DESCARTES (vie et oeuvre)
Grâce à Descartes, ce n'est plus la religion qui dicte à l'homme ce qu'il doit penser, mais l'homme lui-même, sa pensée, le «je pense». Il place donc la personne humaine au centre de son système et il l'étudie par la méthode rationnelle, applicable à tous les domaines de la connaissance.
VIE
La Renaissance s'était caractérisée par la volonté de l'homme de connaître son univers par la remise en cause des idées reçues et le développement de l'esprit scientifique. Le XVIIe siècle prolonge et accentue cette tendance.
Formation (1596-1619)
- Naissance en Touraine. Études chez les jésuites au collège de La Flèche. Éducation très libérale. Baccalauréat et licence en droit à Poitiers.
- Début d'une vie errante. En Hollande, il rencontre le physicien Beeckman, avec lequel il rédige ses premiers travaux (mathématiques, physique).
- Une nuit, près d'Ulm, en Allemagne, Descartes découvre les «fondements d'une science admirable». Renonçant à la carrière militaire, il entreprend alors de «feuilleter le grand livre du monde». Voyages en Europe.
Exils (1629-1650)
- Quitte définitivement la France pour la Hollande, où il rédigera la majeure de son oeuvre. Déménagements incessants. Ses idées philosophiques sont condamnées par les autorités universitaires hollandaises.
- Cédant à l'invitation de la reine Christine de Suède, Descartes se rend à Stockholm. Peu après son arrivée, il prend froid et meurt d'une pneumonie, à l'âge de 54 ans.
OEUVRES
Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (1637)
Préface de trois essais scientifiques ("La Dioptrique", "Les Météores", "La Géométrie"), c'est l'ouvrage le plus connu de Descartes. Le philosophe y établit un ensemble de règles auxquelles devrait se plier la raison lorsqu'on recherche la vérité. Il énonce le fameux axiome «Je pense donc je suis» et en déduit l'existence d'un Dieu créateur et parfait.
Méditations métaphysiques (1641)
Moins connues du grand public, les "Méditations" apparaissent comme le développement des principes énoncés dans le "Discours". Descartes s'attache à démontrer l'existence de Dieu et à expliquer la nature de l'âme.
Principes de la philosophie (1644)
Dans ce «traité systématique», Descartes expose l'ensemble de son système philosophique: métaphysique et, surtout, physique. Cette dernière partie, toutefois, n'a pas résisté aux progrès de la physique newtonienne.
Lettres à la princesse Elisabeth (1642-1649)
Descartes entretint une correspondance avec la fille du roi Frédéric V de Bavière, femme fort cultivée et admiratrice critique. En tentant de lui expliquer le problème de l'union de l'âme et du corps, Descartes sera peu à peu amené à préciser sa morale.
Traité des passions (ou Les Passions de l'âme) (1644)
Cet ouvrage fait suite aux questions abordées dans les Lettres à la princesse Elisabeth. Descartes essaie de montrer comment les mouvements du corps peuvent agir sur l'âme et vice versa.
Traité du Monde (1664 - posthume)
Descartes renonça à publier ce traité de physique, rédigé vers 1633, après la condamnation de Galilée par l'Église. Il y exposait notamment sa théorie des tourbillons, qui remettait en question la conception aristotélicienne de l'Univers. Dans un chapitre consacré à l'homme, il réduit le fonctionnement du corps humain à un mécanisme.
EPOQUE
L'autorité religieuse
Au début du XVIIe siècle, la «philosophie» englobe a science et toute l'étude de la nature; elle est encore soumise à la religion, par l'entremise de la doctrine d'Aristote et de la scolastique. Le savant est avant out un clerc qui apprend par coeur les théories de quelques maîtres incontestés (Aristote, saint Thomas d'Aquin).
L'autorité de la raison
Or, depuis la Renaissance, un nouvel esprit scientifique, fondé non plus sur la tradition et la révélation, mais sur l'exercice de la raison, se développe. Francis Bacon (1561-1626) pose les bases de la science expérimentale: celle-ci doit être fondée sur l'observation, la recherche et l'analyse des faits. Les découvertes de Galilée contredisent la physique aristotélicienne et montrent que la nature obéit à des lois mathématiques. Les mathématiques se posent comme la «reine des sciences» et connaissent un grand essor au XVIIe siècle. Les philosophes rationalistes de cette époque - Descartes, Spinoza (1632-1677), Leibniz (1646-1716) - en font le modèle de toute connaissance rationnelle et tentent de fonder sur elles leurs systèmes philosophiques.
