DUMAS FILS Alexandre
DUMAS FILS Alexandre
1824-1895
Auteur dramatique, né à Paris. Enfant naturel de Dumas père. Il passe son enfance en pension. Puis, ivre d’indépendance, à sa majorité, il se livre aux plaisirs avec tant de zèle que, pour payer ses dettes, il doit prendre la décision (sans enthousiasme) d’écrire. Comme son père. La Dame aux camélias (1848), roman, lui apporte le succès ; il continue donc dans cette voie. Mais ses autres œuvres romanesques ne rencontrent plus qu’un accueil poli, lorsqu’il s’avise de porter à la scène cette même Dame aux camélias (1852) : c’est un des plus grands triomphes du siècle. Dès lors, mises à part quelques brochures édifiantes en fin de carrière, il n’écrira plus que pour la scène. Peu à peu, dans le Demi-Monde (1855) et La Question d’argent (1857), il délaisse la comédie dite de mœurs et tente de se hisser jusqu’au théâtre d’idées : Agiter non pas des grelots, mais des questions, telle est sa fière devise. Et encore : Toute littérature qui n’a pas en vue la perfectibilité, la moralisation [...] est une littérature rachitique et malsaine. L’art pour l’art? trois mots absolument vides de sens. Le théâtre doit être utile ; il doit défendre, par exemple, l’intégrité de la famille: Le Fils naturel (1858), Le Père prodigue (1859). Titres à la Diderot - et à la Greuze ; et, en effet, il semble bien que Dumas fils réalise enfin (avec un bonheur constant, cette fois, sur le plan scénique) les intentions de ce philosophe, égaré à deux reprises au théâtre, qui fut l’inventeur du drame bourgeois ; la formule de Diderot n’était donc pas si mauvaise, puisque le succès désormais la couronne ? Pas mauvaise, mais son triomphe survient trop tard : le tiers état du XVIIIe siècle s’élançait pour conquérir son droit à la citoyenneté, il était classe montante, et c’est ici une classe arrivée. Le « drame » de ces bourgeois-là ne nous semble plus très héroïque, ni pathétique. Dans Le Demi-Monde, par exemple, Suzanne veut se laver de son passé un peu discutable - qui donne son titre à la pièce - et quitte tout ensemble son protecteur âgé et son amant de cœur. La voici libre. La voici digne, à présent, d’épouser le jeune Raymond de Nanjac, riche donc honorable ; lorsque soudain l’ex-amant, dans l’intérêt même du jeune homme, décide de rendre impossible ce mariage, et à cet effet révèle à tous le coupable passé de Suzanne. Il faut bien concéder d’ailleurs à Dumas fils que jamais il ne cherche à plaire à ces gens que l’on dit « à ménager » : à l’encontre du rival glorieux qu’on lui oppose, Émile Augier - ce pitoyable auxiliaire du pouvoir-, il s’éloignera sciemment de son public. À la limite, il lui tournera le dos. On peut regretter même qu’à se guinder si longtemps dans une pose de justicier, traitant de haut son siècle, il ait fait perdre en définitive à son art, fait de libres mais trop faciles saillies, les seuls attraits que chacun s’accorde à lui reconnaître. La reprise à la Comédie-Française d’Une visite de noces, bref lever de rideau, écrit à la diable en 1871, a révélé un Dumas fils très inattendu : spectateur amusé des comportements rituels de la vie quotidienne et, pour reprendre - à rebours - sa devise citée plus haut, content d’agiter des grelots et non pas des questions. Ce Dumas-là n’a pas une ride.