DERRIDA (vie et oeuvre)
Né en 1930 en Algérie, il est l'un des philosophes français contemporains les plus connus et les plus controversés. Il est considéré comme le père de la «déconstruction», Sa pensée a une grande influence dans les milieux universitaires américains, où elle est souvent interprétée dans un sens radical et féministe. Derrida est le philosophe français contemporain le plus connu et le plus traduit à l'étranger. Son concept de la «déconstruction», c'est-à-dire la mise à nu de l'idéologie latente dans les discours philosophiques, a été repris dans un sens radical par de nombreux universitaires, notamment aux Etats-Unis. Derrida fait partie des philosophes français issus de la mouvance structuraliste et postsoixante-huitarde qui ont élaboré une philosophie critique à l'encontre des idéologies et des institutions. Comme Bourdieu, Serres, etc., il connaît un grand succès dans les universités étrangères.
OEUVRES
La grande idée de Derrida, c'est la «déconstruction»: analyser les textes philosophiques - et, au-delà, tout discours institutionnel - pour mettre à nu, sous la prétendue rationalité, les glissements idéologiques, les préjugés politique et le refus des différences.
De la grammatologie (1967)
Derrida s'efforce de déconstruire la philosophie occidentale et de mettre en question les principes sur lesquels elle se fonde. Il critique ce qu'il nomme le «logocentrisme», c'est-à-dire la tendance à privilégier le logos, le discours. Au nom de cette préférenceimplicite , la philosophie, depuis Platon, privilégie la parole sur l'écriture, l'intelligible sur le sensible. Ce logocentrisme est fondé sur un présupposé: la croyance que la vérité se dit dans la parole et que l'écriture ne peut que brouiller le sens. La linguistique saussurienne renforce ce préjugés, en considérant que le signifiant (écrit) n'est que le signe d'un signifié (sens) supérieur.
L'Ecriture et la différence (1967)
Pour Derrida, le sens n'est pas extérieur au discours. L'écriture ne brouille pas le sens, elle le diffère, dans un processus que Derrida nomme la différance (avec a). Le sens du texte déborde ce que son auteur croit vouloir dire. L'écriture sédimente en effet un ensemble de préjugés informulés, voire occultés par la métaphysique occidentale. La tâche de la déconstruction est de démonter le texte pour mettre à nu ces préjugés. Derrida montre que le culte du logos, de la Raison, doit être mis en rapport avec le pouvoir masculin et avec un rejet des différences (avec e). Il dénonce ainsi le machisme logocentrique, les hiérarchies implicites qu'il impose à la pensée depuis trois mille ans. C'est pourquoi Derrida renonce volontairement à la rhétorique traditionnelle un style idiomatique parfois difficile.
Glas (1974)
Ce texte illustre, dans sa mise en page, le désir de subvertir les rhétoriques traditionnelles. Il se présente sur deux colonnes: à gauche, une analyse de la philosophie de Hegel, à qui Derrida reproche d'unifier le même et l'autre sous le pouvoir totalisant (et totalitaire) de la raison. A droite, une analyse de textes de Jean Genet, dans laquelle il remet en question la notion de texte signifiant.
EPOQUE
Les années 60 voient le triomphe du structuralisme en France. Cette «méthode», issue de la linguistique saussurienne, consiste à envisager son objet d'étude (les textes, les sociétés, l'inconscient…) comme une structure dans quelle le sens est déterminé par le jeu des rapports entre leurs éléments. Une des conséquences du structuralisme, c'est la remise en cause de la notion de sujet libre et raisonnable léguée par la philosophie classique.
La «French philosophy»
La critique du sujet entraîne une critique du pouvoir, mais aussi des idéologies et institutions par lesquelles le pouvoir se justifie et se donne un sens. La philosophie française, contestataire, jouit d'un grand prestige à l'étranger, et notamment dans les universités américaines. Des philosophes comme Serres, Bourdieu, Derrida, Foucault y sont considérés comme des stars.
APPORTS
Derrida a connu une grande faveur dans les universités américaines. Sa critique du «machisme logocentrique» a été reprise par les intellectuels radicaux, notamment par les féministes et les défenseurs des minorités, pour affirmer leurs revendications.
La déconstruction. Le terme a peut-être été galvaudé, voire déformé dans un sens plus simpliste que celui que lui donne Derrida. Il n'en reste pas moins que le philosophe est surtout connu comme le père de cette notion, dont on trouve déjà le principe, comme il le reconnaît lui-même, chez des auteurs comme Luther ou Heidegger. Plus qu'une démarche herméneutique , interprétative, la déconstruction est une démarche politique, dans la mesure où elle critique le contenu idéologique de la philosophie occidentale et associe le culte de la Raison au phallocentrisme et à l'européanocentrisme.
Le retour au texte. Sans être véritablement structuraliste, Derrida partage avec ce courant de pensée le souci de trouver le sens des textes à l'intérieur des textes mêmes, dans leur structure et leur non-dit, sans se référer à l'extériorité d'un sujet pensant, libre et raisonnable. De même, son idée selon laquelle la pensée ne se sépare pas du style impose une nouvelle manière de philosopher, c'est-à-dire d'écrire la philosophie.
Actualité/Postérité. La déconstruction a fait l'objet d'une véritable mode dans les universités américaines. Dans son aspect positif, le concept permet une critique salutaire des présupposés de certains discours. Toutefois, les intellectuels radicaux, les féministes, les défenseurs des minorités y ont vu un outil idéal pour nier le discours dominant dans la philosophie et les institutions occidentales, sous prétexte que ce discours émanait le plus souvent d'«hommes, blancs et européens». On peut considérer que Derrida a servi involontairement d'alibi au «politiquement correct» dans ce qu'il a de plus excessif.
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