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Environnement et développement - Le local, le global; le présent, le futur

Environnement et développement - Le local, le global; le présent, le futur En 1993, la France s'est munie d'un appareillage institutionnel pour prendre en compte l'environnement et le développement: le gouvernement créait par décret au mois de mars le Conseil pour les droits des générations futures et la Commission du développement durable. Le temps est référence du premier, l'espace du second. Le temps car les activités humaines conduites dans le présent ont des effets sur la vie des hommes de demain. L'espace, dans la mesure où ces activités ont des conséquences à l'échelle de la planète, le local et le global devenant inéluctablement liés. Cette initiative française illustre bien le fait que le temps et l'espace sont les deux paramètres de la mondialisation de la problématique environnement-développement, qui soutiennent à leur tour les considérations sur le développement durable. Ce fut le mérite du "sommet" de la Terre de Rio, en juin 1992 de porter au grand jour ces idées et de les faire officiellement entériner par les représentants de quelque 170 gouvernements par les engagements qu'ils ont pris en paraphant l'Agenda 21. Nous avons une Terre commune, nous avons aussi un futur commun comme l'a popularisé la commission Bruntland, du nom de sa présidente, Premier ministre de Norvège, dans son rapport célèbre de 1988. La pollution de l'atmosphère, la dégradation des sols et des eaux, l'épuisement des ressources naturelles sont les problèmes les plus connus auxquels tous les continents sont confrontés. Mais peut-on en espérer pour autant un consensus sur les solutions, le futur? Du péril commun à l'effort général La convention sur le climat du "sommet de Rio" stipule que les États s'engagent à limiter les émissions de gaz à effet de serre en l'an 2000 à leur niveau de 1990. Elle suppose, entre autres choses, que les pays industrialisés adoptent une taxe sur l'énergie de façon à restreindre l'utilisation des combustibles fossiles. Si la plupart en ont accepté le principe, ils étaient loin d'être d'accord sur ses modalités d'application. Pratiquement à la mi-1993, ni les États-Unis ni la Commission des communautés européennes n'avaient encore pris une quelconque mesure allant dans ce sens. De leur côté, les pays producteurs de pétrole ont vu ces intentions d'un très mauvais oeil, risquant de provoquer à terme une baisse de leurs exportations. Les pays en développement, pour leur part, ne se sont pas montrés prêts à hypothéquer leurs chances de développement fondées sur l'utilisation des combustibles fossiles dont ils sont pour certains amplement pourvus. Quelques-uns n'ont pas hésité à affirmer que les générations futures des pays en développement ont acquis un droit à la pollution globale au nom du passé des pays industrialisés en la matière. Une seule alternative leur est apparue envisageable: monnayer ce droit à la pollution en une obligation de financement de la part des pays industrialisés pour leur permettre l'accès à des technologies "propres". Ainsi, aucune disposition n'était encore appliquée au plan mondial, un an après la Conférence de Rio, alors que les premières négociations remontaient déjà à plusieurs années. Et pourtant, la convention sur le climat n'est guère contraignante. C'est le passage au local imposé par la mise en oeuvre de solutions dans le court terme qui met en évidence les limites de la démarche globale et la prise en compte du long terme. Est-il possible de construire une synergie entre les quatre composantes des variables espace et temps, à savoir le local, le global, le présent, le futur? Des solutions existent, amplement présentées dans l'Agenda 21. Leur mise en oeuvre nécessite avant tout une volonté politique, "politique" au sens des affaires qui intéressent les sociétés organisées. Revenons à ce sujet aux différents types de délégués qui ont participé à la Conférence de Rio: institutions représentant les gouvernements, industriels, scientifiques, organisations non gouvernementales (ONG). Ceux que l'on appelle les hommes politiques, il est banal de le dire, raisonnent principalement à l'échéance de la durée de leurs mandats. Ainsi, à la mi-1993, aucun gouvernement ne s'était encore orienté vers un financement de 0,7% de