EMPIRE OTTOMAN
EMPIRE OTTOMAN
L'Empire ottoman aura été le dernier empire musulman de la Méditerranée, mais aussi le dernier empire méditerranéen. Avec l’Empire austro-hongrois et l’Empire russe, il formait un ensemble dont la dislocation, à la fin de la Grande Guerre, a créé une zone de tensions dans l’est de l’Europe et au Proche-Orient, laquelle persistera tout au long du XXe siècle.
L'organisation militaire et administrative de l’Empire ottoman avait permis, du XVe au XVIIe siècle, son expansion fulgurante au Moyen-Orient, dans l’Est méditerranéen et, au-delà de l’Europe du Sud-Est, vers l’Europe centrale. Son retard croissant en matière technologique par rapport à l’Europe engendra un déclin qui s’accentua à partir du XVIIIe siècle. Le reflux se produisit d’abord face aux empires autrichien et russe jusqu’à ce que les territoires de l’Empire ottoman se trouvent pris en tenaille entre les impérialismes russe et britannique, dans le cadre de la « question d’Orient ».
Au XIXe siècle, tandis que les territoires asiatiques et africains de l’empire sont progressivement grignotés par les puissances coloniales (1830 : début de la conquête française de l’Algérie ; 1882 : protectorat britannique sur l’Égypte ; 1883 : protectorat français sur la Tunisie), les Balkans voient l’éclosion de nouveaux États-nations (Serbie 1815, 1830 et 1878 ; Grèce 1830 ; Bulgarie 1878 et 1908 ; Roumanie 1858-1860). En même temps, ces puissances coloniales prennent des options sur le reste des territoires en vue de l’effondrement de l’empire : la France au Liban (intervention de 1861) et en Syrie, le Royaume-Uni dans le Golfe (accord de 1899 avec le Koweït). Enfin, l’Allemagne, nouvelle venue sur la scène des grandes puissances à partir de 1871, entreprend une pénétration économique avec le projet de construction d’une ligne de chemin de fer reliant Istanbul à Bagdad.
À l’orée du XXe siècle, l’Empire ottoman est sous la férule du pouvoir absolutiste du sultan Abdulhamid II (1876-1909). Après la guerre désastreuse de 1877 avec la Russie, où les armées du tsar, parvenues jusqu’à la banlieue d’Istanbul, avaient imposé au sultan une Grande Bulgarie allant jusqu’à la mer Égée, le traité de Berlin (1878), conclu grâce à l’intervention des autres puissances européennes, opère une redistribution des territoires entre les États balkaniques, laissant à l’Empire ottoman la Thrace, la Macédoine et les territoires albanophones, tandis que l’Autriche-Hongrie occupe la Bosnie-Herzégovine. L’administration ottomane est chargée d’engager des réformes en Macédoine, posant déjà les jalons d’un futur partage de cette région convoitée par ses voisins. De même, en Anatolie, l’engagement ottoman en vue de réformes dans les provinces arméniennes représente l’amorce de la « question arménienne ». En Méditerranée, Chypre est cédée au Royaume-Uni et la Crète, devenue autonome, s’achemine vers l’union avec la Grèce.
En 1885, la Bulgarie annexe sans remous la province autonome de la Roumélie orientale, mais quand la Grèce veut faire de même en 1897 avec la Crète, une guerre gréco-turque donne la victoire à l’empire. En 1894-1895, des révoltes arméniennes sont écrasées dans le sang sans réaction notable des grandes puissances. En revanche, celles-ci s’inquiètent davantage de la situation prévalant en Macédoine, où Bulgares, Grecs et Serbes, par guérillas interposées, essaient de s’approprier les derniers territoires ottomans européens.
Les évé-nements s’accélèrent au fur et à mesure que se rapprochent le Royaume-Uni et la Russie dans la perspective de la Première Guerre mondiale. L’opposition au régime d’Abdulhamid II, composée essentiellement de jeunes officiers en poste en Macédoine, craignant que la rencontre entre le roi d’Angleterre et le tsar, le 11 juin 1908 à Reval (aujourd’hui Tallinn en Estonie), n’aboutisse au partage de l’Empire ottoman, se révolte en juillet. Cette révolution des Jeunes-Turcs établit un régime constitutionnel mais ne fait qu’accélérer la dislocation de l’empire. Profitant du changement de régime, l’Autriche-Hongrie annexe officiellement la Bosnie-Herzégovine, la Grèce fait de même avec la Crète, tandis que la Bulgarie, jusqu’alors principauté vassale, proclame son indépendance.
