EMPIRE FRANÇAIS
EMPIRE FRANÇAIS
À proprement parler, il n’a jamais existé d’empire colonial français si l’on entend par « empire » une forme institutionnelle globale cohérente organisant les territoires faisant partie d’un même ensemble que la France. Le terme d’« empire », s’agissant des possessions d’outre-mer françaises, correspond seulement à un usage, d’ailleurs tardif.
La France aura possédé successivement deux domaines coloniaux. Le premier, formé à partir du xvie et surtout du xviie siècle, décline au xviiie siècle, du fait notamment de la perte, au profit de l’Angleterre, des possessions du Canada (la Nouvelle-France), consacrée par le traité de Paris (1763). La France ne conservera de ses premières possessions que Saint-Pierre et Miquelon en Amérique du Nord ; la Martinique, la Guadeloupe, une partie de l’île de Saint-Domingue (actuelle Haïti, qui deviendra indépendante en 1804), et quelques autres îles de la Caraïbe ; la Guyane française en Amérique du Sud ; les établissements de Saint-Louis-du-Sénégal et de Gorée en Afrique ; l’île Bourbon (actuelle Réunion) et l’île de France (actuelle Maurice) dans l’océan Indien ; enfin, les comptoirs de Pondichéry, Chandernagor, Karikal, Mahé et Yanaon en Inde.
D’un empire à l’autre.
Le second domaine colonial qui, par sa taille, sera le deuxième au monde après l’Empire britannique, commence à être constitué à partir de 1830, avec l’expédition d’Alger. La conquête de l’Algérie - qui sera très difficile, rencontrant de farouches résistances - ne s’inscrit cependant pas dans un plan politique ayant pour ambition de constituer un empire. Les motifs de l’expédition relèvent d’autres considérations, notamment d’ordre intérieur. Mayotte, dans l’océan Indien, est acquise en 1841. Dans le Pacifique sud, Wallis et Futuna est sous contrôle français en 1842 (protectorat en 1885-1886), Tahiti devient protectorat en 1842-1843, la Nouvelle-Calédonie est colonisée à partir de 1843 et devient officiellement française dix ans plus tard. Des expéditions militaires de reconnaissance sont entreprises en Afrique. L’Algérie devient colonie de peuplement européen et le territoire va être divisé en trois départements. Il est considéré comme partie de la France, à cette notable exception que les Algériens musulmans n’ont pas de représentants dans les institutions. Les colons européens font, pour leur part, lorsqu’ils ne viennent pas de France, l’objet d’une politique d’assimilation. Dans la seconde moitié du xixe siècle, la politique de conquête va être stimulée par l’essor du capitalisme financier et commercial. En Extrême-Orient est entreprise la conquête du Vietnam (1858-1884) et bientôt des territoires voisins. Les protectorats et colonies de Cochinchine, Annam, Tonkin, Cambodge et Laos sont réunis en 1888 dans l’Indochine française.
Le tournant de 1879-1880.
C’est en 1879-1880, venant après la défaite face à la Prusse (1871), qu’une véritable dynamique impérialiste française est engagée, répondant à une logique de puissance et à une stratégie internationale manifeste. La marine française est rénovée et renforcée. La conférence de Berlin (1884-1885) dessine le partage de l’Afrique entre puissances européennes. Un sous-secrétariat d’État aux Colonies est créé dans les années 1880, ainsi que diverses institutions devant administrer les relations des possessions d’outre-mer avec la métropole. C’est également à cette époque qu’émergent des « théorisations »/rationalisations de la colonisation en rapport avec les valeurs fondatrices de la République. Jusqu’alors la « mission civilisatrice » de la France, héritée de la révolution de 1789, n’était pas invoquée pour justifier la colonisation, mais ses agents n’en étaient pas moins convaincus d’incarner « la » civilisation puisqu’ils appartenaient à la nation française. La République a pour ainsi dire « nationalisé » les peuples de ses possessions en les maintenant politiquement dans un statut de subordination.
En Afrique du Nord, de part et d’autre de l’Algérie, un protectorat est établi en Tunisie en 1881-1883, au Maroc en 1912, tandis que le contrôle du Sahara s’étend dans les deux dernières décennies du xixe siècle. En Afrique centrale, les possessions françaises s’agrandissent au cours de cette même période, établissant peu à peu une continuité territoriale jouxtant l’Afrique du Nord française. L’AOF (Afrique occidentale française) et l’AEF (Afrique équatoriale française) seront respectivement instituées en 1895 et 1910. Les Comores deviennent protectorat français à partir de 1886, tandis qu’à Djibouti est créé un point d’appui stratégique en 1888. Madagascar finit par être annexée en 1896.
Des mandats en héritage.
La Première Guerre mondiale, qui voit la défaite de l’Allemagne et de l’Empire ottoman, redistribue leurs possessions sous couvert des mandats de la SDN (Société des Nations). La France hérite de la Syrie et du Liban au Proche-Orient, de la moitié du Togo et de la majeure partie du Cameroun en Afrique noire.
En 1931, le centenaire de l’« Algérie française » et l’exposition coloniale, malgré le développement des courants anticolonialistes dans l’empire et en France même, semblent marquer le triomphe d’une politique. L’empire colonial français apparaît cependant, au terme de sa constitution, comme un assemblage hétéroclite (statuts divers). Les circonstances de la conquête ou de l’acquisition expliquent cette variété bien plus qu’une prétendue politique ici d’« association », là d’« assimilation ».
Partout l’assimilation est l’exception, partout l’assujetissement est la règle. Le protectorat correspond rarement à un statut d’autonomie relative. Ayant donné en exemple au monde son modèle d’État-nation, la France s’est révélée incapable de mettre en œuvre une politique coloniale cohérente en mesure de préparer une émancipation véritable des peuples. Elle se paiera, lors de la décolonisation, de deux terribles guerres où elle sera vaincue, militairement dans la première (guerre d’Indochine [1945-1954]), et politiquement dans la seconde (guerre d’Algérie [1954-1962]).
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