DUTOURD Jean
DUTOURD Jean
Romancier et essayiste, né à Paris. Passe pour un comique (et il en est fort aise) ; de plus, pour un esprit « rétrograde ». Bien que bourgeois (de corps et d’âme), il est résolument populacier (de langage). Jean Dutourd, en fait, est semblable sur ce chapitre à son héros de Gaulle qui, nous dit-il dans L’École des jocrisses (1970), aime la France et déteste les Français. Il a l’amère nostalgie des temps nobles et superbes, ainsi que nous le révèle son tout premier livre, Le Complexe de César, un essai (1945); et aussi Les Taxis de la Marne (1956). Alors il « rigole » - le mot s’accorde très bien avec l’image de lui qu’il a choisi de nous montrer ; et c’est, par exemple, Les Horreurs de l’amour (1963) ou encore Ça bouge dans le prêt-à-porter (1989). Sans parler du fameux Au Bon Beurre (1952), chef-d’œuvre de jeunesse où est « chanté » - et secrètement honni, vomi, dénoncé - le « système débrouille » du Français tout-venant, lors de l’Occupation allemande. (Mais la fille un peu snob du « Beurre-Œufs-Fromages » qui donne au roman son titre proclame sa passion pour un musicien de Louis XIV, François Couperin ; et ce, sans attendre la mode actuelle du baroque.) Dutourd a consacré un livre, pour l’essentiel, à Stendhal, où éclate la finesse de l’auteur; et l’admiration, la foncière tendresse de ce prétendu réactionnaire pour le « hussard de la liberté » : L’Ame sensible, 1959. Un mot encore sur L’École des jocrisses, déjà cité ci-dessus : « brochure », dit le sous-titre, au sens classique de libelle (mais ladite brochure a 220 pages). C’est une féroce satire de nos contemporains, de leur vanité, de leur prétendu enthousiasme pour les idées politiques « avancées » et de notre infini besoin de penser « gravement ». Ainsi, dans le « vocabulaire chic » (hommage explicite à Flaubert) qui termine le livre : au mot « authentique » : Vieux, mais toujours distingué : Jules est très authentique. Synonyme de niais. Ou encore ceci, à « mauvaise conscience » : Il est indispensable d’avoir mauvaise conscience: c’est le seul moyen d’être en paix avec soi-même.