APPORTS
Ayant affirmé la primauté du «je», de la personne, Descartes apparaît comme le premier philosophe moderne. Et il a unifié tous les domaines de la connaissance en les soumettant à un principe unique: la méthode rationnelle.
La méthode. La pratique des mathématiques montre que la Raison peut arriver par elle-même à des vérités évidentes sans le recours à l'expérience. Fondant la connaissance sur la raison et le bon sens, Descartes l'a pour ainsi dire mise à la portée de tout le monde: chacun peut désormais parvenir à la vérité, sans se référer à la tradition livresque.
La métaphysique. Soucieux de ne pas heurter les autorités ecclésiastiques, mais aussi par conviction, Descartes a voulu harmoniser sa philosophie, qui pouvait apparaître subversive, avec les vérités de la religion.
La science. Descartes fut aussi un grand mathématicien. Son plus grand titre de gloire dans ce domaine réside dans l'invention de la géométrie analytique. Et, bien que ses idées en physique soient pour la plupart dépassées, il a découvert, en optique, les lois de la réfraction qui portent son nom.
Postérité-actualité. Les grands systèmes classiques (Spinoza, Leibniz, Malebranche) se réfèrent directement au cartésianisme, même si c'est pour s'en démarquer. Le siècle des Lumières, newtonien et empiriste, rejettera toutefois, avec la physique de Descartes, sa métaphysique: à l'évidence du cogito, ils opposent la certitude des faits. La primauté accordée par Descartes au sujet sera reprise par Kant au XVIIIe siècle, par Husserl et Sartre au XXe.
CITATION A RETENIR
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée […]. »
Les deux œuvres majeures de Descartes sont le "Discours de la Méthode" et les "Méditations Métaphysiques". Le projet philosophique, qui y est mené, est celui d une tentative radicale pour donner une assise solide à l’ensemble des connaissances humaines que Descartes estime incertaines et « fondées sur des principes […] mal assurés ». L’exigence première de la philosophie et des sciences est la certitude qui seule « permettra d’établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences ». Cette certitude, Descartes en fait d’abord l’expérience dans le domaine des mathématiques auxquelles il se « plaisait à cause de la certitude et de l'évidence de leurs raisons ». Il y puisera les quelques règles de méthode qui, quoique peu nombreuses doivent être strictement et résolument observées.
Les quatre préceptes de la méthode sont exposés dans la deuxième partie du "Discours":
- Le premier, souvent appelé règle de l’évidence, invite à n'accepter comme vrai que ce qui évident. Est évidente l'intuition intellectuelle d’une idée claire et distincte. Qu’est-ce à dire ? Une idée est claire quand on en aperçoit tous les éléments. Elle est distincte quand on ne peut la confondre avec aucune autre. Il en résulte que la connaissance évidente ne peut être mise en doute : elle est indubitable.
- Le second précepte est la règle de l'analyse. Il s’agit de diviser les difficultés, de ramener un problème complexe aux éléments simples qui le composent et qui ont ainsi plus de chance d’être mieux connus.
- Le troisième, ou règle de la synthèse, recommande de conduire par ordre ses pensées en partant des plus simples et des plus faciles pour s'élever ensuite progressivement aux plus complexes et aux plus difficiles. (N.B. On ne demande pas autre chose en dissertation de philosophie).
- Le dernier, la règle de l'énumération, rappelle la nécessité de « faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, “qu'on est assuré” de ne rien omettre ».
Le respect de ces règles a conduit Descartes à renforcer son exigence de certitude et à lui faire prendre conscience de la nécessité de mettre en doute, une fois en sa vie, l’ensemble de ses connaissances. C’est à cette entreprise radicale à laquelle Descartes s’attache dans Les "Méditations Métaphysiques". C’est le doute méthodique, radical et hyperbolique qui servira de moyen à Descartes pour le conduire à cette première évidence fondatrice de toutes les autres, au premier principe absolument indubitable de sa philosophie : le cogito. Il ne saurait être question ici, d’en épuiser les diverses interprétations. Disons que pour celui qui examine la question avec soin, il n’est pas possible de mettre en doute la vérité de cette proposition: "je pense donc je suis". Penser, c’est-à-dire aussi bien douter, imaginer, sentir, etc., c’est, pour Descartes, avoir la certitude de son existence. Cette certitude n’est pas, contrairement aux apparences, la conclusion d’un raisonnement ou d’un quelconque syllogisme, du type : « tout ce qui pense existe ; or je pense, donc je suis. » Le caractère intuitif du cogito en assoit la certitude et nous sommes « moins assurés de la présence des objets [que nous voyons] que de la vérité de cette proposition » ( "Lettre au Marquis de Newcastle", avril 1648). Il n’y a donc rien de mystérieux dans le cogito cartésien qui prouve, selon Descartes, l’existence d’une âme entièrement distincte du corps, plus facile à connaître et plus certaine que lui.
