ENFANCE / ENFANCE INADAPTEE
ENFANCE
Plus largement que ne l’indique l’étymologie (infans, celui qui ne parle pas), l’enfance s’étend de la naissance à l’adolescence, mais pour désigner durablement une incapacité à parler ou à assumer la responsabilité réelle de son discours (l’enfant ne « sait » pas exactement ce qu’il dit).
♦ C’est en fait à partir de Rousseau que l’enfance est considérée comme une période particulière de l’existence, dotée d’un mode d’être spécifique. Avant lui, on ne voit dans l’enfant qu’un adulte en puissance, aussi bien en ce qui concerne ses mœurs, que sa pensée ou sa capacité rationnelle. Pour le mener à l’âge adulte, il suffit alors de le diriger, de l’aider à combler son manque à être : ce sera le rôle classique de l’éducation et des institutions qui en ont la charge. Par lui-même, l’enfant est en effet incapable d’accéder à la vérité ou aux convenances, parce qu’il manque d’« humanité » : il doit donc être mis en contact, de façon autoritaire, avec les normes du monde adulte, par l’équivalent d’un dressage de sa « sauvagerie ».
♦ La perspective de Rousseau est radicalement nouvelle en ce qu’il affirme l’existence d’une parole, d’une conscience et d’une pensée particulières de l’enfant, qui n’ont rien de commun avec celles de l’adulte et qu’il s’agit désormais de prendre en compte dans le processus éducatif : le précepteur doit s’adapter au rythme de l’enfant et en privilégier l’évolution, en en suivant les étapes - celles notamment que Piaget et la psychologie génétique préciseront au XXe siècle comme les différents stades d’acquisition des relations logiques et affectives. Le changement d’optique s’illustre d’ailleurs dans la définition progressive d’un vêtement enfantin (qui est autre qu’un simple costume adulte en réduction), et d’une liberté attribuée au corps de l’enfant (on ne l’enserre plus dans un bandage pour l’accrocher au mur...). La voie est ainsi ouverte pour la revendication lointaine de « droits de l’enfant ».
♦ Avec la psychanalyse, le rapport entre l’enfant et l’adulte se modifie encore : la succession chronologique fait place à la possibilité d’un maintien des traumatismes de l’enfance chez l’adulte. De plus, l’enfant se voit doté de stades particuliers de la sexualité qui le définissent comme « polymorphe pervers » - sans que toute fois l’expression soit à prendre en un sens moral où se raviverait quelque chose du « péché originel » marquant, du point de vue chrétien, toute âme dès sa naissance. Cette histoire complexe de la notion d’enfance s’enrichit encore, dans la société contemporaine, d’une fascination diffuse de l’adulte à son égard : l’enfance reste perçue - faut-il dire malgré Freud ? -comme le moment de l’absence de responsabilité, et donc de souci. Elle suscite alors une nostalgie, aussi bien qu’un modèle éventuel de séduction où se mélangent « innocence » et perversité lorsque, par exemple, s’impose plus ou moins largement l’image de la « femme enfant ».
enfance, période de la vie qui s'étend de la naissance à l'adolescence.
Sous l'impulsion de la psychologie moderne, l'enfant n'est plus considéré comme un adulte auquel il manque les connaissances et le jugement, mais comme un individu ayant sa mentalité propre et dont le développement psychologique est régi par des lois particulières.
L'enfance est l'étape nécessaire à la transformation du nouveau-né en adulte. Plus on remonte dans l'échelle zoologique, plus la durée de l'enfance s’allonge: trois jours chez le cobaye, neuf ans chez le chimpanzé, vingt-cinq ans chez l’homme, selon A. Gesell. L'être humain a besoin de cette longue période pour comprendre et assimiler les structures culturelles complexes auxquelles il devra s’adapter. Dans cette période dynamique et d'une extrême richesse, où la croissance se fait dans tous les domaines à la fois, on distingue trois grands stades (que les pédagogues avaient déjà remarqués) : la première enfance, jusqu’à trois ans ; la deuxième enfance, de trois ans à six ou sept ans ; et la troisième enfance, qui se termine par la puberté. Le développement de l'enfant se fait selon un processus de différenciation progressive. Le sevrage est un des premiers faits psychologiques qui lui permettent de se différencier de sa mère et de prendre une meilleure conscience du réel. Avec les progrès enregistrés dans les domaines psychomoteur (usage de la main, acquisition de la station debout et de la marche) et verbal (mots, phrases), son univers s'élargit, ses intérêts augmentent, sa pensée s'affermit. À trois ans, il découvre sa personnalité, qu'il affirme en employant les pronoms je ou moi et en s’opposant, sans motif, à autrui. À partir de ce moment, ses acquisitions se font à un rythme de plus en plus rapide.
