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ESCHYLE. Dramaturge grec

ESCHYLE. Dramaturge grec. Né à Eleusis en 525 av. J.-C., mort à Géla (Sicile) en 456. Sur sa vie on ne possède que deux documents : les courtes notes biographiques du manuscrit Médicis (comprenant les sept tragédies et la notice succincte de Suidas, nom de l'auteur supposé d'un Lexique encyclopédique au Xe siècle ap. J.-C. Il y a également, dans les Grenouilles d'Aristophane, une vive discussion sur ce sujet : quel est, d'Eschyle ou d'Euripide, celui qui mérite le premier rang, et qui se termine à l'avantage du premier. Des renseignements aussi incertains ne satisfont qu'à demi la critique moderne. Les contemporains d'Eschyle et de Pindare s'intéressaient beaucoup plus aux oeuvres qu'à l'écrivain, et, dans la suite, les biographes de l'école platonicienne ou aristotélicienne s'en référèrent à une tradition qu'aujourd'hui nous ne tenons pas pour certaine. La date de la naissance d'Eschyle semble établie. Nous savons également qu'il était fils d'Euphorion, lequel appartenait à une famille d'Eupatrides — il appartenait donc à l'aristocratie et ce sont les sentiments de sa classe qu'il reflète —, qu'il avait deux frères, Aminias et Cynégire, et que sa soeur épousa un certain Philopeithès et fut la mère d'une lignée de poètes tragiques. Quant à Eschyle lui-même, il eut deux fils : Euphorion et Euiaon qui furent tous deux poètes tragiques. Le début de sa carrière dramatique se situerait autour de 500 av. J.-C. Selon Suidas, il rivalisa avec Pratinas et Choerilos aux concours tragiques qui eurent lieu dans la 70e olympiade (500-497). Selon le marbre de Paros, Eschyle aurait eu trente-cinq ans lors de la bataille de Marathon à laquelle il participa. Sur la formation que reçut le grand tragique nous ne savons rien de précis, mais ses drames témoignent d'une connaissance approfondie de l'oeuvre d'Homère, du cycle des poètes qui se réclament d'Hésiode, et, visiblement, il a subi l'influence des lyriques grecs et, en particulier, de Solon. Bien qu'il ait été sensible à la fascination des mystères qui se déroulaient dans sa ville natale, il semble qu'Eschyle ne fut cependant jamais initié. Aristote et Clément d'Alexandrie, qui font allusion à un procès intenté au poète pour avoir révélé certains rites sacrés, ajoutent qu'il en sortit acquitté pour l'excellente raison qu'il ne pouvait profaner ce qui ne lui avait pas été révélé. Soldat valeureux, Eschyle, à plusieurs reprises, combattit pour défendre sa patrie contre les Perses. Il fut un de ces soldats de Marathon, « durs comme des chênes », dont Aristophane a exalté la mémoire en déplorant que ses concitoyens aient oublié leur exemple. La bravoure du poète à la bataille de Marathon, au cours de laquelle Cynégire, son frère, succomba, alors qu'il s'agrippait à un vaisseau ennemi (Her. VI, 114), est évoquée, dans une épitaphe, vraisemblablement composée par Eschyle et, en tout cas, digne de son style : « Ici repose Eschyle, fils d'Euphorion, Athénien — mort à Géla l'illustre, — Sa valeur, nous pouvons la dire parce que nous l'avons connu — ainsi que le bois de Marathon, et le Mède sous les feuillages épais. » Qu'Eschyle ait combattu à Salamine, on le sait par une scolie commentant le vers 428 des Perses. Certains fragments de tragédies qui ont été conservés permettent également d'établir qu'il prit part aux combats de Salamine et de Platée. On peut douter, en revanche, qu'il ait été présent à l'Artemision (Paus. I, 14; 5). Ce n'est qu'en 484 qu'Eschyle obtint sa première victoire à la scène, et l'on pourrait s'étonner d'un triomphe aussi tardif, suivi de douze autres, sa vie durant, et d'un grand nombre (vingt-huit, selon Suidas) après sa mort, n'étaient les innovations qu'Eschyle apporta dans la tragédie, et qui ne satisfaisaient pas toujours les spectateurs. Le récit d'un biographe ancien sur la manière dont le public accueillit l'entrée en scène du choeur dans Les Euménides est à ce sujet significatif. En 472, lorsque triompha la tétralogie dont faisaient partie Les Perses, Eschyle devait être déjà au sommet de la renommée. Il se rendit peu après à une invitation de Hiéron, tyran de Syracuse, protecteur des lettres, qui fit donner une nouvelle représentation des Perses. Eschyle célébra dans une tragédie (Les Ethéennes) la ville d'Etna que ce souverain venait de fonder. Revenu à Athènes, Eschyle participa, en 468, au fameux concours de tragédie où