La crainte suscitée par l’alliance russo-britannique amène un rapprochement plus étroit du régime « jeune-turc » avec l’Allemagne. En réaction, les Alliés encouragent à leur tour les États balkaniques à s’approprier les territoires européens de l’Empire ottoman, afin d’empêcher la jonction des puissances centrales (Allemagne et Autriche-Hongrie) avec les Turcs. Le résultat en est la première guerre balkanique (1912-1913), qui ne laisse à l’empire que la Thrace orientale, laquelle fait toujours partie de la Turquie actuelle.
Juste avant (1911), l’Italie, réclamant sa part dans l’expansion coloniale en Méditerranée, a occupé la Cyrénaïque et la Tripolitaine (actuelle Libye), ainsi que les îles du Dodécanèse en mer Égée. En même temps, les sentiments nationaux dans le monde arabe se développent, encouragés par la France et le Royaume-Uni. Dans les provinces arméniennes, les Ottomans, contraints et forcés par la Russie et le Royaume-Uni, se résignent à accorder une relative autonomie.
La Première Guerre mondiale éclate dans ce contexte. Les Jeunes-Turcs jouent la carte du protectorat allemand contre la menace du partage en cas de victoire alliée. Sur les fronts, les Ottomans arrêtent la tentative alliée de forcer les Détroits le 18 mars 1915 et s’opposent avec succès au débarquement à Gallipoli. Ainsi échoue l’occupation alliée d’Istanbul, susceptible de mettre hors jeu les Turcs. Il aura fallu quatre ans aux armées britanniques, partant du canal de Suez et de Bassorah, occupée en novembre 1914, pour progresser à travers la Palestine et la Mésopotamie jusqu’à Alep et à Mossoul, villes respectivement occupées en octobre et en novembre 1918, date à laquelle l’Empire ottoman signe l’armistice. Les armées russes ont progressé à partir du Caucase vers le plateau anatolien, mais cette progression, à laquelle participent des détachements de volontaires arméniens d’Anatolie, a fourni aux Jeunes-Turcs le prétexte pour déporter et exterminer la population arménienne d’Anatolie. Ce génocide arménien est le premier du xxe siècle. Une bonne part de la population grecque habitant le littoral de la mer Égée et celui de la mer Noire est déportée vers l’intérieur. Le nationalisme turc, exacerbé après la défaite dans la guerre balkanique de 1912-1913 et profitant de la guerre, place la machine de l’État au service de la « turquification » de l’Anatolie afin d’en faire le territoire de l’État-nation turc. Il signe en même temps l’arrêt de mort d’un État multiethnique, l’Empire ottoman, lequel sera liquidé par le traité de Sèvres.
OTTOMAN (Empire). Ensemble des territoires sur lesquels s'exerçait l'autorité du sultan ottoman. Édifié au début du XIVe siècle sur les ruines de l'État seldjoukide d'Anatolie puis au XVe siècle sur celles de l'Empire byzantin, l'Empire ottoman domina l'Europe orientale jusqu'aux frontières austro-hongroises, le Proche-Orient et le nord de l'Afrique (sauf le Maroc). Atteignant son apogée sous le règne de Soliman le Magnifique (1520-1566), il peut être considéré comme le successeur des Empires romain, byzantin et arabe. Faute d'avoir pu ou voulu s'adapter aux exigences de l'évolution historique, l'Empire connut un lent déclin à partir du XVIIe siècle. Ses revers au XVIIIe siècle face à l'éveil des nationalismes balkanique et arabe, la volonté manifestée par quelques grandes puissances européennes au XIXe siècle de démembrer l'Empire pour se partager ses dépouilles (Question d'Orient) provoquèrent son agonie. Seul le territoire anatolien fut préservé grâce à Mustafa Kemal, la création de la Turquie en 1922 marquant la fin de l'Empire.
Liens utiles
- comment au XVIe siècle, période d’apogée de sa puissance, l’Empire ottoman parvient-il à maintenir son unité et son influence ?
- L'Empire Ottoman par Dominique ChevallierDocteur ès lettres Constantinople avait été prise en 1453.
- Constantinople est la capitale de l'empire byzantin (395-1453) et del'empire ottoman (1453-1923).
- Le traité de SèvresLe partage de l'Empire ottoman.
- ottoman, Empire