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DRIEU LA ROCHELLE Pierre

DRIEU LA ROCHELLE Pierre


1893-1945
Romancier, né à Paris. Doué d’une personnalité très caractérisée - un nerveux qui serait un peu fluide parfois -, nature très attachante au total, Drieu perdit la plus grande partie de sa brève existence à douter qu’il ait eu jamais une nature véritable, ni une réelle personnalité. Aussi ce sceptique se crut-il d’abord poète. Puis, pour avoir été héroïque au combat, il se découvrit une vocation de moraliste (dans l’essai Mesure de la France, 1922). Pour finir, il devait trouver dans le roman un ton bien à lui : nonchalant et rageur tour à tour, ou tout à la fois (L’Homme couvert de femmes, 1925 ; Une femme à sa fenêtre, 1927 ; Le Feu follet, 1928 ; Rêveuse bourgeoisie, 1937)... « Feu follet », Drieu ? falot, bien davantage. Et c’est lui-même, sans aucun doute, qu’il nous montre dans Gilles (1939), le plus curieux de ses romans. Gilles est chimérique, batailleur, et, au fond, désarmé ; ancien socialiste rebuté, il se persuade, par dépit, d’aller combattre en Espagne du côté des fascistes. C’est Drieu, le plus hésitant de tous les hommes, qui va se proposer de « guider » les Français dans ses bouillants pamphlets de l’immédiat avant-guerre. Mieux encore : au temps de l’occupation étrangère, il sera tout ensemble adepte de la plus veule des politiques de « collaboration » et chantre de l’homme « fort », cet homme exemplaire, qui, dit-il (en 1943, dans L’Homme à cheval), n’existe que dans le combat. L’abstention littéraire apparente de la plupart de ses confrères (alors regroupés, aux côtés de Jean Paulhan, dans Les Lettres françaises clandestines) devait permettre à ce Gilles à cheval de tenir les rênes du pouvoir à la NRF Puis, alors que tant d’écrivains « collaborateurs » oubliaient bien vite leur faux pas dès la fin de la guerre, Drieu, que l’on croyait le plus léger d’entre eux, mesura sa responsabilité ; mais une fois de plus il mesura trop grand, et se donna la mort. Le bouleversant Récit secret révélera (en 1962) la fondamentale inaptitude à vivre, tout au moins à vivre en harmonie avec soi-même, de cet homme, traumatisé par la guerre de 1914 et suicidé en sursis depuis l’adolescence. Comme le pitoyable héros de Gilles, à la fin du roman, Drieu n’est pas mort « pour fait de guerre » ; il s’est servi au passage d’un événement historique, l’échec de l’hitlérisme, l’estimant particulièrement indiqué pour en finir avec un personnage dont il ne savait plus quoi faire. Dont il n’avait jamais, vraiment, su quoi faire.