Dom Juan ou le Festin de pierre de MOLIÈRE
Dom Juan ou le Festin de pierre de MOLIÈRE, 1665, Classiques Hachette
• Comédie en cinq actes et en prose. À la suite de l’interdiction du Tartuffe, Molière dut écrire rapidement une nouvelle grande comédie. Il choisit un thème à la mode vers 1660, celui de Don Juan. Ce personnage venait du théâtre de l’Espagnol Tirso de Molina (1571-1648) qui, dans Le Trompeur de Séville et l’invité de pierre (1630), s’est probablement inspiré d’un grand seigneur de la cour de Philippe IV, Don Juan de Tarsis, séducteur célèbre pour son ostentation et son cynisme, assassiné peut-être pour avoir voulu séduire la reine et la maîtresse du roi. En France, seule la pièce de Molière a survécu, et ses modèles immédiats sont perdus ou oubliés.
• Molière a situé l’action en Sicile. Dom Juan, grand seigneur méchant homme, épouseur à toutes mains, selon les termes de son valet Sganarelle, vient d’abandonner Done Elvire, sa femme, et songe à un nouvel enlèvement au cours d’une promenade en mer (acte I). Sauvé d’un naufrage, il entreprend de séduire deux paysannes, Charlotte et Mathurine. Ce deuxième acte bouffon exploite le comique du patois paysan. Mais comme des hommes armés le cherchent, Dom Juan fuit sous un déguisement. Au grand scandale de Sganarelle, il déclare qu’il ne croit pas au Ciel. Il démontre ironiquement à un pauvre mendiant l’inutilité de sa foi, et l’invite à jurer le nom de Dieu pour un louis que, pour finir, il lui donne pour l’amour de l'humanité. Ce héros de défi, qui parait ne croire à rien, sauve cependant un frère d’Elvire poursuivi par des voleurs. Puis, trouvant sur son chemin le tombeau d’un Commandeur d’un ordre de chevalerie qu'il a naguère tué, il l’invite à dîner par dérision : sa statue accepte (acte III). Au quatrième acte, Dom Juan reçoit des visites. La première est celle de Monsieur Dimanche, son créancier : il parvient à l'éconduire adroitement. La deuxième est celle de son père qui parle d’honneur : il le raille. La troisième est celle d’Elvire qui, avant de se retirer au couvent, le conjure de penser à son salut : il voudrait la retenir. La quatrième est celle de la statue du Commandeur qui vient l'inviter à son tour : il acquiesce par défi. Au cinquième acte, Dom Juan change de jeu : tout à coup, en vertu d’une nouvelle méthode hypocrite dont il explique les avantages à Sganarelle, il affecte de s’être converti et tente ainsi de se dérober à ses obligations. Il reçoit son châtiment dans un dénouement allégorique : quand il se rend à l’invitation du Commandeur, la statue de sa victime l'entraîne aux Enfers.
• Dom Juan est un libertin dans l’exacte acception du terme au xvne siècle, puisqu’au libertinage de moeurs il ajoute le libertinage de pensée, c’est-à-dire l’athéisme. Le second était alors considéré comme plus coupable que le premier. Aussi la cabale des Dévots a-t-elle obtenu le retrait de la pièce, bien que Dom Juan y soit châtié. Très engagé dans l’actualité du xviie siècle par sa dénonciation de l’hypocrisie religieuse, ce vice à la mode dont il choisit de masquer sa conduite (V, 2), Dom Juan continue de poser aujourd’hui le problème du défi à la société et de ses limites. Il compte parmi les personnages littéraires qui offrent les plus riches incitations à la réflexion.