ellipse
Dans la tradition, une ellipse correspond à une figure micro-structurale de construction. On l’identifie lorsqu’une suite syntaxique apparaît dépourvue des supports lexicaux communément attendus et grammaticalement impliqués, dans les éléments qui se trouvent en seconde position de construction parallèle, et ce en fonction d’une conception particulièrement exigeante de l’expression de la phrase. Ex. :
Tout l’équipage humain semble en démence; on met Un aveugle en vigie, un manchot à la barre; [...] Le mal peut être joie, et le poison parfum.
Ces vers de Hugo (Les Contemplations) illustrent deux cas de la figure, dans les suites des deux parallélismes de on... barre et Le... parfum : l’explicitation du développement grammatical, poussée au maximum d’une certaine manie, produirait, dans le premier cas, la reprise de on met, et dans le second, celle de peut être. Si l’on élargit le point de vue, on reconnaîtra que l’ellipse est une figure plus considérable qu’elle ne le paraît. Indépendamment du sens que le terme a pris en narratologie moderne (non-apparition d’une séquence narrative attendue dans un programme parfaitement codé, culturellement déterminé, comme tel épisode traditionnel dans un roman d’aventures, ou récit non fait d’une péripétie pourtant impliquée dans la suite de la narration), l’ellipse se remarque à deux autres titres au moins dans l’histoire de la rhétorique. D’une part, elle constitue un des traits essentiels de certains styles de la brièveté, par exemple chez Tacite ; d’autre part, elle fait une entrée en force dans les traités de rhétorique classiques de l’époque moderne, si l’on peut ainsi s’exprimer, avec les livres de Bernard Lamy (fin xviie - début xviiie siècle) : elle devient alors un des éléments du style de la passion, rôle qu’elle assumera longtemps. Ce dernier rôle est évidemment inséparable d’une conception rationnelle d’une grammaire de la langue, liée à une conception, au moins implicite, des rapports du langage et du monde, selon quoi il existe un développement adéquat et normal de la phrase, correspondant à une relation non moins adéquate et normale du discours à un objet.
=> Figure, microstructurale, construction; style, brièveté; passions.