Sophocle devait l'emporter pour la première fois (Plut., Cimon 8). L'an 467 marque l'éclatante réussite de la tétralogie thébaine, dont faisaient partie Les Sept contre Thèbes. Quant aux Suppliantes, c'est peut-être la première des pièces subsistantes d'Eschyle, encore que cette vue soit fortement contestée de nos jours. C'était alors l'usage que le dramaturge, prenant part au concours, récite lui-même sa tragédie, ou tout au moins, en assure la mise en scène. Eschyle était donc astreint à résider dans sa patrie. Il se rendit encore en Sicile (pour quel motif, on ne sait) après un nouveau triomphe, celui de L'Orestie et mourut à Géla à l'âge de soixante-neuf ans. Selon une légende transmise par divers auteurs (Cf. Valère-Maxime, IX, 12, 2; Pline N. H. X. 7) le poète, qui était chauve, aurait été tué par un aigle, lequel prenant son crâne pour un rocher, aurait laisser tomber dessus une tortue afin d'en briser l'écaille. Cette fable qui n'a même pas une signification symbolique et semble d'origine péripatéticienne, aurait été imaginée par Ermippus de Smyrne. Les Anciens attribuaient à Eschyle 90 ou 70 tragédies. Les sept qui sont parvenues jusqu'à nous sont : Les Perses, Le Prométhée enchaîné, Les Sept contre Thèbes, Les Suppliantes, Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides (ces trois dernières formant la trilogie de L'Orestie). Les dates des Perses, des Sept et de L'Orestie nous sont fournies par une note chronologique figurant à la fin des manuscrits de chacun de ces drames. C'est à cette source que devaient puiser les Alexandrins et Aristote. Mais aucun document ne permet de situer Prométhée, de tous les drames d'Eschyle le plus troublant. Outre ces tragédies, nous sont également parvenus des fragments d'autres drames ou pièces satiriques. C'est une tâche peu aisée de définir en quelques mots le génie d'Eschyle. Créateur de la tragédie, il en est aussi son représentant le plus illustre, au-dessus d'un Sophocle et d'un Euripide. Puissant dans ses conceptions, hardi dans son langage, débordant d'une émotion intense et, chaque fois, se renouvelant, Eschyle est vraiment le seigneur dionysiaque et Nietzsche, bien des siècles plus tard, ne lui donnera pas d'autre nom. On ne saurait mieux qualifier, en effet, ce poète unique dans l'histoire du drame, qui mérite d'être placé à côté de Shakespeare. ? « Vois donc quels hommes il [le public] avait reçus de moi, des vaillants, hauts de quatre coudées, non des citoyens qui se dérobent, ni des flâneurs de l'agora, ni des bouffons comme aujourd'hui, ni des intrigants... mon génie imagina les nombreuses vertus des Patrocle, des Teucros au coeur de lion, pour inviter chaque citoyen à se hausser à leur taille au premier son de trompette. » Eschyle à Euripide, dans les Grenouilles d'Aristophane. ? « Eschyle est le premier qui ait introduit la noblesse sur ta scène et montré le sentiment des convenances pour les moeurs et les passions. Il emploie avec une habilité rare le style simple et le style figuré. Souvent, il crée des mots nouveaux et des sujets qui lui sont propres. » Denys d'Halicarnasse ? « Eschyle a, le premier, mis au jour de véritables tragédies. Il a de l'élévation et du nerf, et porte souvent jusqu'à l'excès le grandiose de l'expression; mais la plupart de ses compositions manquent d'art et sont négligées. Aussi, dans la suite, les Athéniens établirent-ils un concours pour corriger ses pièces, ce qui valut des couronnes à beaucoup de poètes. » Quintilien. ? « Une sorte d'épouvante emplit Eschyle d'un bout à l'autre; une méduse profonde s 'y dessine vaguement derrière les figures qui se meuvent dans la lumière. Eschyle est magnifique et formidable, comme si l'on voyait un froncement de sourcil au-dessus du soleil. » Victor Hugo. ? « Chez Eschyle le dégoût se fond dans le frisson sublime qui nous saisit en présence de la sagesse de l'ordre universel que seule la faiblesse de l'homme rend difficile à concevoir. » Nietzsche. ? « Faire sentir qu'au-delà de ce qui se voit, il y a des choses lointaines et grandioses qui ne se voient pas immédiatement, que l'action de l'homme n'a pas en elle-même toute sa raison d'être ni toute son explication, qu'elle obéit à son insu à quelque chose d'obscur et de supérieur, et qu 'à travers ses agitations et ses illusions elle aboutit le plus souvent à des fins qu'elle n'a pas cherchées, voilà ce qui lui paraît la partie supérieure de l'oeuvre dramatique. » M. Croiset.




