DIALECTIQUE
Du grec dialektikè, « qui concerne la discussion ».
- Art de la discussion par voie de questions et réponses (ou art du dialogue). - Chez Platon, moyen par lequel l’âme s’élève graduellement des apparences sensibles et mouvantes aux Idées étemelles. - Dans le système de Hegel (mais aussi dans celui de Marx et Engels), mouvement même de la pensée et du réel, lesquels progressent par contradictions surmontées.
• La dialectique est considérée par Platon comme la « clef de voûte des sciences », qui seule permet d'accéder au Vrai et au Bien en soi. • La dialectique hégélienne est un mouvement à trois temps : à la thèse (qui affirme) et à l'antithèse (qui nie ce qui était affirmé), succède la synthèse, dans laquelle les deux moments précédents sont à la fois « conservés » et « dépassés ». • Le matérialisme de Marx et Engels est dit dialectique parce qu’il affirme que l’histoire ne progresse, elle aussi, que par le dépassement des contradictions matérielles et sociales auxquelles les hommes sont confrontés.
DIALECTIQUE, n.f. et adj. (gr. dialektikê « art de la discussion, du dialogue ») ; terme devenu très équivoque, et qu’il faut toujours préciser. ♦ 1° Platon. (Synonyme de « philosophie ».) Méthode permettant de remonter des phénomènes sensibles aux Idées qui les font être (dialectique ascendante), puis de descendre des Idées aux phénomènes, qui sont ainsi connus dans leur réalité vraie ♦ 2° Aristote. Art des raisonnements probables. ♦ 3° Kant. Ensemble de raisonnements illusoires (« Logique de l’apparence ») qui prétendent spéculer par pure raison, indépendamment des données de l’expérience ♦ 4° Hegel. Système par thèse-antithèse-synthèse (v. « Aufheben ») reproduisant le mouvement de la réalité, le rationnel étant identique au réel. ♦ 5° Les épigones de Hegel reprennent ce procédé en le transférant dans la matière (Marx : « matérialisme dialectique », texte 141), dans la durée (Bachelard), dans la spéculation théologique (Karl Barth), etc. ; aussi ce terme finit-il par désigner, confusément, les rapports entre les choses.
DIALECTIQUE
Mot riche de sens, dans l’histoire de la philosophie.
C’est, primitivement, l’art du dialogue (du verbe grec dialegein : parler « à travers » l’espace qui sépare les interlocuteurs) comme méthode d’interrogation, mise au point peut-être par Zénon d’Élée, en tout cas pratiquée par Socrate et dont Platon entreprend la mise en forme littéraire. Mais le terme grec désigne aussi la division logique - sens également platonicien - qui aboutit à découvrir, de proche en proche, les concepts fondamentaux ou Idées : on évoque volontiers, à propos de Platon, une dialectique ascendante (partant du concret pour accéder à l’idée du Bien) et une dialectique descendante (revenant de la contemplation du Bien au quotidien) dont le mouvement complémentaire, dessiné dans la République, et plus particulièrement dans l’allégorie de la caverne, doit occuper la vie du philosophe véritable.
♦ Pour Aristote - antiplatonicien sur ce point comme sur beaucoup d’autres - le terme se nuance péjorativement : par opposition à l’analytique qui a pour objet la démonstration véritable, la dialectique n’a pour objet que les raisonnements élaborés à partir d’opinions simplement probables. C’est dans la même optique que Kant, dans la Critique de la raison pure, nommera « dialectique transcendantale » l’étude de l’illusion par laquelle l’esprit humain croit pouvoir dépasser les limites de l’expérience pour déterminer a priori* les concepts de l’âme, du monde ou de Dieu.
♦ Le Moyen Age, de manière générale, nomme dialectique la logique formelle (c’est-à-dire celle qui s’inspire des Analytiques d’Aristote) : inscrite dans le « trivium » universitaire, donc en dehors de ce qui est alors nommé philosophie, elle y accompagne la grammaire et la rhétorique. Certains auteurs toutefois (saint Thomas, Duns Scot) affectent encore le terme de résonances négatives - que l’on retrouve jusque dans le vocabulaire contemporain pour qualifier un raisonnement ou un discours inutilement subtil ou complexe.
♦ C’est au xixe siècle, avec Hegel, que la dialectique acquiert un sens philosophique nouveau - et tel qu’il innerve encore la majeure partie de ce qui se pense aujourd’hui : elle est comprise par le fondateur de l’idéalisme absolu comme la loi de la pensée et du réel, qui, progressant par négations successives (affirmation ou thèse, négation ou antithèse), résout les contradictions en accédant à des unifications (ou, selon un vocabulaire désuet et peu précis, synthèses) elles-mêmes partielles et appelées à être à leur tour dépassées. Ce « travail du négatif », inscrit au cœur du devenir, anime pour Hegel toute histoire particulière, qu’il s’agisse de celle de la nature ou de celle de la philosophie elle-même. Marx et Engels accepteront cette dialectique hégélienne comme méthode mais ils en inverseront le sens, en la faisant « descendre du ciel sur la terre » pour l’appliquer à l’étude des phénomènes historiques et sociaux, fondamentalement aux facteurs économiques : ce n’est plus l’Esprit ou l’idée qui détermine le réel, mais le contraire, et les marxistes ultérieurs (Lénine, Mao Zedong) élaboreront en système rigoureux ce matérialisme dialectique.
