épopée
épopée
Récit dit ou chanté qui célèbre la grandeur d’une nation et de ses héros.
Commentaire
Il est difficile de définir l’épopée, tant ses contenus sont divers selon les époques et les continents. Retenons cependant que l’épopée en tant que genre littéraire, dans de longues descriptions, exalte les valeurs que reconnaissent les membres d'une même culture, d’une même nation. Elle met en scène un héros stylisé qui représente l’idéal collectif, capable de réaliser un destin élevé et de composer avec les forces supérieures. La tradition de l’épopée est très ancienne : les Grecs et les Latins pratiquèrent le genre (Homère, l'Iliade et l'Odyssée ; Virgile, l'Enéide), que l’on retrouve en France au Moyen Age sous la forme des chansons de geste, au xvie siècle dans la Franciade de Ronsard, au xixe siècle avec le Jocelyn de Lamartine ou la Légende des siècles de Hugo.
Exemples
Un chevalier parut, de la lignée de Sâm, que son père Dastân avait nommé Rostam. Il arriva comme un crocodile en fureur ; on eût dit qu'il brûlait de son souffle le sol. Il lançait son cheval et par monts et par vaux, frappant de la massue, de l’étrier, du glaive. (Firdousi, le Livre des rois [Iran, Xe s.], in Z. Safâ, Anthologie de la poésie persane.') L’homme est en mer. Depuis l’enfance matelot, Il livre au hasard sombre une rude bataille. (Victor Hugo, la Légende des siècles, livre II, 2.)
EPOPEE nom fém. — Long poème narratif qui, mêlant la légende à l’histoire, célèbre un héros ou un peuple. ÉTYM. : du grec epopoiia {epos - « parole », puis « vers », puis « vers épique » qui se rattache au verbe poeiein - « faire »).
L’epopoiia était un récit en vers épiques qui se caractérisait tout autant par la forme du vers que par le sujet. L’épopée est l’une des formes les plus anciennes de la littérature. Son origine se perd souvent dans ce qu’on nomme, par commodité, « la nuit des temps ». Ainsi de l’épopée sumérienne remontant à plus de 3000 ans avant notre ère et qui raconte l’histoire de Gilgamesh en quête de la plante qui donne aux hommes l’immortalité. Ainsi de L'Iliade et L'Odyssée qui forent peut-être l’œuvre d’un écrivain nommé Homère ou bien qui ne forent que l’assemblage composite de textes dus à l’imagination de poètes à jamais anonymes. Ces textes anciens et légendaires, qui, centrés autour de la figure d’un héros, racontaient des aventures à la mesure du monde, ont été comme des modèles et des défis pour les écrivains de toutes époques qui ont tenté de rivaliser avec eux : de Virgile - s’attachant à composer avec L'Énéide une sorte de pendant latin à L'Odyssée et à Z 'Iliade, qui exalterait les origines divines de Rome - jusqu’au romancier irlandais James Joyce transposant sur un mode parodique cette même Odyssée dans le décor moderne de Dublin. En ce qui concerne la littérature française, la plus connue des épopées est La Chanson de Roland à l’origine incertaine : on la date de la fin du XIe siècle. Elle relate l’aventure et le sacrifice du preux Roland et exalte, à travers son destin, l’esprit des croisades et les valeurs du christianisme et de la féodalité. Si l’on met de côté les autres chansons de geste, c’est au XVIe siècle que renaîtra en France le genre épique avec La Franciade de Ronsard ou Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné. Mais le genre, avant le XIXe siècle, ne produira aucun chef-d’œuvre : à cet égard, l’échec de Voltaire et de sa Henriade est particulièrement significatif. Il faudra attendre le siècle suivant pour que l’épopée retrouve un sens en France. C’est peut-être qu’au XIXe siècle il se développait une nouvelle conception de l’histoire — le Progrès — et de la collectivité - la Nation ou le Peuple - susceptible de donner un souffle nouveau aux ambitions épiques des poètes. Aux côtés de Lamartine (Jocelyn) et Leconte de Lisle (Qaïn), on retiendra surtout l’œuvre monumentale de Hugo - La Légende des siècles — qui seule, peut-être, souffre la comparaison avec les épopées antiques. Si l’on considère maintenant la littérature moderne, force est de constater que les épopées en sont pratiquement absentes : on pourrait citer pour la France certains textes de Pierre Emmanuel et, à l’étranger, de manière plus ample et convaincante, les Cantos de l’Américain Ezra Pound. S’attachant depuis Mallarmé au moins à explorer les ressources du langage, la poésie a déserté l’histoire. C’est sans doute pourquoi les véritables épopées de la littérature moderne sont à chercher du côté de la prose plutôt que des vers : le cycle romanesque de Zola ou, dans un genre bien différent, le Finnegans Wake de Joyce.