son PNB pour l'aide publique au développement, contrairement aux promesses faites à Rio. Les industriels "fonctionnent", quant à eux, à l'aune du retour rapide et bénéfique de leurs investissements. S'il est de bon ton, en effet, d'accompagner la croissance économique de préoccupations sociales et environnementales, le marché est unanimement considéré comme le seul moteur envisageable de progrès pour les sociétés. Paradoxes et défis pour les scientifiques L'universalité que la science revendique n'est rien d'autre que l'association du local et du présent pour construire le global et le futur. Ce n'est pas un hasard si ce sont eux qui dénoncent depuis des années la dégradation de l'environnement terrestre et l'épuisement des ressources naturelles et qui ont accumulé les données prouvant que les activités humaines mises en oeuvre par les pays industrialisés pour construire leur développement en étaient responsables. Cependant, ce n'est pas non plus un hasard si d'autres représentants de cette communauté, au nom de cette même universalité, ont lancé à l'occasion de la conférence de Rio leur "appel d'Heidelberg", mettant en garde les chefs d'État contre l'irrationalité. L'universalité et son corollaire la rationalité ont en effet protégé pendant des années la valeur de neutralité de la science. Celle-là assurait à son tour la déconnexion de la progression des connaissances scientifiques du contexte social, et par voie de conséquence garantissait l'indépendance des scientifiques. Ces derniers se trouvent à présent dans une situation paradoxale. La science doit, pour satisfaire cet idéal d'universalité, prendre en compte la multiplicité des cultures qui font la diversité de la Terre. Un deuxième défi l'attend: construire des liens avec la société non seulement en éclairant les choix qui la concernent à l'aide des connaissances acquises, certitudes et incertitudes, mais aussi en l'associant, sous des formes appropriées, à la définition des recherches. Si les organisations non gouvernementales (ONG) se trouvaient à Rio, c'était au nom des sociétés civiles. Celles-ci ont joué par le passé un rôle majeur dans la prise de conscience de la dégradation de l'environnement et du "mal développement". Leurs actions se situent avant tout au niveau local. Elles ont cependant valeur d'exemple, et le local donne aussitôt un sens "global". Il n'est que de regarder les effets en chaîne qu'a produit l'accident de Seveso (Italie, 1976), sur les politiques des déchets. D'un mouvement d'opposition populaire en Italie, étendu rapidement à la France, relayé par une conscience environnementale fortement implantée en Allemagne sont nées ou ont été renforcées des législations nationales, régionales et internationales. Mais observer et dénoncer ne suffisent pas. La question n'est plus: nous n'avons qu'une seule Terre, mais bien: voici la Terre que nous voulons. Il est urgent de construire le développement durable. Il faut imposer une alternative au mode de développement actuel, qui ne peut prendre la forme d'une solution unique à un problème posé mais qui associera une multitude de réponses adaptées à la diversité des cultures et des écosystèmes. Le temps, l'espace ne sont plus des questions réservées aux seuls philosophes. Leur prise en charge concrète est devenue une question de survie pour l'humanité. Pour en revenir à l'exemple des institutions mises en place par la France, quelle peut être leur action dans ce sens? La Commission pour le développement durable a été conçue pour être l'antenne nationale de celle du même nom installée au plan international auprès des Nations unies. Mais l'une comme l'autre, sont pour l'instant dépourvues de tous moyens financiers. Quant au Conseil pour les générations futures, la personnalité de son président, Jacques Cousteau, entraîne perplexité sinon inquiétude. Plus préoccupé dans ses actions passées de la nature que des hommes, ses déclarations intempestives ramenant le problème du développement au seul méfait de la surpopulation dans certains pays du monde laissent mal augurer de son ouverture d'esprit sur les générations futures. En tout état de cause, peut-on attendre des institutions un autre rôle que celui d'accompagnement des changements sociaux? Aux sociétés civiles donc d'affirmer leur volonté de changement.

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