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Enjambement

Enjambement Il y a « enjambement » ou « rejet » quand la phrase ne coïncide pas avec le vers et que le ou les derniers éléments de cette phrase sont reportés au début du vers suivant. Exemple : « C’est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons. » Dans ce premier quatrain du « Dormeur du val » de Rimbaud, « D’argent » et « Luit » (soulignés par nous) sont « rejetés » en début de vers et par ce procédé mis en évidence. L’enjambement qui est à la fois continuité et rupture permet aussi de suggérer ici la façon à la fois ininterrompue et cascadante dont s’écoule l’eau de la rivière. ENJAMBEMENT nom masc. — Procédé poétique consistant à faire déborder une proposition du cadre du vers et à rejeter au début du vers suivant certains des mots utiles à son sens. Par l’enjambement donc, une proposition commence dans un vers et s’achève au début du vers suivant sans cependant l’occuper tout entier. On distingue parfois l’enjambement (le procédé) du « rejet » défini comme l’élément « rejeté » dans le vers suivant. L’enjambement perturbe la structure normale du vers, puisque la syntaxe et le rythme ne correspondent plus, puisque l’ensemble que devrait composer le vers se révèle incomplet quant au sens. La conséquence essentielle de l’enjambement est la mise en valeur de l’élément rejeté et cela d’autant plus que cet élément est court. Ainsi, dans cet extrait de l’« Hérodiade » de Mallarmé sont rejetés les mots « Vivre » et « Inviolé » qui se trouvent de ce fait soulignés : « J’aime l’horreur d’être vierge et je veux Vivre parmi l’effroi que me font mes cheveux Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile Inviolé sentir en la chair inutile Le froid scintillement de ta pâle clarté » L’enjambement était rarement toléré dans la poésie médiévale. Au XVe, et au XVIe siècle, il se répand jusqu’à ce que Malherbe et Boileau à sa suite l’interdisent totalement. Dans un passage de son Art poétique (1674), Boileau en rend hommage à Malherbe, écrivant : « Les stances avec grâce apprirent à tomber ; Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber. » Les poètes et les dramaturges ne se soumirent pas toujours à l’interdiction formulée par Boileau. Racine pratique l’enjambement — un très bel exemple avec « Meurt » au début de Mithri-date - et celui-ci, avec les romantiques, se multiplie. A mesure qu’avance le XIXe siècle, le recours à l’enjambement est l’un des signes de la souplesse et de la liberté que s’autorisent les poètes qui préludent à l’avènement du vers libre. Ci-après le fameux enjambement du début de Mithridate de Racine qui met en exergue le fait d’où provient la crise : « Ainsi, ce roi, qui seul a durant quarante ans Lassé tout ce que Rome eut de chefs importants Et qui dans l’Orient balançant la Fortune Vengeait de tous les rois la querelle commune, Meurt... » => Rejet - Vers

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