit s’est trouvé, au cours des années 1980, investi d’une portée nouvelle, en devenant la figure imposée du discours politique : tous les acteurs politiques sont tenus de sacrifier au culte de l’État de droit, en s’efforçant de capter à leur profit ce qui est devenu une ressource idéologique de première importance et un argument d’autorité dans le débat politique ; tout État qui se respecte doit se parer des couleurs avenantes de l’État de droit, qui apparaît comme un label nécessaire sur le plan international, mieux encore, comme un élément constitutif de l’État. Si la référence à l’État de droit sera à l’Ouest indissolublement liée à la crise de l’État-providence, elle marquera symboliquement à l’Est la sortie du système totalitaire et au Sud la fin de l’autoritarisme. Ce concept se présente ainsi dans les sociétés contemporaines comme une véritable contrainte axiologique, dont dépend la légitimité politique.

Cette promotion n’est pas dénuée d’implications politiques. Elle montre qu’une conception nouvelle de la démocratie tend à prévaloir dans les sociétés contemporaines : l’État de droit implique que la liberté de décision des organes de l’État soit, à tous les niveaux, encadrée par l’existence de normes juridiques, dont le respect est garanti par l’intervention d’un juge ; il présuppose que les élus ne disposent plus d’une autorité sans partage, mais que leur pouvoir est constitutivement limité. L’État de droit devient ainsi le vecteur d’une « démocratie juridique », qui est aussi une « démocratie de substance », fondée sur des droits, et une « démocratie de procédure », impliquant le respect de certaines règles par les autorités publiques. Cette conception favorise la montée en puissance du pouvoir juridictionnel. Le juge apparaît en effet comme la clef de voûte et la condition de réalisation de l’État de droit : la hiérarchie des normes ne devient effective que si elle est juridictionnellement sanctionnée et les droits fondamentaux ne sont réellement assurés que si un juge est là pour en assurer la protection ; le culte du droit aboutit ainsi à la sacralisation du juge.

Concept fondateur du droit public moderne, l’État de droit est le reflet d’une certaine vision du pouvoir, lentement forgée au fil de l’histoire de l’Occident et inhérente à la conception libérale de l’organisation politique. Donnant à voir un pouvoir limité, car assujetti à des règles, il implique que les gouvernants ne soient pas au-dessus des lois, mais exercent une fonction encadrée et régie par le droit ; la grande diffusion du thème témoigne que cette représentation s’est désormais « mondialisée » à la faveur de l’effacement des modèles alternatifs, l’État de droit devenant la caution de la légitimité de tout pouvoir.




ÉTAT 1. Forme que prend la société quand à l’intérieur de frontières reconnues elle est organisée au point de vue administratif, politique et Juridique par des organismes centraux autonomes (l'État français; les relations entre Etats). 2. Autorité souveraine qui dirige les choses et les personnes dans une société (cette décision relève de l'État et non de la commune ou de la province). On ne doit pas, en droit, confondre l'État et le gouvernement (un même Etat connaît divers gouvernements et même des gouvernements de nature différente, par exemple, monarchique puis républicain). Cependant cette confusion est souvent faite parce que le gouvernement incarne à un moment donné l’autorité de l'Etat. Une partie des discussions politiques tient à ce que les penseurs et partis politiques ne s’accordent pas sur le rôle de l'État) sur l’étendue de sa sphère d’intervention, notamment en matière économique.

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