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digression

La digression est l’une des parties du discours. La discussion rhétorique porte classiquement sur l’opportunité et sur la place éventuelle de la digression, par rapport aux autres parties ; c’est donc aussi un problème de disposition. La digression, une fois acceptée, est souvent placée après la narration, mais elle peut également se trouver avant, lorsqu’il est préférable de préparer les esprits à un exposé particulièrement délicat. On retrouve ainsi la question de l’opportunité de la digression : d’un point de vue radical, il ne devrait jamais y en avoir, car on ne voit pas quel intérêt on pourrait trouver à ne pas tout faire tendre au but de la cause ; ou alors, c’est une querelle de mots : toute manœuvre visant à prendre l’affaire par des détours s’appellerait injustement digression, alors qu’elle serait totalement orientée vers le but essentiel. Cependant, concrètement, la digression peut consister en un développement d’un lieu qui ne fait que de loin référence à l’objet en cause, en une adresse aux juges ou aux témoins ou à l’adversaire, en l’éloge ou le blâme d’un personnage tiers, en la description d’un pays... La digression produit toujours un effet, en principe, sur les sentiments des auditeurs. Quintilien résume assez bien la question en disant que la digression est une partie ajoutée contre l’ordre naturel du discours, qui traite un point étranger, mais néanmoins utile à la cause. Dans l’art littéraire, la digression se repère comme tout traitement narratif extérieur à celui de l’histoire ou de l’intrigue centrales. Cela pose un autre type de problème : s’il est facile, pour des raisons de massification isolée et compartimentée en un seule fois, de voir une digression dans le début de La Princesse de Clèves, par exemple, avec le récit concernant les galanteries de la génération précédente par rapport à celle des héros du roman, il est bien plus délicat de qualifier des digressions par opposition à des récits majeurs dans les organisations narratives constituées de stratifications énonciatives imbriquées les unes dans les autres. Il n’empêche que, dans les cas nets comme dans l’ambiguïté des possibles relatifs, la digression peut être alors analysée comme une figure macrostructurale de second niveau, c’est-à-dire comme un lieu du discours littéraire. On arrive ainsi non seulement à une des limites entre le rhétorique et le littéraire, historiquement, mais surtout aussi à une articulation esthétique centrale dans la conception même du discours littéraire.
=> Éloquence, partie; disposition, narration; cause; lieu; figure, macrostructurale, niveau.
 
digression
Discours écrit ou oral, qui s’écarte de son sujet pour y revenir ensuite.
Commentaire
Une digression est une échappée, une, sorte de vaste parenthèse qui permet bien souvent d’enrichir un sujet par un détour plein d’enseignement. Un exemple largement développé ou une anecdote destinée à illustrer un propos, un récit dans un récit sont des digressions qui traitent le sujet principal, de manière indirecte, alors même qu’ils semblent s’en écarter. Cependant, le danger d’une digression est de n’avoir aucun rapport avec le sujet principal, de ne mener nulle part, d’être un simple ornement.
Digression Propos qui s’écarte de la ligne générale d’un développement. La digression est généralement courte, mais elle prend parfois de l’ampleur comme, par exemple, dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Attention, évitez la faute fréquente consistant à écrire ou à dire « disgression » (avec un s parasite). DIGRESSION nom fém. - Tout développement par lequel on s’éloigne pour un instant du sujet que l’on s’était choisi. ETYM. : du latin digressio se rattachant à digredi = « s’éloigner ». Par nature, la digression perturbe la narration ou l’exposé. Elle engage le récit ou le discours dans une voie différente qu’il lui faudra tôt ou tard abandonner pour revenir au sujet central. L’économie du texte ou du discours exige donc qu’elle soit courte et que son utilisation soit bien maîtrisée. Elle peut cependant devenir l’un des instruments principaux de la narration lorsque le procédé devient répétitif et que son utilisation même sert à relancer, de manière ludique, l’intrigue dans des directions toujours différentes. Il en est ainsi dans Tris-tram Shandy de Laurence Sterne et dans Jacques le fataliste de Diderot.

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