—> Geste (chanson de)
Épopée. Récit produit par une société de type féodal, destiné à être déclamé ou chanté, qui prend pour matière des événements historiques anciens, devenus légendaires, et les transfigure librement. Ex : Homère, dans l'Iliade et dans l'Odyssée, relate, au VIIIe siècle av. J.-C., la guerre de Troie qui a eu lieu trois siècles auparavant. Aussi l’épopée est-elle truffée d’anachronismes, comme le seront plus tard le roman antique (XIIe siècle) ou le roman historique (XIXe siècle), car les auteurs prêtent à leurs personnages certains traits de l’époque à laquelle ils appartiennent. L’épopée ne saurait être confondue avec le genre épique auquel elle appartient. Celui-ci, plus vaste, contient toutes les formes narratives : épopée, roman, nouvelle. L’épopée est le genre littéraire le plus ancien. L’histoire et le roman qu’elle a enfantés se différencieront d’elle plus ou moins tard selon les pays. L’épopée apparaît lorsqu’un peuple commence à prendre conscience de lui-même et cherche à fonder son identité sur des origines glorieuses. Aussi prend-elle souvent un caractère nationaliste. Le récit épique vise à transmettre à la postérité la mémoire collective d’un peuple, à travers les exploits de ses guerriers. L’Épopée de Gilgamesh, la plus ancienne que l’humanité ait produite (XVIIIe siècle av. J.-C. dans sa version sumérienne, VIIIe siècle av. J.-C. dans sa version babylonienne) relate les hauts faits de Gilgamesh, vieux roi de la cité sumérienne d’Uruk. Elle est à la fois un hymne au roi et à la ville.
Les personnages épiques, héroïsés, sont des êtres hors du commun, manichéens. Aussi sont-ils souvent réduits à un trait de caractère, comme le marque l’épithète de nature qui leur est attribuée, dite épithète homérique. : Ulysse aux mille tours, Roland le preux et Olivier le sage. Les deux topoi essentiels de l’épopée, le catalogue et la description des armes, dérivent de ses visées nationalistes. Le catalogue recense, sous forme poétique, le nom de tous les héros qui témoignent de la puissance d’un pays. Dans l’Iliade, le catalogue des vaisseaux, qui occupe tout un chant, célèbre l’importance de la flotte grecque, décrivant les vaisseaux et énumérant les noms des chefs venus de toutes les régions de la Grèce pour s’emparer de Troie. L’épopée recourt à une forme particulière d'ekphrasis (le terme signifie description d’un objet d’art). La description des armes du héros, comme le bouclier d’Achille ou Joyeuse, l’épée de Charlemagne, est toujours très longue car l’arme est son emblème, et à travers lui, celle du pays pour lequel il se bat. Les épopées, chantées par des rhapsodes dans la Grèce antique, par des jongleurs au Moyen Age, sont versifiées, car, comme dans toute littérature véhiculée par voix orale, le vers y joue une fonction mnémonique. Cette transmission orale du genre explique le style formulaire qu’elle adopte ainsi que la fréquence des répétitions, répétition d’un vers entier ou de plusieurs vers. Des rappels sont nécessaires pour que l’auditeur qui arrive en cours de récit puisse suivre sans trop de difficulté la narration. L’épopée n’existe pas dans toutes les littératures, en Chine notamment. Selon Etiemble, l’épopée n’apparaît que dans les pays où s’opère une conjonction entre deux classes, des religieux lettrés mettant leur chant au service de guerriers formant une classe privilégiée. On appelle chansons de geste les épopées médiévales françaises, car elles chantent les gesta (en latin : hauts faits) de personnages historiques appartenant à trois grandes familles. Aussi constituent-elles trois cycles, le cycle du roi, qui est une biographie guerrière de Charlemagne et des membres de sa famille (ex : La Chanson de Roland), celui de Guillaume d’Orange (ex : Le Charroi de Nîmes) et celui de Doon de Mayence. Les auteurs, anonymes pour la plupart, écrivent de 1050 environ jusqu’à la fin du XIIIe siècle, chacun ajoutant une chanson à un corpus préexistant, ce qui explique le caractère hétérogène de l’ensemble. Les événements qu’ils narrent ont eu lieu au VIIIe siècle sous le règne de Charlemagne. Nos chansons de geste sont écrites en laisses assonancées de longueur variable, en décasyllabes le plus souvent.
Au XVIe siècle, les poètes de la Pléiade ont tenté, sans succès, de ressusciter l’épopée antique, mais le genre, produit par des sociétés féodales et destiné à la déclamation, est bel et bien mort. Ronsard ne terminera jamais La Franciade (1552). Seul Hugo, dans La Légende des siècles, parviendra à en retrouver certains accents.
Liens utiles
- épopée.
- « On oppose souvent le roman, au sens moderne du mot, c'est-à-dire tel qu'il apparaît en Occident en gros avec Cervantès, à l'épopée, en disant que celle-ci raconte les aventures d'un groupe, celui-là d'un individu; mais depuis Balzac au moins, il est clair que le roman dans ses formes les plus hautes prétend dépasser cette opposition et raconter par l'intermédiaire d'aventures individuelles le mouvement de toute une société ». Que pensez-vous de cet avis de Michel Butor ?
- Ismail Ier (1487-1524) Les débuts de ce fondateur d'une dynastie glorieuse tiennent de l'épopée.
- Dominique Jean Larrey1766-1842Étudier la vie de Dominique Jean, baron Larrey, c'est revivre l'épopée et suivre la fortunemobile des Aigles.
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