Suppliantes, les (du gr. Hiketidès). 1. Tragédie grecque d'Eschyle, vraisemblablement écrite en 463, car elle fut en compétition avec une tragédie de Sophocle (dont la première pièce remonte à 468). Elle était la première pièce d'une trilogie dont les deux autres, Les Egyptiens et Les Danaïdes, ne nous sont pas parvenues ; le drame satyrique qui les accompagnait était Amymonè. Les suppliantes sont les cinquante filles de Danaos qui ont fui l'Égypte pour échapper au mariage que veulent leur imposer leurs cousins, les cinquante fils du roi Égyptos, l'usurpateur. Elles cherchent refuge en Argo-lide, accompagnées de leur père, et se réclament de leur ancêtre Io pour obtenir la protection d'Argos contre leurs poursuivants. Pélasgos, le roi des Ar-giens, hésite et consulte son peuple. Les Argiens se prononcent en faveur des suppliantes, et la requête du héraut envoyé par les fils d'Égyptos afin qu'elle se rendent est rejetée. Le rôle des cinquante Danaïdes est tenu par le choeur lui-même, ce qui en fait virtuellement le protagoniste et explique que ses chants lyriques représentent plus de la moitié de la pièce. Eschyle, non sans ambiguïté, laisse dans l'ombre les raisons pour lesquelles les suppliantes refusent le mariage, ce qui a donné lieu à des débats infinis, sans qu'aucune conclusion ne s'impose; ces motifs devaient être secondaires à la fois pour le poète et pour l'action de la pièce. La trilogie s'achevait probablement par une confirmation du mariage en tant que fondement de la vie sociale, illustrée par Hypermnestre épargnant son mari. 2. Tragédie grecque d'Euripide, représentée v. 422 av. J.-C. (les paroles de la déesse Athéna à la fin de la pièce font en effet allusion à une alliance avec Argos, déjà en vigueur ou sur le point d'être conclue au moment où la pièce fut écrite). Les Thébains ont refusé d'autoriser les funérailles des chefs argiens (les Sept contre Thèbes) qui ont en vain attaqué la ville. Les usages grecs étant violés, les mères de ces chefs (qui composent le choeur et donnent son nom à la pièce) se rendent au sanctuaire de Déméter à Eleusis en Attique avec Adraste, roi d'Argos, dernier chef survivant de l'expédition. Là, elles implorent d'Éthra, mère de Thésée, roi d'Athènes, le secours qui leur permettra d'obtenir la restitution des corps de leurs fils. Thésée rejette l'arrogante requête de reddition formulée par le héraut thébain et cède aux supplications des mères : les Thébains vaincus, il offre des funérailles aux chefs tombés. Evadné, veuve de l'un des chefs, se jette dans bûcher afin de pas survivre à son époux, Capanée.



ESCHYLE (Éleusis, 525-Gela, Sicile, 456 av. J.-C.)

. Poète tragique grec de famille noble, combattant contre les Perses à Marathon et Salamine, il fut parmi les fondateurs de la tragédie grecque. Couronné pour ses pièces de nombreuses fois, il fut vaincu par Sophocle en 468 av. J.-C., puis se retira en Sicile où il mourut. Eschyle écrivit près de 90 pièces dont sept seulement nous sont parvenues. Les plus célèbres sont Les Perses (472 av. J-C.), Les Sept contre Thèbes (467), Prométhée enchaîné et L'Orestie, trilogie comprenant Agamemnon, Les Choéphores et Les Euménides (458). Profondément religieux, il enseignait à ses concitoyens que la vertu suprême était la modération, faute de quoi l'on s'exposait à la vengeance des dieux. Voir Euripide, Sophocle.

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