épichérème
Un épichérème est une forme de raisonnement, utilisée dans l’élaboration et la présentation des preuves. La tradition est à cet égard assez confuse. On. le donne parfois comme la simple profération d’une raison à titre d’argument, ou même comme la simple indication d’une situation de fait constituant de soi une raison. C’est évidemment faible. Quintilien pense que l’épichérème est un raisonnement constitué de plusieurs membres, et consacre la plus grande longueur du passage à discuter du nombre des parties requises ou possibles. Certains auteurs, dit-il, soutiennent que l’épichérème est composé de quatre, de cinq, et même de six parties ; c’est manifestement pour lui bien trois de trop. Pour moi, écrit-il, je tiens avec plusieurs auteurs que l’épichérème n ’a que trois parties au plus. Car l’ordre naturel veut qu’il y ait une première proposition qui explique le sujet dont il s’agit; ensuite une seconde qui serve à prouver la première, et enfin une troisième qui soit une suite logique des deux. Ainsi, il y aura la première proposition ou majeure, la seconde ou mineure, et la troisième ou conséquence.
Dans ces conditions, l’épichérème ressemble fort au syllogisme. Quintilien prévient l’objection en précisant que l’épichérème ne diffère du syllogisme qu ’en ce que le syllogisme se divise en beaucoup plus d’espèces, et en ce qu’il a la vérité pour objet, au lieu que l’épichérème n’a généralement en vue que la vraisemblance. Voilà qui est sérieux, mais ne résout pas toutes les difficultés. La première spécificité ne tendrait qu’à faire de l’épichérème une sorte limitée de syllogisme. Mais la seconde nous replace dans une perspective plus problématique, même si le point est plus fort : car un syllogisme fondé sur le vraisemblable, c’est un enthymème. Et on ne peut rien tirer de la forme matérielle de la phrase citée de Quintilien, pour trouver sur le fait en question une différenciation quelconque : c’est incontestablement la portée essentielle de tout le raisonnement qui est visée. Le seul moyen de sauver l’existence de l’épichérème est d’y voir une espèce d’enthymème, dans la forme la plus normalement développée de celui-ci, telle que chaque membre est assorti d’une raison explicative le commentant ou le justifiant. L’attaque de l’épichérème ainsi complètement constitué se fait par les moyens de la réfutation ; il peut y avoir acceptabilité de l’une des propositions, et inacceptabilité d’une autre, quel que soit le lien logique du raisonnement : l’attaque peut exploiter ces discordances. La conséquence spécialement doit faire l’objet, soit d’une dénégation simple, soit d’une déclaration de non pertinence à propos de la cause. Quoi qu’il en soit, ce terme ne correspond certes pas à un des concepts les plus forts que nous a légués la rhétorique classique, dans son canton commun avec la logique. Il est peut-être plus sage de faire de l’épichérème une figure macrostructurale de second niveau, un lieu particulier du fonctionnement discursif de l’enthymème. On ajoutera que le même mot, sans doute à cause de sa navigation définitoire, a été parfois employé pour désigner, comme synonyme de l’un des sens d’expolition, la période la plus amplement et parfaitement développée. On verra un exemple d’épichérème assez généralisé dans la partie centrale de « La Mort et le Mourant », de La Fontaine (v. 20 à 50) : la mort intervient pour emmener le vieillard, le vieillard oppose des arguments, la mort répond point par point à chacun de ces arguments en énumérant tous les considérants logiques, elle décide enfin en concluant.
=> Argument, preuve, syllogisme, enthymème; réfutation; vraisemblable ; figure, macrostructurale, lieu; période, expolition.