Mais, puisque « les actions de la vie ne souffrent aucun délai », et dans l’attente d’une morale scientifique et rationnelle, c’est-à-dire s’appuyant sur une connaissance certaine de ce qui est et de ce qu’il faut faire, Descartes propose une morale par provision. Cette morale provisoire consiste en trois ou quatre maximes ou règles de conduites qu’il est plus raisonnable de suivre :
- « La première [maxime] était d’obéir aux lois et aux coutumes […] me gouvernant en toute autre chose, suivant les opinions les plus modérées […] ».
- « Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m’y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées ».
- « Ma troisième maxime était de tacher toujours à me vaincre plutôt que la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde ; et généralement à croire qu’il n’y a rien qui ne soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées… ».
- « Enfin pour conclusion de cette morale, je m’avisai de faire une revue sur les diverses occupations qu’ont les hommes en cette vie, pour tacher à faire choix de la meilleure[…] je pensai que je ne pouvais faire mieux que de continuer en celle-là même où je me trouvais ».
Cet ensemble de règles peut sembler manquer d’audace ; toutefois, elles sont sous-tendues par une pensée où la résolution et la vertu de générosité jouent un rôle essentiel.
Textes importants de Descartes:
- Sur le cogito, Méditations Métaphysiques (II), Discours de la Méthode (IV).
- Sur le doute, Méditations Métaphysiques (I).
- Sur la liberté, Méditations Métaphysiques (IV).
- Sur la générosité, Passions de l’âme (art. 152-153).
- Sur la morale provisoire, Discours de la Méthode (III).
[…] “Il y a bien des choses que nous rendons plus obscures en voulant les définir, parce que, comme elles sont très simples et très claires, nous ne pouvons mieux les connaître ni les percevoir que par elles-mêmes. Bien plus, il faut mettre au nombre des principales erreurs qui se puissent commettre dans les sciences, l’erreur de ceux qui veulent définir ce qui doit seulement être conçu, et qui ne peuvent pas distinguer les choses claires des choses obscures, ni discerner ce qui, pour être connu, exige et mérite d’être défini de ce qui peut très bien que connu par soi-même.Je ne crois pas. en effet. qu’il y ait eu jamais personne d’assez stupide pour avoir besoin d’apprendre ce que c’est que l’existence avant de pouvoir conclure et affirmer qu’il existe. Il en est de même pour le doute et pour la pensée. J’ajoute même qu’il est impossible d’apprendre ces choses autrement que par soi-même et d’en être persuadé autrement que par sa propre expérience et par cette conscience ou par ce témoignage intérieur que chacun trouve en lui lorsqu’il se livre un examen quelconque. Si bien que, tout de même qu’il est inutile de définir le blanc pour faire comprendre ce que c’est à un aveugle et qu’il nous suffit d’ouvrir les veux et de voir du blanc pour savoir ce que c’est pour savoir ce que c’est que le doute, et la pensée. il suffit de douter et de penser. Cela nous apprend tout ce que nous pouvons savoir à cet égard et même nous en dit plus que les définitions les plus exactes.” DESCARTES […]
[…] définie comme cause d’elle-même, la volonté est forcément volonté libre. Ainsi, pour Descartes, notre liberté réside en notre pouvoir de choisir qui s’exprime déjà dans nos actes les […]
[…] « ce qui vient du dehors » et « ce qui s’ajoute ». C’est plus particulièrement à Descartes qu’il revient d’avoir fait un usage spécifique du terme. Il désigne pour lui une […]
[…] pas trompeur et n’a pas l’intention de tromper. « Véracité divine » chez Descartes désigne un attribut de Dieu qui garantit la vérité de notre […]
[…] la connaissance en dehors de l’expérience, en vertu des idées innées. Mais les erreurs de Descartes en physique et la supériorité de Newton dans ce domaine montrent la nécessité de tenir compte […]
[…] méthodique ou cartésien. Avec Descartes, le doute n’est plus une fin en soi, mais un moyen en vue d’une fin. Descartes doute […]
[…] classique « une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir » (Descartes), le terme perd peu à peu son sens théorique, pour signifier aujourd’hui, au sens le plus […]
[…] mais reconnaisse dans l’impression présente le souvenir d’une impression passée. Descartes distingue ainsi la réminiscence, comme souvenir d’une perception ancienne non reconnue comme […]
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