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DOLLAR

Les accords de Bretton Woods (1944) font du dollar la monnaie de référence quasi officielle ; convertible en or à taux fixe, le billet vert est la monnaie pivot du nouveau Système monétaire international (SMI), celle que tous les pays prennent comme référence : les taux de change - fixes, comme l’imposent les accords - sont tous déterminés à partir du dollar, si bien que, sous l’apparence d’un étalon de « change-or », c’est en réalité un « étalon-dollar » qui prévaut. Le règne de la monnaie américaine est sans partage. Les faibles réserves d’or du Royaume-Uni ne lui permettent pas de crédibiliser son ambition d’obtenir le statut de monnaie de réserve pour la livre sterling, si bien que, pour inspirer confiance aux détenteurs de livres et obtenir qu’ils placent leurs avoirs extérieurs dans des banques britanniques plutôt que de les convertir en dollars, Londres est contraint de jouer des taux d’intérêt. Si la livre demeure une monnaie internationale dans l’après-guerre, c’est au prix d’une sur-rémunération financière, qui étouffe la croissance britannique. Il n’est en revanche pas nécessaire pour les États-Unis de sur-rémunérer les capitaux qui se placent dans des banques américaines, puisque la soif de dollars est telle que les pays choisissent le dollar comme monnaie de réserve. Les économies européennes ne découvriront que peu à peu les effets pervers de ce rôle prééminent du dollar : les États-Unis n’ont pas à se soucier de leur taux de change. En effet, chaque pays membre du FMI (Fonds monétaire international, créé à la suite des accords de Bretton Woods) est contraint de veiller à ce que le taux de change de sa monnaie contre le dollar demeure à l’intérieur de la « fourchette » fixée officiellement. Les États-Unis n’ont donc pas cette charge : si leur propre monnaie monte - ou baisse - vis-à-vis d’une autre, c’est au pays émetteur de cette autre monnaie d’intervenir. Une carte politique pour les États-Unis. Certes, en contrepartie de ce rôle asymétrique - obligation d’un côté, liberté de l’autre -, les États-Unis doivent satisfaire les éventuelles demandes de conversion des dollars « officiels » (ceux détenus par des banques centrales) en or, sur la base d’une once d’or fin pour 35 dollars. Mais il ne s’agit là que de théorie : dans un premier temps, la soif de dollars est trop grande pour qu’un pays se paie le luxe de convertir ses avoirs en dollars - qui sont du pouvoir d’achat qui rapporte lorsqu’il est placé - en un poids d’or, stérile et sans débouchés commerciaux (puisque l’or ne joue plus nulle part le rôle de monnaie intérieure). Lorsque cette soif de dollars commence à s’étancher et que, en Allemagne vers la fin des années 1950, apparaissent les premiers excédents extérieurs, les États-Unis savent habilement jouer de la carte politique pour faire pression sur les pays concernés afin qu’ils s’abstiennent d’effectuer des conversions « inamicales » : que refuser à un pays qui, en pleine Guerre froide, détient le parapluie atomique ? Il reste que cette asymétrie est lourde de conséquences : tandis qu’un pays « ordinaire » est contraint de gagner - ou d’emprunter - les dollars dont il a besoin pour pouvoir importer ou payer les investissements de ses firmes ou de ses particuliers à l’étranger, les États-Unis ignorent cette « contrainte extérieure ». Le monde entier est leur domaine, puisque la même monnaie circule dans le pays et dans le reste du monde. C’est ainsi que l’après-guerre mondiale voit l’essor des grandes firmes américaines, qui se « multinationalisent ». Pour Coca-Cola, Esso ou Ford, s’installer à l’étranger est une façon de tourner les barrières douanières et les contrôles des changes qui fracturent l’espace économique mondial. C’est aussi une façon de prendre le train de la croissance européenne en marche. Denis CLERC Les problèmes financiers des États-Unis, à la fin des années 1960, conduiront le président Richard Nixon à « suspendre » la convertibilité du dollar en or (15 août 1971). Ce sera la fin du SMI de Bretton Woods et la fin des parités fixes entre monnaies. Cela incite les États membres de la CEE à limiter les marges de fluctuation des monnaies européennes entre elles ainsi que par rapport au dollar. La concertation monétaire européenne se renforcera par étapes (création du « serpent » monétaire européen [1972], puis du Système monétaire européen [SME] en 1979) jusqu’à la création d’une monnaie unique, l’euro, et d’une Zone euro, entrées en vigueur le 1er janvier 1999.

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