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déclamation

La déclamation est d’abord l’exercice par lequel, dans les écoles de rhétorique, on apprenait aux étudiants à se familiariser avec les conditions concrètes du métier d’avocat, dans la prononciation de plaidoyers fictifs, sur des sujets fictifs mais considérés comme exemplaires du type de discussions possibles. On commence normalement par des narrations, avant d’arriver à des discours complets.
Voici quelques exemples de thèmes, d’après Quintilien :
- si la vie champêtre est préférable à celle qu’on mène à la ville; - si l’homme de guerre acquiert plus de gloire que le jurisconsulte; - s’il est avantageux de se marier; - s’il faut briguer les charges; - pourquoi les Lacédémoniens représentent toujours Vénus armée; - pourquoi on dépeint l’amour sous la figure d’un enfant -pourquoi on lui donne des ailes, des flèches, et un flambeau; - s’il faut toujours s’en rapporter aux témoins; - si l’on doit croire sur de légères preuves.
La déclamation est donc faite pour disposer aux actions du barreau. C’est de l’héritage de cette pratique, à la fois répétitive, positive et radicale, entièrement dépourvue d’orientation axiologique ou idéologique, qu’est venu le genre littéraire ainsi dénommé, selon lequel, du Moyen Age aux Temps Modernes, un locuteur, dont l’engagement personnel reste incertain, développe, sur des sujets les plus divers, un discours d’orientation argumentative aussi violente qu’équivoque (comme le texte connu sous le titre de Contr’un, de La Boétie). À partir de l’époque moderne, on voit se développer un autre sens du mot : celui d’interprétation orale d’un texte. On rappellera à cet égard un texte significatif du début du xviiie siècle, extrait du Traité du récitatif de Grimarest : La Déclamation, dans le sens qu ’on la prend aujourd’hui, est le récit ampoulé que l’on fait d’un discours oratoire, pour satisfaire l’esprit, & pour toucher le cœur des spectateurs. D’où il s’ensuit qu’un Sermon, une Oraison, une Tragédie, une Comédie peuvent être l’objet de cette partie de la Rhétorique. Il ne faut pas se tromper sur le sens d’ampoulé : cet adjectif désigne ici simplement une tenue et un artifice de haute qualité esthétique visant à l’expressivité de la performance. Il s’agit donc de la représentation sonore du texte, au niveau de sa valeur d’éloquence ; c’est l’ensemble des comportements gestuels, y compris les jeux des différentes parties du visage, qui accompagnent la profération du texte. Celui-ci existe ainsi en tant que spectacle, à la fois interprétation et représentation, avec pour élément physique central le son, sous la forme de la voix entendue de l’interprète, dans son ton, ses registres, ses rythmes, son tempo, sa mélodie, ses intonations, son intensité, sa qualité - et surtout dans la combinaison de ses variations, selon à la fois la personne du déclamateur, celle de ses auditeurs, la nature et le moment de son sujet. Ce spectacle sonore a concerné essentiellement l’éloquence de la chaire dans les sermons, celle du barreau, et l’interprétation-présentation des pièces de théâtre par leurs auteurs dans les salons (à quoi on ajoutera les récitations poétiques). L’oralité performative de l’éloquence se révèle en outre, pour les lecteurs postérieurs de ce type de textes, dans des marques verbales explicites à l’intérieur des phrases quasi méta-linguistiques de certains de ces discours, marques à leur tour qui n’ont d’autres valeurs littéraires que de signaler l’authentique portée spectaculaire de ces œuvres.

=> Orateur, oratoire, action, éloquence; démonstratif, délibératif, judiciaire; toucher, passions.


Déclamation. Art de prononcer un discours quel qu’il soit.
— Déclamation oratoire : art de dire un discours en public. La déclamation fait partie de l’action, la cinquième des parties de la rhétorique. Dans la rhétorique antique, ce nom est également donné aux exercices proposés aux futurs orateurs pour les préparer à l’éloquence. Les élèves devaient déclamer sur des sujets généralement artificiels. Le terme est donc souvent péjoratif et associé à l’enflure et à la fausseté. — Déclamation théâtrale : art de dire un texte de théâtre. Comme la poésie, le théâtre se situe entre ces deux extrêmes que sont le naturel de la vie quotidienne et une transfiguration par des conventions artificielles. La diction des vers hésite elle aussi tout au long de son histoire entre l’artifice et le naturel. Dans le théâtre classique, la déclamation est inséparable du style et de la versification. Dans les grands genres comme la tragédie, loin de tout réalisme, règne la majesté et la solennité : la diction est syllabique et monotone, avec seulement deux accents, à la césure et à la fin du vers. Critiquée dès le XVIIe siècle, par des auteurs comme Corneille (l’introduction des stances répond en partie au désir de rompre la régularité de l’alexandrin) la déclamation évolua sous l’influence de l’Opéra introduit par Lulli, et des auteurs et acteurs de comédie au premier rang desquels Molière, vers plus de vie, de mouvement et d’expressivité. Le XVIIIe siècle poursuivra cette réforme et la déclamation sera emportée dans la même tendance au naturel que celle qui caractérise l’évolution du mètre et de la langue poétique. Dans les spectacles qui mêlent musique, chant, et langage ordinaire, on parle de déclamation pour cette dernière catégorie. La déclamation se distingue du récitatif qui consiste, de manière plus libre et moins ornée que les airs chantés, à réciter des paroles sur des notes.