DUMAS (ALEXANDRE)
DUMAS (ALEXANDRE)
1823-1824 : Alexandre Dumas, fils d'un général de la Révolution, est expéditionnaire chez le duc d'Orléans, après avoir été clerc de notaire. Il s'échine, le soir, à écrire des drames shakespeariens le romantisme est à la mode. Il vit dans une chambre de bonne dans un immeuble proche de la Comédie-Française. Sa voisine dé palier est une lingère, Catherine Labay, de dix ans son aînée. Il a 21 ans ; il en fait sa maîtresse. Le 27 juillet 1824 naît un garçon de « père inconnu » qui reçoit néanmoins le prénom d'un père qui ne le reconnaîtra qu'en 1831. Logée à Passy, Catherine Labay élève l'enfant dans le culte de son père, devenu aussi célèbre que Victor Hugo. Le jeune Alexandre n'a pas une enfance heureuse : son père, après l'avoir reconnu, l'éloigne de sa mère et le met en pension, où il est traité de « bâtard » par ses condisciples et doit, lorsqu'il est en vacances, supporter les caprices des nombreuses maîtresses de son père. Mais ce même père l'emmène partout avec lui et lui fait connaître le monde des théâtres et des cafés littéraires. Pas encore adulte, mais déjà dandy, le jeune Alexandre fréquente les salons à la mode, entreprend son éducation sentimentale avec une certaine réussite et fait fréquemment la morale à son père, d'où des heurts entre eux qui se prolongeront même à l'âge mûr. Dumas fils rencontre ainsi une jeune femme élégante, vêtue de blanc : Marie Duplessis, celle qu'il immortalisera sous les traits de Marguerite Gautier, la Dame aux camélias. Comme lui, elle a 20 ans, et déjà une solide réputation de courtisane ; il devient son amant de cœur, jusqu'à leur rupture, au cours de l'été 1845. « Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez. » Cette lettre de rupture, il l'offrira quarante ans plus tard à Sarah Berhnard, qui a incarné Marguerite Gautier au théâtre. Marie Duplessis, après avoir été, entre autres, la maîtresse de Franz Liszt, meurt en février 1847 de tuberculose. Ému par cette mort, Alexandre Dumas fils, qui a déjà commis une plaquette de poèmes, Péchés de jeunesse (éditée aux frais du père), et un roman, Histoire de quatre femmes et d'un perroquet, s'enferme dans une auberge pour écrire son histoire, leur histoire. La Dame aux camélias obtient un succès immédiat. À un journaliste qui demande à Dumas père s'il a contribué à l'élaboration de ce roman (on ne prête qu'aux riches) l'interpellé répond, avec superbe « Parbleu ! J'ai fait l'auteur ! » Dumas fils poursuit sur sa lancée. Bien que partisan de l'Ancien Régime — par opposition à son père autant que par conviction —, il écrit des romans où il règle ses comptes avec une société qui l'a humilié. La Dame aux camélias doit être jouée au théâtre du Vaudeville, en 1851. Mais la représentation est suspendue pour immoralisme. Le duc de Morny, devenu ministre de l'intérieur après le coup d'État du 2 décembre 1851, lève l'interdiction. La première de «la pièce a lieu le 2 février 1852. Dumas père ne peut applaudir à son succès : il a accompagné Victor Hugo dans son exil à Bruxelles. Le triomphe de cette « comédie de mœurs » décide Dumas fils à poursuivre une carrière théâtrale. Il a le sens des répliques et des mots d'auteur. Dans ses écrits, il dénonce l'adultère mais s'éprend régulièrement de femmes mariées, confiant ses peines de cœur à George Sand, l'amie de papa, qu'il appelle « maman ». En 1864, après un voyage en Italie avec son père (au cours d'une dépression nerveuse, il menace de l'étrangler), il épouse la princesse Naryschkine, dont il a eu une fille quatre ans plus tôt. Le mariage est orageux. Et son renom commence à éclipser celui de son père, qui confie a ses amis, parce qu'ils ne se rencontrent plus guère : « Je ne le vois plus qu'aux enterrements. Peut-être maintenant ne le verrai-je plus qu'au mien ! » Prémonition ? C'est dans l'une des villas du fils, près de Dieppe, qu'Alexandre Dumas père va s'éteindre, le 5 décembre 1870. Officier de la Légion d'honneur en 1867 (commandeur en 1888), Alexandre Dumas fils est reçu à l'Académie française en 1871. En entrant sous la Coupole, où Victor Hugo, rentré d'exil, est venu l'applaudir, il venge son père à qui cet honneur a été refusé parce que jugé trop léger, trop brouillon. Il cesse d'écrire, vivant du succès théâtral de La Dame aux camélias, sans cesse rejouée, s'occupe de ses enfants et mène campagne pour le rétablissement du divorce. En 1889, devenu veuf, il épouse Henriette Régnier, son dernier amour, de quarante ans sa cadette, et meurt six mois plus tard à Marly-le-Roi, le 27 novembre. La plupart de ses écrits, notamment ses romans-réquisitoires contre la femme, sont aujourd'hui oubliés. C'est son œuvre de jeunesse, La Dame aux camélias (qui a inspiré l'opéra La Traviata à Verdi), qui lui a survécu parce qu'elle annonçait, par sa franchise, son réalisme et sa froideur clinique dans la description d'une passion, le grand style «journalistique » du XXe siècle, débarrassé du pathos imposé par les romantiques de la génération de son père. Il a aussi inauguré le genre des « pièces à thèses » dont le réalisme frappa le public : Le Demi-Monde (1855), La Question d’argent (1857), La Femme de Claude (1873), Francillon (1887). Il se fit aussi le champion des cas sociaux provoqués par le divorce ou l'adultère: Le Fils naturel (1859).