DU BARTAS
DU BARTAS
[Guillaume de Salluste du Bartas] 1544-1590
Poète, né à Montfort, près d’Auch. Compagnon du futur Henri IV et blessé mortellement à ses côtés durant la bataille d’Ivry, cet homme de guerre est aussi un diplomate ; cet austère huguenot est aussi un lettré, affligé d’une curiosité universelle. De plus, il hante le salon de Claude-Catherine de Clermont-Dampierre, surnommée Diane (ou encore Dictynne). Pourtant, et en cela il est un représentant typique de la Renaissance à l’époque où elle se met à douter d’elle-même (époque dite préclassique, ou encore : baroque), il ne se satisfait pas de son siècle. Pour sa part, il le juge trop raisonnable. Il prend vigoureusement à partie les mièvreries de Ronsard et des ronsardisants. Il réclame pour le poète des thèmes plus puissants, plus vastes ; et il prêche d’exemple, en 1578, quarante ans avant son coreligionnaire Agrippa d’Aubigné, dans un poème épique sur les sept jours de la création, La Semaine (ou mieux La Sepmaine : l’orthographe de l’époque, plus proche du sens étymologique, évoque en outre la division en sept chants choisie par le poète). Énorme tableau grouillant de détails, parfois harassant, mais qu’anime soudain de place en place une allégresse verbale, un souffle véritablement tonique, cette épopée apparaît bien comme le pendant, et, tout à la fois, l’antithèse des Tragiques d’Agrippa d’Aubigné. Ébloui devant le plus humble « ciron », ivre de joie, Du Bartas entraîne ses lecteurs en des relais incessants de l’infime à l’infini, avec une fougue, un enthousiasme cosmique sans exemple dans notre littérature, tout au moins jusqu’à Hugo et Claudel. « Il y étale tour à tour les miracles de la nature [...] à mesure qu’ils sortent des mains du créateur», écrit Goethe, qui ajoute : « Nous sommes frappés par la grandeur et la variété des images que ses vers font passer sous nos yeux » ; jugement naguère encore incompréhensible, et confirmé par la critique moderne. Albert-Marie Schmidt, en particulier, sans cacher les défauts - longueurs et prosaïsmes - de cet auteur qu’il aime, n’hésite pas à écrire : « Son œuvre, aujourd’hui méconnue, devrait être considérée comme une introduction obligatoire à l’étude des textes baroques français. »