Est-il raisonnable d’aimer ?
Sujet : Est-il raisonnable d’aimer ?
LES PASSIONS
L'amour paraît être une passion naturelle
- Pindare, Properce, Dante et bien d’autres — presque tous les poètes, et pas seulement les romantiques - ont chanté l’amour et l’ont exalté.
- Les comportements des bêtes elles-mêmes semblent nous inviter à la recherche d’un plaisir partagé avec une autre personne.
- Mais le plaisir durable et stable semble ne pouvoir être obtenu que par la rencontre d'une personne élue, d’une âme-sœur, du «grand amour», que l’on considère d’ordinaire comme une condition essentielle du bonheur.
Illusions et irrationalité de l'amour-passion
- L’amour-passion est, cependant, raillé par les très jeunes gens. Ce sont eux qui suivent la nature, dit Lucrèce : il n'y a que le physique de cette passion qui soit bon.
- La «cristallisation», comme Stendhal l’a appelée, est une suite naturelle de l’amour : vous ne voyez plus la personne qui vous a inspiré l’amour «telle qu’elle est réellement, mais telle qu’il vous convient qu’elle soit» ("De l’amour", 1822).
- Aussi, selon les Stoïciens, «les passions sont des mouvements de l’âme faisant preuve de désobéissance à l’égard de la raison» (SVF, III, 377).
C'est le désir de fusion avec l'autre, et non pas l'amour, qui fait l'irrationalité de l'amour-passion
- L’amour, parce qu’il est désir de fusion avec l’autre, semble nécessairement générateur d’illusions et de de déceptions programmées : deux ne feront jamais un. Et c’est pourquoi, d’après Lucrèce, la jalousie en est la rançon ordinaire.
- Mais un amour véritable, comme Descartes le dit plaisamment, consiste peut-être bien davantage en ce qu’«on imagine un tout, duquel on pense être seulement une partie, et que la chose aimée en est une autre» {"Traité des Passions", art. 80).
- Aussi, «celui qui aime peut encore rester clairvoyant» (Kant, Anthropologie au point de vue pragmatique, § 74). •