enfance, période de la vie humaine qui va de la naissance à l'adolescence (laquelle commence entre 15 et 18 ans selon les sexes et selon les conditions de vie). — La psychologie de l'enfant est née au siècle dernier avec Preyer (1841-1897) et a été développée par Piaget (1896), Henri Wallon (1879-1962), et surtout par le psychologue américain Arnold Gesell (1880-1961). Les deux idées fondamentales qui s'en dégagent sont : 1° Qu'entre l'enfant et l'homme adulte il n'y a pas une différence quantitative mais qualitative; le monde de l'enfant n'est pas le même que celui de l'adulte en miniature; l'enfant n'est pas un homme auquel il ne manque que le savoir. La différence est qualitative dans la mesure où l'enfant raisonne et sent autrement que l'adulte; 2° Que le développement biologique de l'enfant est intimement lié au développement social (c'est l'idée fondamentale de Wallon). Les études les plus scientifiques du développement de l'enfant, suivi minute par minute de sa naissance à l'adolescence, sont celles d'A. Gesell. Il conçut trois méthodes originales d'analyse : celle des « babytests » (qui se distingue des tests écrits et de la psychométrie applicable seulement à l'adulte), de l'analyse cinématographique (l'enfant est filmé à travers une glace sans tain), enfin la méthode des jumeaux (qui permet d'isoler la part de l'hérédité et celle des influences du milieu). Chacun pourra lire avec profit la trilogie de Gesell : la Première Enfance, De 5 à 10 ans, l'Adolescence. Dans le développement de la personnalité infantile, Freud a distingué trois stades fondamentaux : 1° le stade buccal (ou « oral »), qui va de la naissance à la deuxième année, pendant lequel tous les plaisirs (toute l'« affectivité ») se trouvent concentrés autour du « plaisir de la bouche » : le suçage; 2° le stade anal, de la deuxième à la quatrième année, qui se manifeste avec l'apprentissage de la propreté, et où l'enfant témoigne de l'intérêt pour ses matières, éprouve du plaisir à « se retenir », montre de l'obstination et aussi des pulsions destructrices haineuses, ce qui permet à Freud de parler d'un stade « sadique-anal » (« cet âge est sans pitié ») ; 3° le stade phallique (ou « génital infantile ») qui va de 3-4 à 6-7 ans, et où la zone d'excitation privilégiée se déplace sur les organes génitaux, en même temps que se développent les sentiments d'amour et de jalousie caractéristiques du « complexe d'Œdipe ». C'est à l'âge de 3 ans que l'enfant prend connaissance de soi comme personnalité, et c'est alors que commence le rythme d'affrontement à autrui et de repliement sur soi-même. Vers 4-5 ans se situe le stade de la grâce; si on le manque, l'enfant réagit par l'agression, pour -redevenir calme à partir de 6-7 ans. A partir de 7 ans, l'enfant entre dans une période de « latence » : de 7 à 12 ans, il devient un petit technicien (âge du Meccano, des jeux, des batailles). A 12-14 ans commence la puberté; on passe du stade du camarade à celui de l'ami. Ensuite vient l'adolescence, qui se caractérise par le repliement sur soi-même et l'affrontement des parents. Du point de vue du développement de l'intelligence : 1° de 0 à 10 mois, l'enfant parvient à atteindre l'intelligence du singe « macaque » (le plus intelligent des singes) ; il est tout juste capable de réflexes et d'habitudes; 2° du 10e au 12e mois, on note ce que Baldwin a appelé la « réaction circulaire » : l'enfant fait tomber cent fois son hochet; il prend ainsi conscience de la chute et parvient à maîtriser sa motricité, à diriger volontairement ses membres ; 3° au 12e- 13e mois apparaît la « réaction différée » : l'enfant est capable de désirer un gâteau qu'il ne voit pas et qui se trouve dans une boîte; 4° l'intelligence se développe ensuite avec les progrès du langage.
enfance (esprit d'), tendance à conserver ou à retenir sciemment en soi la mentalité infantile. — Le sens de l'absolu, la « fraîcheur d'âme », le goût de la pureté entrent dans les composantes positives de cette attitude, regardée le plus souvent avec bienveillance, sinon encouragée par les artistes ou les écrivains, mais qui ne rencontre pas le même accueil auprès des psychologues. Ceux-ci n'ont pas manqué de mettre en garde contre l'aspect négatif — longtemps négligé — de l'esprit d'enfance : ils y ont vu à bon droit une manifestation de fuite devant la vie, un refuge douillet à l'abri des responsabilités, des compromissions et des risques qui sont le lot de la « condition adulte ». La psychologie contemporaine a noté cette particularité que, si l'esprit d'enfance reste bien, en effet, un privilège, celui de l'artiste et du poète, il est aussi, dans une certaine mesure, une infirmité (celle du demeuré et de l'aliéné mental). — Au monde de l'enfance s'oppose celui des responsabilités sociales et du travail humain.
ENFANCE INADAPTEE. Adler invoque comme facteur de l’inadaptation chez les jeunes un pesant complexe d’infériorité, résultat d’une grande indigence ou d’une désunion dans la famille, de l’absence réelle ou virtuelle du père, de son abdication face à son rôle d’éducateur, de l’absence réelle ou virtuelle de la mère. Il faut noter que tous ces facteurs n’agissent pas avec un déterminisme rigide et immuable. Mais ils constituent le terrain sur lequel pousse la démoralisation de la jeunesse. Le complexe d’infériorité incite le jeune à des activités de compensation. Chez le sujet < normal > ces activités visent des réussites dans la vie sociale et professionnelle. Chez le sujet dont le complexe d’infériorité est doublé d’une manifeste absence de sens social le besoin de compensation se traduit par un désir de réussite, d’efficacité que le jeune dévoyé satisfait par des vols de voiture, des cambriolages, des attaques à main armée. Le nombre des délits de cette nature est en perpétuelle augmentation. Pour expliquer cette augmentation, faut-il invoquer la drogue, la trop grande bienveillance vis-à-vis des jeunes, l’inefficacité de la justice, la formation de bandes organisées ? Faut-il constater le désintérêt du jeune pour toute vie collective qui impose ses règles de jeu à l’individu qui en fait parti ? Faut-il penser à cette notion d’anomie chère au sociologue Durkheim qui constate un besoin chez le jeune de se soustraire à toute coercition que peut exercer le groupe sur l’individu qu’il s’agisse du groupe familial, politique, patriotique ou autre. C’est ainsi que le jeune ayant grandi dans l’ambiance glaciale, indifférente du foyer désuni, enfant non désiré n’ayant pas connu la chaleur de la vie familiale et de la relation interpersonnelle, conçoit le monde en fonction de sa propre conception de l’univers, un univers sans pitié et sans bienveillance.
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