Du mythe à la philosophie : MIDAS (Source: Ovide)
Du mythe à la philosophie : MIDAS (Source: Ovide).
Personnages principaux du mythe = Midas, Silène, Dionysos.
Midas = roi de Phrygie (région occidentale de l’actuelle Turquie). Ascendance obscure. Il habite un palais somptueux. Bien que riche, il est cupide, avide et stupide.
À qq encablures (kilomètres) du palais de Midas, passe le cortège de Dionysos, peuplé d’ivrognes, des infernales Bacchantes (ou Ménades en grec) et de Satyres (mi-hommes mi-boucs, serviteurs de Dionysos) dont Silène (fils de Pan et père nourricier, tuteur de Dionysos lui-même). Silène est très laid, gros, nez épaté. Socrate sera comparé à Silène. Certes laid mais sage.
Dionysos, dieu orgiaque = fils de Zeus, né de sa cuisse et de Sémélée (une mortelle). De nature double (divin / humain, olympien / chaotique, cosmique / titanesque).
Silène, totalement ivre, titube sur son âne et finit par tomber dans un coma éthylique ! Dans la mythologie, Silène est connu pour son penchant pour le vin qui le mène à déambuler, ivre, parmi les hommes. Midas le trouve endormi, le recueille dans son palais et organise en son honneur une fête de 10 jours et 10 nuits. Midas, après l’orgie, propose de ramener Silène dans le « thiase » de son protégé Dionysos. Midas, fourbe et vénal, espère obtenir une récompense pour avoir secouru un dieu. Pour combler ce roi hospitalier, Dionysos, heureux de retrouver vivant son protecteur, propose à Midas de réaliser son voeu le plus cher, son rêve de bonheur. Midas demande à Dionysos ce que l’on appelle le “toucher d’or”.
Ovide, « Métamorphoses », XI = « ... Bacchus [Dionysos pour les romains] permet à Midas, faveur agréable mais pernicieuse, de choisir une récompense à son goût, tant il est heureux d'avoir retrouvé celui qui l'éleva. Midas devait abuser du cadeau: "Fais, dit-il, que tout ce que mon corps aura touché se convertisse en or aux fauves reflets." »
Cupide et avide, Midas veut que tout ce qu’il touche se transforme en or. Ainsi, pense-t-il, il pourra être totalement heureux. Le plus riche donc le plus heureux des hommes, se dit-il. Dionysos le prend au mot. Une promesse est une promesse. Midas, fou de joie, touche un caillou qui devient une pépite d’or, il caresse un petit oiseau qui se transforme en une statuette d’or. Il demande à ses serviteurs de lui préparer un festin mais dès qu’il touche un aliment, il se transforme en or et il manque de s’y casser les dents. Idem pour la boisson : le vin qu’il veut boire devient de la poudre d’or ! Midas est désespéré, croyant faire son bonheur avec ce toucher d’or, sa vie est devenue un cauchemar. Il n’ose plus enlacer sa femme ou ses filles. Ses serviteurs fuient le palais de peur d’être changés en statue !
Ovide, « Métamorphoses », XI = « A la fois riche et misérable, Midas ne demande plus qu'à fuir tant d'opulence et ce qu'il avait souhaité naguère lui fait horreur. Au milieu de l'abondance, il n'a pas de quoi apaiser sa faim; la soif dessèche et brûle son gosier; il maudit cet or qui lui vaut des tourments trop mérités; levant vers le ciel ses mains et ses bras resplendissants: "pardonne, s'écrie-t-il, dieu des pressoirs, ô notre père; c'est ma faute; mais prends pitié de moi, je t'en supplie; arrache-moi à ce brillant fléau." »
Poussé à la folie par cette magie sage et cruelle, Midas implore Dionysos, qui grand seigneur et bon prince, accepte de lui retirer le don alchimique de tout transformer en or. Pour cela, il devra se baigner, laver ses fautes (son « hybris ») dans un fleuve: le Pactole. Midas s’y plonge et les eaux du fleuve prennent la couleur de l’or. Les eaux emportent avec elles le sortilège. Depuis, la rivière charrie des paillettes d’or. Le Pactole fera la joie des orpailleurs de la région, d'où l’expression : “toucher le Pactole” !
Interprétations =
• Dénonciation de l’avarice et de la cupidité de Midas. Le mythe évoque le thème de l’obsession qui conduit à la folie et l’ « hybris » (≠ « Diké », la justice). « Complexe de Midas » = mercantilisme, culte de l’argent, spéculations boursières, etc. Midas « voit tout en or » dit Ovide.
• Exaucer les plus chers de ses voeux conduit au malheur. Voir réaliser son désir de bonheur conduit à la catastrophe. Midas, en demandant le don du toucher d’or, croyait devenir le plus riche de tous les hommes. En fait, cet idéal de richesse, devenu réalité, vire au drame, à la tragi-comédie. La fin du mythe raconte que Midas, puni par Apollon (Dieu de la musique), finira avec des oreilles d’âne ! Oscar Wilde: “Il n'y a que deux tragédies dans la vie : l'une est de ne pas avoir ce que l'on désire ; l'autre est de l'obtenir.” À l'inverse de Midas qui a le pouvoir d'assouvir pleinement son désir, Tantale lui n'est jamais en mesure d'assouvir le sien.
• Le bonheur ne serait-il pas comme le dit Kant un « idéal de l’imagination »? On imagine volontiers ce qui pourrait nous rendre heureux: la santé, la longévité, la richesse (on l’a vu), la gloire, la beauté, voire même l’intelligence. Mais, voir ces désirs réalisés ne nous garantit pas d’être heureux. Pour Kant, il est impossible de savoir, avec certitude, ce qui nous rendrait heureux.
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