♦ Au XXe siècle, on qualifie dès lors de dialectique toute pensée qui tient radicalement compte du dynamisme des phénomènes ou de l’histoire et se montre sensible aux contradictions qu’ils présentent. Bachelard évoque ainsi, dans La Philosophie du non, un rationalisme et une évolution des concepts scientifiques qu’il qualifie également de « dialectiques » pour rendre compte du mouvement progressif de négation partielle, dans la science, de théories antérieurement admises comme universellement valides, et de leur intégration dans des théories plus ouvertes (cas de la mécanique de Newton et de la géométrie d’Euclide relativement à la relativité d’Einstein et aux géométries non euclidiennes).
DIALECTIQUE
Mot extrêmement riche de sens et d’acceptions diverses qui reçoit des valeurs tout à fait différentes selon les auteurs. Il faut donc distinguer ses divers emplois :
1. Primitivement art de la discussion, du dialogue. 2. Mode de raisonnement considéré comme peu sûr, restant au niveau des opinions probables et donc à exclure de la science qui vise à la vérité . Ce sens rare ne se rencontre que chez Aristote. 3. Une valeur négative est aussi attribuée à la dialectique par E. Kant qui voit en elle «une logique de l’apparence» c’est-à-dire une tendance à bâtir des raisonnements illusoires. En particulier la «dialectique transcendantale» est la prétention de notre raison à vouloir dépasser les limites de notre expérience et à connaître la métaphysique. 4. Au contraire la dialectique reçoit une valeur positive chez Platon qui la définit comme la démarche ascendante de l’esprit qui, par sa réflexion rationnelle, s’élève des apparences sensibles aux concepts de la science et parvient à la contemplation des Idées métaphysiques, réalités suprêmes qui sont les principes du monde.
5. F. Hegel entend par dialectique le mouvement qui accède à la vérité, non par un progrès continu comme chez Platon, mais par une suite de crises ou de contradictions surmontées. La marche dialectique de la pensée est un mouvement dans lequel une contradiction (affirmation — négation) appelle un dépassement (négation de la négation). Ce mouvement de l’esprit coïncide avec le mouvement de la réalité elle-même.
6. Enfin chez K. Marx et les marxistes, la dialectique est le processus du mouvement historique qui résulte des contradictions sociales à savoir les contradictions entre les classes qui elles-mêmes découlent des contradictions entre la situation économique et la situation politique : ainsi la Révolution de 1789 est une lutte entre la classe aristocratique et la classe bourgeoise ; en effet, la bourgeoisie qui détenait la puissance économique n’avait aucun pouvoir politique. La dialectique est aussi la méthode permettant de comprendre la totalité historique dans sa complexité, dans les multiples relations qu’entretiennent les différents niveaux de la vie sociale.
7. Il faut signaler un usage plus vague du mot dialectique par lequel est désignée toute forme d’action réciproque (G. Bachelard parle de la dialectique de l’expérience et de la raison qui est à l’œuvre dans les sciences physiques).
dialectique, primitivement, art du dialogue; lorsque deux individus d'opinions contraires se rencontrent, une discussion survient : chacun tente de réfuter l'opinion de l'autre; c'est l'opposition des thèses qui est le moteur de la discussion. — Tout dialogue est, de ce point de vue, dialectique (v. Dialogues de Platon). De cette simple expérience, on peut dégager un double aspect : négatif et positif. Aristote en a retenu l'aspect négatif lorsqu'il a défini la dialectique comme l'art d'argumenter et de réfuter, d'opposer simplement des thèses contradictoires (Kant). En un sens positif, la dialectique est l'art de construire une connaissance vraie : il faut avoir été certain d'une opinion (thèse), puis avoir reconnu le bien-fondé de l'opinion contraire (antithèse), pour connaître la vérité totale d'une chose (synthèse). C'est parce que l'homme ne peut pas tout comprendre du premier coup que son savoir est progressif et dialectique. Les psychologues ont remarqué que non seulement il comprend, mais il réalise dialectiquement sa personnalité par un jeu d'affrontement à autrui et de repliement sur soi-même, d'action et de réflexion. La dialectique n'est pas seulement une manière de comprendre, mais une manière d'être : de là se dégage la notion de dialectique réelle ou dialectique de la réalité. C'est en ce sens qu'Hegel, puis Marx ont parlé d'une dialectique de toute réalité humaine, non seulement au niveau de l'individu, mais de l'histoire de l'humanité; l'esclavage, dans l'Antiquité, fondé sur le culte de la force, devait nécessairement susciter le christianisme, qui est son contraire, c'est-à-dire une religion de l'intériorité et de l'esprit comme valeur suprême (Hegel). L'histoire se développe selon la loi de la contradiction : le comble du capitalisme (thèse) suscitera sa propre destruction (par une grande crise économique, disait Marx) dans le communisme (antithèse), puis l'avènement du socialisme (synthèse) ; les persécutions contre les juifs ont amené leur destruction, puis l'avènement d'un Etat juif, etc. C'est la réalité historique qui est dialectique. Les systèmes philosophiques s'opposent sur la nature de cette dialectique.
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